chapitre 2

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Il n'était, dans tout l'univers, de haine comparable à celle que les elfes noirs nourrissent à l'encontre des hauts elfes. Cette haine défiait la raison, corrodait leur santé mentale, et changeait ces êtres sophistiqués en barbares assoiffés de sang. Chez les elfes noirs, leur haine est si incommensurable, qu'elle a des impacts matériels sur eux et sur leur environnement. La haine les rendait plus forts, plus adroits, plus hardis. Cette haine décuplait tant leur puissance qu'un mage elfe noir pouvait désintégrer des montagnes, assécher des océans, incinérer des forêts, et réduire des citadelles en cendre si c'était nécessaire pour lui permettre de s'approcher suffisamment des hauts elfes pour pouvoir dégainer ses lames et les mettre en charpie au corps à corps. Car leur haine les pousse à vouloir sentir la chair de leurs ennemis se déchirer de leurs mains, être éclaboussés de leur sang chaud, et les regarder dans les yeux pour les voir passer de vie à trépas. Leur haine était telle que, face à leurs ennemis, ils renonçaient à la prudence et à la facilité, dédaignaient les armes à longue portée et la magie qui sont pourtant des arts en lesquels ils excellent, et se ruaient au combat avec un besoin malsain de corps à corps nerveux, violents, et sanglants.
Depuis des temps immémoriaux, les elfes noirs œuvraient à la destruction de leurs adversaires hauts elfes. Chaque elfe noir, au plus profond de son cœur, désirait ardemment et activement avoir la moindre occasion de faire souffrir les hauts elfes. Cette haine était ancrée dans leur sang, et rien ne pouvait l'apaiser sinon le sang de leurs ennemis. Depuis toujours, l'empire elfe noir œuvrait à la chute de l'empire haut elfe. Les elfes noirs lorgnaient les frontières avec avidité. Et l'empereur lui même avait du mal à contenir les élans sanguinaires qui secouaient son peuple.
Lorsque la fin des temps approcha, le peuple haut elfe fut l'un des plus affecté. Chez les elfes, chaque individu est sensible à la magie, et cela est d'autant plus vrai en ce qui concerne les hauts elfes. Les perturbations qui agitèrent la magie perturbèrent ceux ci au plus haut point. Certains d'entre eux souffrirent de mutations sans même avoir lancé de sorts. Les hauts elfes ne purent plus user de la magie comme ils le faisaient auparavant, pour bâtir leurs maisons et pour leur artisanat. Affaiblis comme jamais, ils se retrouvèrent sans défenses, et au même moment, tous les autres peuples du monde tournaient le regard vers leur puissant empire qui vacillait. Tous savaient que les hauts elfes disposaient de connaissances et d'une maîtrise de la magie qui dépassait de loin celles de tout autre peuple. Certains voulaient simplement mettre la main sur ces connaissances pour accroître leur puissance, beaucoup pensaient pouvoir trouver le moyen de se sauver, eux ou leur peuple, pour échapper à la fin du monde. Des vampires avides de puissance, des humains téméraires, des barbares jaloux, et toute autre sorte de peuples inférieurs ou de factions ambitieuses se ruèrent sur l'empire haut elfe pour piller les artefacts magiques et les connaissances.
Naturellement, les elfes noirs ne laissèrent pas passer une telle occasion. Ne pouvant se résoudre à laisser le monde être détruit avant qu'ils n'aient pu satisfaire leur haine, les elfes noirs, profitant que les hauts elfes étaient occupés partout par des menaces mineures, se lancèrent tous dans un assaut d'une ampleur phénoménal sur tout le territoire haut elfe.
