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L'imam dévoyé. Illizi, le 30 décembre 2023.
Les premières lueurs de l'aube effleuraient à peine l'horizon lorsque Cheikh Arezki apparut dans la mosquée. Un chant mélodieux émanant de sa gorge, brisait le silence ambiant et vibrait dans l'air frais du matin. C'était l'appel à la prière qu'il psalmodiait avec une ardeur jamais démentie au fil des ans. Sa voix puissante et envoûtante résonnait dans les étroites ruelles du village d'Ihdikaouène Bouadda, incitant les fidèles à se lever pour la prière initiale du jour.
Après de ferventes oraisons ajoutées à la prière de l'aurore, le cheikh se rendait au mausolée d'Ath Sidi Sadi, un lieu de recueillement pour les adeptes, qui venaient solliciter ses conseils, implorer sa bénédiction ou simplement partager un moment de conversation avec cet homme sage et écouté. Sa connaissance de la parole de Dieu et des traditions ancestrales faisait de lui un guide précieux, capable de dénouer les situations les plus ardues et d'apaiser les cœurs les plus meurtris.
Cheikh Arezki, ce célèbre imam de Tikobaïne, descendait d'une fameuse famille maraboutique. Ses ancêtres venaient de la zaouïa de Cheurfa, à la périphérie de Tigzirt. Il exerçait ses fonctions sociales et religieuses dans le sanctuaire de ses aïeux Ath Sidi Sadi, au village d'Ihdikaouène Bouadda.
Le guide spirituel cumulait de multiples tâches. Il appelait aux cinq prières quotidiennes et prêchait le vendredi et les fêtes de l'Aïd. Il dirigeait également les prières funéraires et concluait les mariages traditionnels. C'était lui qui prononçait la ''fatsiha'', l'oraison de bénédiction qui concluait tout regroupement de gens en toute circonstance, et qui dirigeait les ''dkir'' ou lithanies poétiques déclamées en l'honneur des prophètes et des saints. Notamment, lors des veillées funèbres et le quarantième jour du décès.
La koubba de Cheikh Arezki, modeste édifice de pierre blanchie à la chaux, se dressait sur les hauteurs du village d'Ihdikaouène Bouadda comme un phare de savoir et de spiritualité. C'est là que le cheikh, figure vénérée et respectée, dispensait son enseignement et offrait ses services à la communauté.
Dans ce monument, il enseignait le Coran et les préceptes de l'islam aux enfants et répondait aux préoccupations des fidèles. La communauté faisait appel à lui pour obtenir des conseils sur diverses questions de son quotidien et pour résoudre des conflits entre individus, familles, clans ou villages.
Dès la pointe du jour, les enfants du village se pressaient aux portes de la koubba, avides d'apprendre ''awal n Rebbi'', la parole de Dieu, et de s'imprégner des valeurs islamiques. La voix douce et harmonieuse du guide qui retentissait dans la petite salle, rythmait les versets sacrés et captivait l'attention de ses jeunes disciples.
Le savoir du cheikh, vaste et insatiable, ne se limitait pas aux questions religieuses. Les villageois venaient le consulter pour obtenir des orientations et des instructions sur tous les aspects de la vie quotidienne, de l'agriculture au commerce en passant par les relations familiales et les préoccupations personnelles.
La koubba constituait également un carrefour de médiation et de résolution des litiges et des conflits. Le cheikh, doté d'une sagesse et d'une équité reconnues, était grandement sollicité pour arbitrer des différends entre individus ou entre familles. Il était un conciliateur respecté, souvent appelé à intervenir dans les conflits de clans ou de villages. Sa clairvoyance et son impartialité lui permettaient de proposer des solutions justes et équitables, apaisant les tensions et préservant la cohésion sociale. Sa parole était sacrée, et ses décisions rarement remises en question.
La koubba de Cheikh Arezki formait un véritable havre de paix et de convivialité où les membres de la communauté se retrouvaient pour apprendre, partager et trouver conseil et réconfort. Le cheikh, figure paternelle et bienveillante, était le pilier central de cette corporation soudée, et son influence se manifestait dans tous les aspects de la vie quotidienne.
