La dernière averse
Dès qu'il ouvrit les yeux, il sût qu'il allait avoir la haine.
Et la haine vint.
La haine de toute cette merde, de ce corps trop parfait, de tous ces putain de robs, de cette éternité à la con.
Malgré tout, il se leva de son luxueux lit avec un air parfaitement serein.
« Sinon ces sales enfoirés vont encore me foutre un euphorisant. Marre de cette saloperie, marre d'être espionné, contrôlé, quel système ignoble ! »
Il se diriga vers le spacieux salon de la villa qui donnait sur une grande baie vitrée surplombant la vallée et fit mine d'observer la vue avec plaisir. Des prairies, des forêts de coniféres, de grands espaces avec par-ci par-là de somptueuses villas au loin, bien espacées les unes des autres.
- Désirez vous une petite stimulation sensorielle monsieur ?
Proposa la sensuelle voix féminine de la villa.
- Non merci, c'est gentil, ça va aller !
Répondit-il en réprimant l'envie de balancer une chaise sur l'écran de contrôle.
« Marre de bouffer du vent, de ne sentir que du vent... … »
Il se rendit via l'ascenseur panoramique sur le parking du toit. Sa voiture brillait sous un soleil déchaîné. Plus loin, la piscine au sodium liquide faisait danser de joli reflets sur les murs blancs de l'espace détente au style méditerranéen. Il observa un oiseau aux couleurs vives qui piaillait sur la rambarde.
« Lui au moins n'a pas conscience de n'être qu'une saloperie de mécanique ! »
Il décolla du parking.
- Où désirez vous aller monsieur ?
Fit la voiture.
Il se força à sourire.
- Je vais me balader, débranche l'automatique.
Il décapota la voiture en survolant les forêts d'arbres synthétiques au dessus de la ville.
« Il fait bon, pourtant il fait plus de 250°, je respire bien mais je sais que l'air est irrespirable.
Je le sais et je ne le supporte plus. J'aurais dû crever avec l'environnement. Tout ceci ne valait pas le coup, l'homme méritait de crever pour ce qu'il a fait. Ou plutôt pour ce qu'il n'a pas fait tant qu'il en était encore temps et qu'on savait déjà ce qui allait se produire.
Mille ans.
Ça fait mille ans que je veux crever, mille ans qu'on m'en empêche , qu'on me répond : Désolé monsieur, vous savez bien qu'on ne peut pas laisser un humain se faire du mal... »
Il poussa la voiture à fond, fit mine de passer à coté puis piqua brusquement sur le centre de contrôle de la ville. Les robs tentèrent aussitôt de reprendre la trajectoire de la voiture, mais même pour eux, cela c'était passé trop vite. La voiture percuta de plein fouet le mur du bâtiment à 900 kmh et parvint à y faire une brèche. La chaleur pénétra dans les rangées de cerveaux en cuves, les liquides physiologiques entrèrent en ébullition. Tous les humains de la ville tombèrent brusquement au sol, le regard vide, comme autant de marionnettes dont on aurait sectionné les fils.
Pour la première fois les robs furent seuls.
Définitivement seuls…
...et une pluie d'oiseaux tomba du ciel.
Notes :
Ce petit texte a été écrit en cours, (au lieu de bosser, c'est du joli…) probablement vers ma terminale. A l'époque j'étais un grand fan de Philip K Dick. Pas étonnant qu'on y trouve un thème de réalité truquée. Je sentais prisonnier du système scolaire et en complet déphasage. On retrouve un peu de cette rage dans ce personnage qui est privé de son ultime liberté, celle de mourir. Il finira par entraîner tout le système dans sa chute.
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