Les mages hauts elfes étaient très pénalisés, car leur discipline de la magie était basée sur l'utilisation d'une magie très pure et très maîtrisée, mais dans l'état actuelle des choses, toute magie était corrompue et changeante, sauvage et dissidente, si bien que les mages hauts elfes ne parvenaient pas à s'adapter. Les mages elfes noirs en revanche, étaient à l'opposé; des mages de bataille entrainés depuis toujours à lancer des sorts dans les circonstances les plus extrêmes et ayant depuis toujours fait usage d'une magie plus sauvage et plus dangereuse que celle des hauts elfes. Les mages de batailles elfes noirs parvinrent très vite à s'adapter aux mutations des vents arcaniques, tandis que chez les hauts elfes, chaque fois qu'ils usaient de magie, ils tombaient comme des mouches.
La catastrophe fut d'une ampleur cataclysmique pour les hauts elfes. Les conséquences de la perte de contrôle de la magie furent dantesques. Environ un cinquième de leur population périt des suites d'incidents magiques qu'ils avaient eux même provoqués. Les hauts elfes furent trop lents à comprendre. Eux qui avaient autrefois une maîtrise incomparable sur les arcanes de la magie, ils voyaient maintenant ce pouvoir leur échapper. Les tours des archimages s'effondrèrent sous leurs propres enchantements, les mages s'embrasaient en déclenchant des explosions en plein milieu des lignes de batailles, et les elfes se tordaient et s'effondraient en voyant leur corps être muté par l'effet de la magie.
La victoire des elfes noirs fut totale. Ils subissaient des pertes dérisoires tandis que chaque bataille était pour eux l'occasion d'un massacre. Chaque haut elfe fut soigneusement tué avec une infinie cruauté et une froide rage. Des supplices infâmes furent infligés aux vaincus par pure haine. Les citadelles immaculées furent brûlées, rasées, réduites en miettes. Les œuvres d'art des hauts elfes furent incinérées, leurs connaissances détruites, et les membres les plus importants de leur société furent réduits en esclavage. Ces esclaves hauts elfes devinrent dès lors un bien précieux, ne servant pas pour le travail mais uniquement pour assouvir la haine du propriétaire. Les hauts elfes ainsi faits prisonniers subissaient des humiliations infinies et des tortures dépassant l'entendement, mais bien souvent, heureusement pour eux, leur maître finissait rapidement par les tuer. Aucun elfe noir ne pouvait supporter longtemps de voir un haut elfe sans le saigner à mort. Pour palier à ce problème, certains elfes noirs eurent l'idée d'écorcher intégralement leurs prises hauts elfes puis de faire cicatriser la chair à nu avec du feu. L'esclave ainsi créé était maintenu en vie grâce au grand savoir faire des elfes noirs, mais était méconnaissable comme un elfe. On les surnomma les ghashir, ce qui en elfique signifie "les brulés", et leurs maîtres prirent l'habitude de les trainer avec eux comme des chiens pour les exposer comme des animaux de compagnie exotique.
C'est d'ailleurs le sort que l'empereur elfe noir réserva au haut roi des hauts elfes après lui avoir tranché les deux bras lors du duel les ayant opposé.
Les elfes noirs massacrèrent tous les hauts elfes; ayant la ferme intention d'exterminer cette race honnie. Si quelques rares individus parvinrent peut être à fuir dans la nature et à échapper aux armée elfes noirs, ceux ci ne furent pas plus d'un millier sur les millions d'individus que comptait la race avant le début de la guerre. L'armée elfe noire avança implacablement et détruisit tout l'empire haut elfe. Jusqu'à ce qu'ils arrivent à Hellgefor.
Hellgefor était une forteresse haut elfe bâtie en hâte par ceux ci. Les tout derniers rejetons de cette race, un peu plus de deux mille individus, s'étaient réfugiés ici et priaient pour leur survie, même si leurs dieux ne leur répondaient plus depuis longtemps.
Les elfes noirs s'arrêtèrent devant les murs de la forteresse, et rebroussèrent chemin.