Outre son enseignement et ses bons offices, Cheikh Arezki s'était également consacré à la pratique de la médecine traditionnelle. Il préparait des incantations et des remèdes à base de plantes, inspirés de la culture ancestrale, pour soigner les malades qui y trouvaient ainsi réconfort et guérison. Aussi, il utilisait les talismans et la médecine prophétique pour soigner des patients parmi les fidèles. Ces méthodes étaient souvent perçues comme un complément à ses enseignements spirituels et suscitaient de l'intérêt au sein de la communauté.
Les fidèles étaient convaincus que la combinaison de la foi et des remèdes traditionnels pouvait soulager les maux du corps et les troubles de l'esprit. Malgré les réticences de certains, la pratique de la médecine ancestrale par Cheikh Arezki attirait de nombreux adeptes. Son approche holistique, qui prenait en compte le bien-être physique, mental et spirituel de l'individu, lui valait l'admiration et la gratitude de ceux qui avaient trouvé soulagement grâce à ses soins.
La renommée de notre cheikh était telle que des gens venaient des régions lointaines pour chercher ses traitements et ses conseils, et des avis religieux sur certains points spécifiques de leur vie spirituelle.
Sa réputation reposait sur son érudition exceptionnelle. Sa maîtrise et son talent étaient inégalées parmi les guides spirituels des régions environnantes. Il était capable de réciter de mémoire les versets sacrés et de commenter les textes religieux avec une éloquence qui fascinait même les plus érudits.
C'est avec une grande fierté que ses adeptes annonçaient que leur cheikh avait appris la parole de Dieu dans son intégralité.
«Ccix nnegh yextem settin hizeb. Notre maître connaît par cœur les soixante hizbs du Coran», proclamaient-ils orgueilleusement.
Les compétences et le charisme de Cheikh Arezki lui conféraient une grande influence au sein de la communauté des fidèles. Ses paroles étaient écoutées avec respect et ses conseils suivis avec assiduité.
Bien plus qu'un simple imam ou un guérisseur, Cheikh Arezki représentait un phare de lumière dans ce monde rural et constituait un symbole de sagesse et d'espoir pour les fidèles. Sa présence rassurante et sa compassion envers les pauvres inspiraient confiance et respect au sein de la population locale.
Le soir venu, Cheikh Arezki se réunissait avec ses concitoyens sur la place du village. De sa voix douce et chaleureuse, il captivait l'auditoire lorsqu'il narrait les histoires des prophètes et de leurs miracles. Il dressait le parcours prodigieux des aïeux et racontait la légende des saints patrons maraboutiques. Un moment de partage et de communion où les petites gens se rassemblaient pour avaler les paroles inspirées de cette figue à la fois noble et vénérée.
Lorsque le soleil déclinait, Cheikh Arezki se retirait dans sa ''taxelwit'' où il se perdait dans les écrits des grands maîtres de la jurisprudence islamique. Il passait une bonne partie de la nuit à méditer sur les textes sacrés, nourrissant ainsi sa foi et son esprit. Il ne cessait jamais d'approfondir ses connaissances et de partager ensuite ses réflexions avec ses disciples lors de ses prêches et de ses causeries religieuses.
Homme humble et généreux, Cheikh Arezki tendait toujours la main aux plus démunis. Par son indulgence et sa compassion, il donnait l'image d'un véritable saint dans la région. Il menait une vie simple et exemplaire, un modèle pour tous ceux qui le côtoyaient.
* * *
En vingt ans d'exercice dans le respect et la notoriété, Cheikh Arezki n'avait commis en tout que deux mémorables grosses aberrations. Les autres cheikhs en abusaient tous les jours et en commettaient régulièrement.
La première méprise fut commise un jour de Ramadhan. Alors que les nuages assombrissaient l'après-midi, croyant que le soleil se couchait, le muezzin appela à la rupture du jeûne sans que lui-même ne rompe le sien. Mais peu de temps plus tard, les nuages se dispersèrent, laissant place à la lumière du soleil qui réapparaît et les fidèles se retrouvèrent à avoir rompu le jeûne en plein jour.
