28 septembre
Samedi matin. La plupart des résidents sont rentrés chez leurs familles respectives, et la ferme est quasiment déserte. Au rez-de-chaussée du foyer d’accueil, il n’y a plus que David, au bout d’un couloir, qui passe la serpillière en sifflotant, toujours d’humeur allante. Ici, David effectue son travail d’intérêt général après avoir été condamné pour coups et blessures. En 2013, le bougre a frappé quelqu’un au visage, en lui infligeant pas moins de dix jours d’incapacité totale de travail, avant de fuir pendant plusieurs années à Londres. Rattrapé par la patrouille à son retour en Pologne, il a d’abord été quelques semaines dans un établissement pénitentiaire, et doit désormais purger sa peine en passant la serpillère ici même. À l’occasion, il ne rechigne pas devant les travaux agricoles, dans les champs comme à l’étable. En somme, il paie sa dette à la société, et le prix ne paraît nullement lui coûter dans cette ferme à visée sociale.
L’après-midi, tandis que nous partons nous promener dans les bois qui jouxtent les champs, Marie me soumet l’idée d’accueillir elle aussi, dans sa ferme aux contours encore flous, quelques-uns de ces individus condamnés pour délits mineurs et devant réaliser des travaux d’intérêt général. Des gens condamnés à de la ferme. Une alternative à la peine carcérale que Marie juge utile, et même fantastique. Étant donné mon passé de juriste, elle m’imagine déjà mettant sur pied tout un programme d’accueil pour ces personnes en voie de réinsertion. À cela, je réponds avec enthousiasme : « Et pourquoi pas ? » Marie sait que le chemin est encore long, que le fantasme aura le temps de se casser la gueule plusieurs fois, qu’il est sans doute utopique, à ce stade, de vouloir greffer sur le projet tout un tas d’ambitions diverses et variées. Il est bon d’en avoir conscience ; il est également bon de rêver tant qu’on peut.
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