Dernier jour d'insouciance
"La paix n'est rien de plus qu'un répit entre deux guerres".
Recueil chronologique d'Astra VIII – verset 12
"Tant que je suis, l'équilibre sera"
Recueil chronologique d'Astra VIII – verset 1
La lune est muette depuis quelques temps déjà. Aucune leçon, aucun dicton depuis au moins trois battements de terre.
"Tumultueux était le temps, visionnaire était l'enfant" aurait-elle pu nous dire ce soir là. Elle aurait dû nous le dire, nous le répéter sans cesse, jusqu'à ce que nous comprenions. Cela nous aurait évité bien des désillusions, bien des souffrances. Mais non, ce soir là, elle est restée muette.
Pourtant la journée avait commencé comme à son habitude, dans son équilibre le plus parfait. Le jour venait de paraître, la lune s'était couchée, laissant sa place à la lumière. La vie pouvait enfin reprendre ce qu'elle avait laissé en suspens la veille. Les rues commençaient à s'animer.
Les différents peuples se côtoient sans accrocs dans la ville centrale, c'était bien le seul endroit où on ne pouvait y déterminer une quelconque minorité, ni aucune majorité. Chaque peuple avait sa spécialité et ses atouts. Chaque défaut d'un peuple était compensé par la qualité d'un autre. Cela permettait d'avoir le meilleur de chacun dans une même et unique ville. L'équilibre parfait en quelques sortes.
Les enfants avaient, comme chaque matin, cours de dicton. On reprenait mot pour mot les paroles de la lune de la vieille au soir et ,pendant la première partie du cours, on devait noter sur sa copie le sens qu'on en avait saisi.
Puis, venait le temps de la confrontation : on y lisait ses écrits à haute voix et on y exposait les notions qu'on pensait avoir comprise.
Cela bien entendu provoquait régulièrement des débats animés que notre professeur devait calmer de temps à autre.
Le dicton du jour était donc "ôté est le noyau, pourri sera le fruit".
Il était surement passionnant pour le professeur de voir comment chacun allait percevoir ces quelques mots. Certains élèves le prenaient au pied de la lettre et imaginaient le fruit de leur goûter se décomposer dans leur bouche une fois le noyau enlevé. Les grimaces que le professeur percevait sur leur visage ne l'y trompait pas, un fruit pourri doit apparemment avoir bien mauvais goût.
D'autres élèves avaient des réflexion plus approfondies en faisant référence à la vie et à la mort avec le cœur remplaçant le noyau et l'être, le fruit.
Certains voyaient le noyau comme étant la ville centrale qui ,comme chacun sait, est située au centre de son fruit : le monde..
D'autres allaient aussi en ce sens en paraphrasant des citations antérieurs de la lune pour appuyer leur thèse : "L'équilibre est au centre de toute chose" disait-elle un soir, donc l'équilibre c'est la ville centrale. "Sans équilibre, pas de vie possible" disait-elle à un autre moment, donc en l'absence de la ville, équilibre du tout, le monde serait déséquilibré et s'auto-détruirait.
Un autre se remémorait l'apprentissage des quinze premiers verset du recueil chronologique et en conclut, après un cheminement de pensée, que la lune pouvait être le noyau et le monde son fruit : que si Astra VIII n'existait plus, le monde finirai par se détruire à son tour.
Cet autre enfant c'était moi, et j'aurais pu avoir la note maximale sur ces quelques lignes que j'avais griffonné en première partie de cours à cette époque. Maintenant la lune n'est plus et le monde est bien ce qu'il est aujourd'hui : en train de pourrir.
Archives des lunes et de leurs mondes.
Mémoire des mondes perdus.
Journal d'un anonyme.
Annotations
Versions