L'imminent guide fit rompre le jeûne à tout le monde, tout en s'abstenant lui-même de manger. Un grand péché, passible de l'Enfer ! Le grand imam de Cheurfa, Cheikh Tahar, le punit d'une expiation de jeûne de soixante jours d'affilée.
Le cheikh, contrit, exprima ses regrets et sa peine. Il assuma la responsabilité de son erreur et s'engagea à accomplir l'expiation prescrite. Les fidèles, initialement perplexes, furent partagés entre la déception et la compréhension face à l'erreur de leur guide spirituel. Bien que déçus par l'erreur de leur guide, ils savaient que cette aberration n'enlevait rien à ses qualités et à ses contributions.
Cette épreuve renforça la foi de Cheikh Arezki et son engagement envers sa communauté. Elle servit également de rappel aux fidèles que l'humilité et la repentance sont des valeurs essentielles dans la vie spirituelle.
Une seconde fois, l'administration coloniale l'avait informé que partout les fidèles célébraient la fête de l'Aïd, sauf à Tikobaïne. Les autorités voulaient avoir la mainmise sur la population et affirmer leur domination sur tous les aspects de la vie des indigènes, même sur le plan religieux. Leur but visait à manipuler Cheikh Arezki et le discréditer aux yeux de sa communauté.
Si jamais les habitants de Tikobaïne célébraient l'Aïd un jour différent du reste du pays, cela sèmerait la confusion et le mécontentement parmi la population locale. Résultat : fragilisation de l'autorité de Cheikh Arezki et, par extension, de celle de la confrérie religieuse à laquelle il appartenait.
Soucieux de maintenir l'unité de sa communauté, le cheikh, piégé, appela la population à célébrer la fête sans avoir vérifié cette fausse information auprès des autres membres de sa confrérie religieuse.
La décision de Cheikh Arezki provoqua une grande embrouille et une profonde indignation au sein de la communauté. Désorientés par cette divergence autour de la célébration de l'Aïd, les fidèles, insatisfaits, se montrèrent sceptiques, remettant en question la fiabilité du cheikh. La confiance et le respect qu'ils lui vouaient s'en trouvèrent ébranlés.
Les motivations de Cheikh Arezki dans cette affaire complexe restent opaques. Le guide a-t-il agi par conviction ou par crainte des autorités coloniales ? Personne ne saurait répondre à cette question. Personne ne peut affirmer avec certitude ce qui s'est réellement passé dans son esprit.
En réaction à la pagaille semée par Cheikh Arezki, l'éminant Cheikh Tahar parcourut à cheval toute la région de Ouaguenoun, informant les habitants que ce n'était pas l'Aïd. À l'aide de crieurs publics, il les mit en garde contre la manipulation et les avertit à se méfier des fausses informations diffusées par les autorités «mécréantes». Son intervention rapide permit de limiter les dégâts et de préserver l'unité de la communauté.
Conscient de la gravité de son erreur, Cheikh Arezki présenta ses excuses à sa confrérie et aux fidèles. Il fut condamné de nouveau à une expiation de jeûne de 60 jours consécutifs. Son humilité et sa repentance contribuèrent une fois de plus à apaiser les esprits au sein de la communauté et à lui faire regagner encore la confiance de ses fidèles. Cette attitude sincère et humble toucha les fidèles et leur permit de lui pardonner.
Cheikh Arezki avait toujours œuvré pour le bien de sa communauté. Son engagement et son dévouement lui valurent la déférence et l'admiration des fidèles. Comparé à d'autres imams qui commettaient des abus au quotidien, ces exactions paraissaient moins graves.
Les aberrations de Cheikh Arezki ne firent de lui ni un être infaillible ni un traître à sa communauté. Cet homme complexe était susceptible de grandes actions comme de graves erreurs. Sa force résidait dans sa capacité à admettre ses fautes et à se repentir sincèrement. Cette imperfection le rendait plus humain et plus proche d'eux.
* * *
Après avoir exercé de nombreuses années dans l'aisance et la gloire et qu'il se voyait avancé dans l'âge, l'imam décida de chapeauter sa pratique religieuse. Il escomptait entreprendre le pèlerinage à La Mecque pour accomplir le cinquième et dernier pilier de l'islam.
L'idée du hajj trottait dans l'esprit du cheikh depuis des années, mais il n'avait jamais essayé de la mettre en pratique.