En effet, les elfes noirs savaient que la fin du monde n'arriverait pas immédiatement, or, une fois tous les hauts elfes exterminés, les elfes noirs savaient au fond d'eux qu'ils perdraient leur véritable raison de vivre. En effet, les elfes noirs s'étaient tant nourris de cette haine pendant des millénaires et des millénaires, que la destruction des hauts elfe en était depuis longtemps devenu le seul et unique objectif de leur race. Tous les elfes noirs, sans exception, étaient des guerriers, car depuis toujours ils voulaient pouvoir surpasser les hauts elfes et les écraser. Mais sans les hauts elfes, les elfes noirs n'auraient plus aucun objectif commun. Alors, ils se battraient entre eux et sombreraient dans l'anarchie comme les autres races.
Les elfes noirs décidèrent donc de ne pas attaquer Hellgefor. Se gardant ainsi des hauts elfes sous la main qu'ils pourraient toujours massacrer en cas de crise et qu'ils extermineraient de toute façon juste avant la fin du monde.
Les armées elfes noirs reculèrent donc, et laissèrent à Hellgefor un large espace vital pour que les hauts elfes puissent à nouveau se multiplier, et ils laissèrent des humains s'installer dans l'espace qui les séparait de Hellgefor, afin que ceux ci constituent un pays tampon, une barrière qui permettrait aux elfes noirs de résister à la tentation de se ruer sur les hauts elfes et de les massacrer. C'est ainsi que naquit la principauté d'Averlen.
Pendant ce temps, les elfes noirs avaient pu agrandir leur territoire en s'emparant de celui, désormais désolé, des hauts elfes. Cette victoire en même temps que l'existence d'autres hauts elfes à tuer plus tard furent les facteurs principaux faisant que l'empire elfe noir soit la seule nation du monde à s'être plus ou moins maintenue, même à l'approche de la fin du monde.

Les elfes noirs étaient depuis toujours une race haineuse. Comme toutes les races d'elfes, ils ressentaient les émotions plus fortement que les humains, mais dans le cas des elfes noirs, la haine et la rancune supplantaient tout autre sentiment.
Les elfes noirs étaient les êtres les plus rancuniers qui soit. Depuis toujours, leur société était marquée par d'incessantes vendettas entre toutes les grandes familles qui réglaient d'anciennes rancunes par des meurtres et autres attentats. En fait, de par leur nature les elfes noirs étaient des êtres excessivement violents. Si violents en fait, que leur peuple, pourtant parmi les plus civilisés, pratiquait une forme de tolérance vis à vis de la violence qui marquait leur société.
Afin d'éviter les problèmes, les procès complexes et corrompus, et la multiplication exponentielle des poursuites judiciaires; l'empereur des elfes noirs avait décrété que d'une façon générale et pour tous les crimes y compris le meurtre, aucune accusation ne peut être portée s'il n'y a pas de témoins.
Ainsi, la plupart des meurtres sont impunis, même si tout le monde connait le meurtrier, car les elfes noirs ont pris l'habitude de toujours tuer tous les témoins. Toutefois, si la loi ne règle pas leur compte aux meurtriers connus, les familles des victimes en revanche s'appliqueront toujours à se venger du meurtrier ou de sa famille. C'est ainsi qu'ont commencé la plupart des vendettas, dans lesquelles chaque famille entretient la rancune avec l'autre par des assassinats réguliers. Et comme chaque assassinat entraîne la liquidation des témoins, la vendetta ne fait que prendre de l'ampleur et toucher plus de familles. D'où il ressort que toutes les familles elfes noirs étaient en guerre secrète avec toutes les autres familles. L'empereur, lui, se satisfaisait de cet état de fait, car tant que les elfes noirs ne complotaient que par haine, ils ne complotaient pas par ambition, et risquaient donc moins de vouloir le détrôner. De plus, la guerre des cités était un terrain d'entraînement parfait pour les légions d'elfes noirs; parmi les plus redoutables guerriers que la terre ait jamais porté.