Le voyage serait coûteux et dangereux, et ses modestes moyens ne suffiraient pas à financer une telle entreprise. Mais aujourd'hui, une force irrésistible le poussait à concrétiser ce rêve ultime.
Pour ce faire, il rassembla ses économies, principalement constituées des offrandes et cadeaux des fidèles. Il comptait se rendre à Paris pour rejoindre les lieux saints de l'islam. À cette époque, le point de départ habituel pour La Mecque se faisait généralement depuis la France.
Un mois avant le départ prévu pour La Mecque, Cheikh Arezki prit le bateau pour la France. L'imam était parti à l'avance pour découvrir un peu le tourisme et rencontrer la diasora kabyle, fort nombreuse en Europe à cette époque.
Dans son cœur, l'excitation se mêlait à l'appréhension. Il n'avait jamais quitté sa région d'origine et ne parlait pas la langue française. Mais la ferveur de sa foi et son désir d'accomplir son devoir religieux lui donnaient le courage d'affronter l'inconnu.
Dès son arrivée à Paris, il fut fasciné par la grandeur de la ville et la diversité raciale et culturelle de ses habitants. Il fut impressionné par la propreté des lieux, la bonne organisation de la société et la disponibilité des biens et des services. Et par-dessus tout, le comportement exemplaire des citoyens, le respect mutuel des gens entre eux, la beauté des profils et la bonne mine des visages.
À la zaouïa, l'imam avait appris que les chrétiens étaient des individus cruels et sauvages, des êtres barbares sans loi ni foi. Des personnes mal éduquées, ignorantes, sales et immorales. Des menteurs, des voleurs, des traîtres.
Une fois en France, il découvrit une réalité bien différente et se rendit compte que sa perception des évangéliques était fausse à toute égard. En dehors du dogme religieux, il constata que les non-musulmans étaient parfois plus fervents dans leur pratique religieuse que les musulmans eux-mêmes. Il avait rencontré des roumis bienveillants, éduqués et pieux, dont la foi n'avait rien à envier à celle des de sa communauté des musulmans.
Cheikh Arezki fut frappé par la piété des non-musulmans qu'il avait rencontrés. Il avait observé des « infidèles » qui priaient avec ferveur, respectaient les valeurs morales et s'engageaient dans des actions caritatives, alors que, dans son propre pays, les musulmans semblaient se contenter d'une religiosité superficielle, dénuée d'éthique et de spiritualité.
Le contraste entre l'Occident et le Monde musulman était saisissant pour Cheikh Arezki. D'un côté, il avait vu un pays non musulman où l'islam était présent dans les valeurs et les comportements de tous les jours. De l'autre, il avait observé un pays musulman où des individus se réclamaient de l'islam sans en incarner les principes fondamentaux.
«Mis à part le dogme, les roumis étaient plus musulmans que les musulmans eux-mêmes», se disait-il.
Cheikh Arezki s'étonna qu'en France, il existe une manifestation de l'islam sans la présence de musulmans, tandis qu'en Algérie, il y a des musulmans qui semblent manquer de l'essence même de l'islam.
« En France, il y a de l'islam sans musulmans ; en Algérie, il y a des musulmans sans l'islam », conclut-il.
Le périple de Cheikh Arezki en France, bien plus qu'une simple découverte d'un nouveau pays, fut un voyage initiatique qui lui avait permis de remettre en question ses préjugés, d'étayer sa conception de la religion et de s'engager dans une quête spirituelle personnelle.
Ce voyage ébranla les convictions de l'imam, qui avait toujours considéré l'Occident comme un monde de perdition et qui découvrit en fin du compte une toute autre réalité. L'imam fut profondément fasciné par l'espace européen et ébahi devant la richesse du savoir, de la culture et de la civilisation occidentale. Il estimait que, sur de nombreux aspects, les «mécréants» avaient réussi à recréer le paradis sur Terre.
Le contraste entre l'image qu'il se faisait des «impies» et la réalité qu'il avait observée sur le terrain provoqua un choc salutaire pour le guide spirituel. Il en conclut que tout ce qu'il avait appris sur eux était erroné. Cette révélation l'amena à remettre en question la validité du reste des enseignements reçus à l'école coranique.