Toutefois, avec l'approche de la fin du monde et la victoire totale contre les hauts elfes, les elfes noirs se tournèrent tous activement vers leur second objectif vital; à savoir les vendettas.
La guerre secrète devint une guerre ouverte. Les familles n'assassinaient plus dans l'ombre mais brandissaient leurs lames à la lueur des flambeaux et pourfendaient leurs rivaux avec autant d'ardeur que s'il était agi d'individus d'une autre race. Les plus grandes familles et les elfes noirs les plus puissants n'hésitant pas à rassembler des armées entières pour étancher leur soif de vengeance.
Pour éviter que le chaos ne gagne les institutions impériales, l'empereur prit des mesures draconiennes.
Pour défendre la nation contre les invasions des races inférieures et les complots des factions, l'empereur organisa un service de conscription générale. Cette conscription avait aussi pour but de mettre un frein à la guerre des cités et d'accorder à l'empereur plus de contrôle sur les pulsions violentes de son peuple.
Les soldats des armées impériales elfes noirs portent un casque pourvu d'un masque en métal qui cache leur visage, et une robe en soie d'araignée, très résistante et très souple, qui permet de garder leur sexe secret. Le but étant que l'on ne puisse pas reconnaître un soldat afin d'éviter que les familles ne continuent de se faire la guerre au sein même des régiments. C'est dans cette optique de freiner les vendettas que l'empereur imposa la doctrine des noms de conscription.
Chaque soldat de l'armée impériale reçoit à son entrée dans l'armée un nouveau nom qu'il doit utiliser à la place de son prénom ou de son nom de famille pendant tout le temps où il sert dans l'armée. Cet ordre s'applique à tous, y compris aux généraux. Nul n'a le droit de révéler son véritable nom ou de chercher à connaître celui d'un autre. Ainsi, l'empereur espérait préserver ses armées du chaos que pouvaient semer les vieilles rancunes.

Dhaerin était général d'une armée impériale elfe noire placée en faction aux frontières d'Averlen, justement avec ordre d'intervenir si quelque adversaire extérieur menaçait Hellgefor.
Dhaerin avait obtenu le surnom de cœur de lame, en référence à la façon dont il semblait capable de tuer ses adversaire avec sa seule force de caractère. Il était très fier de ce surnom, et insistait pour que ses soldats l'appellent toujours ainsi.
Les elfes noirs étaient de faction dans un fort placé juste à la frontière d'Averlen. Quelques légionnaires elfes noirs, qui servaient en tant que sentinelles, virent arriver un jour quelques humains en provenance d'Averlen. Les soldats elfes noirs les capturèrent et les torturèrent pour le plaisir, un bon moyen pour eux de tromper l'ennui lorsqu'ils étaient de faction.
Après qu'on leur eut coupé les mains et les pieds, les humains expliquèrent qu'ils étaient des déserteurs de l'armée d'Averlen et qu'ils avaient fui devant l'arrivée d'une armée de vampires qui avait écrasé l'armée humaine. Comprenant ce que cela signifiait, les elfes noirs rapportèrent ce que les prisonniers avaient dis à leur général; lequel, très intéressé, vint lui même interroger les humains, leur arrachant par la torture plus de détails sur cette armée de vampires.
Dhaerin fut très enthousiasmé par cette nouvelle. Sûr de lui, il songea que cette bataille lui permettrait sans doute de se faire remarquer de l'empereur lui même. Conscient que son ennemi serait puissant mais qu'il lui fallait intervenir très vite s'il voulait empêcher les vampires de tuer les hauts elfes, il prit avec lui tous les elfes qu'il avait sous la main, et laissa le fort vide. Il envoya un message demandant à des renforts de le rejoindre, et de laisser au passage quelques hommes pour garder le fort. Puis, l'armée elfe noire avança vers Hellgefor avec Dhaerin cœur de lame à sa tête.

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