Le mois passé à Paris s'écoula rapidement. Le jour du départ pour La Mecque approchait à grands pas et l'excitation de Cheikh Arezki grandissait de jour en jour. Cependant, le voyage en France bouleversa sa perception du monde. Il n'avait plus cette ferveur et cette impatience de fouler les terres saintes et de vivre l'intense expérience spirituelle du hajj.
Le désir de comprendre ce monde nouveau et de découvrir la vérité l'avait poussé à prolonger son séjour en France. Il avait décidé de ne pas se rendre à La Mecque cette année-là et de se consacrer à l'étude de la culture et de la religion des non-croyants.
Au fil du temps, Cheikh Arezki adopta une vision plus ouverte et plus tolérante envers les «infidèles». Ses observations et ses interactions avec des personnes de différentes cultures et religions l'amenèrent à développer un esprit critique et à se forger ses propres opinions.
Son expérience en France lui permit de porter un nouveau regard sur la religion. Il comprit que le culte ne se résumait pas à un ensemble de dogmes et de rituels, mais qu'il était avant tout une quête spirituelle et morale.
Le séjour de l'imam en France se prolongeait et son immersion dans la culture occidentale le transforma peu à peu. Après quelques mois, il se retrouva à boire de la bière dans les cafés avec ses concitoyens, lui qui n'avait jamais goûté à l'alcool auparavant, une boisson interdite aux musulmans. Il trouva même que la viande de porc avait un bon goût, une denrée également interdite aux musulmans. Il considéra aussi qu'en fin du compte, rompre le jeûne du ramadan n'était pas du tout '' un crime contre le genre humain ''.
Ces transgressions alimentaires symbolisaient une remise en question plus profonde des dogmes religieux. Le guide commençait à douter de la validité de ces interdits et à s'interroger sur leur fondement. Il se demandait si le fait de boire du vin ou de manger du porc était réellement un "affront à l'essence divine".
Cheikh Arezki adopta un nouveau style de vie, s'habillant à l'occidentale, fréquentant les bistros et les lieux de divertissement, buvant de l'alcool, et devenant de moins en moins assidu dans sa pratique religieuse. Mais, la transformation ne se fit pas sans heurts.
Les concitoyens furent stupéfaits de voir leur célèbre cheikh boire de l'alcool au comptoir du bar, devant tout le monde. Cet acte coupable au vu et au su de tous provoqua un scandale dans la communauté. L'imam, autrefois respecté et vénéré, se comportait désormais comme un dévoyé et un pécheur. Les gens étaient choqués par ses choix et le regardaient avec désapprobation, le jugeant un homme dévié du droit chemin. Ils lui demandèrent des explications.
Face aux accusations et aux interrogations de ses concitoyens, Cheikh Arezki décida de leur dire la vérité et ce qu'il a sur le cœur. Il confessa que les enseignements dispensés dans les écoles religieuses étaient en partie erronés et qu'il avait propagé des mensonges sans le savoir.
Le peuple, qui avait toujours cru aveuglément l'imam, fut profondément choqué par ses aveux. Ils ne pouvaient accepter que l'imminent guide spirituel ait pu les tromper pendant si longtemps. La confiance était rompue et la méfiance prenait le dessus.
Cheikh Arezki fut intimement attristé par la réaction de la communauté. Il s'était rendu compte que son combat pour la vérité l'avait isolé et lui avait coûté le respect et l'affection de ses fidèles.
L'imam Cheikh Arezki constata que les gens n'écoutaient plus ses discours. Dans sa solitude et son désespoir, il prononça une phrase poignante qui résume son intime tragédie, lui qui était victime de sa propre quête de vérité dans un monde où le mensonge semble plus acceptable que la réalité.
Le célèbre guide en conclut, avec humour et une pointe d'amertume :
« Asmi akken i ken-nettkellix, tettamnem-agh. Tura mi d-neqqar tidet, ur gh-tettamnem ara ! Autrefois, je vous racontais des mensonges et vous me croyiez à la lettre ; aujourd'hui, alors que je vous dis la vérité, vous ne me croyez plus ! »
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