La plus douce des mélodies
Un air particulier résonnait dans la rue. Un assemblage de notes qu’un mélomane un peu particulier pourrait appeler une « mélodie » mais une mélodie tellement déstructurée et pleine de fausses notes, qu’elle agressait les tympans des passants.
Il fallait les voir saigner des oreilles et se précipiter pour changer de trottoir. Les plus habitués à ce « musicien » de rue, qui officiait devant la gare RER, Place des Ternes à Paris, le repérant de loin, s’arrangeaient toujours pour ne pas pénétrer dans la gare par l’entrée principale.
Le pauvre Larry s'efforçait de jouer de son mieux et de garder le sourire entre deux massacres – pardon, entre deux « morceaux » – un petit gobelet posé à ses pieds, toujours vide.
Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'il s'était installé là, avec l’autorisation de la RATP. Il espérait toujours gagner de quoi se sustenter grâce à sa musique. Mais il y avait un problème et il était de taille : Larry n'avait aucun talent. Pas un soupçon. Pourtant, il s’échinait à s'améliorer.
Chaque jour, il redoublait d’efforts, pour travailler ses notes, pour enchaîner les phrasés et apprendre ses gammes, car son rêve le plus fou était de devenir le plus grand musicien du monde. Rien que ça.
Pour ce faire, il s’était jeté à corps perdu dans l’apprentissage d’un instrument qu’il avait hérité de son père : un harmonica. Mais pas n'importe lequel : un Suzuki Hammond HA-20, qui avait été amélioré par un ami de son paternel, le faisant évoluer en « bête de course ». Son père disait que c’était le meilleur harmonica au monde.
Il avait tenté de transmettre à son jeune fils son amour pour la musique et surtout pour les harmonicas. Car il en existe de plusieurs tailles, de plusieurs marques, de plusieurs modèles. Celui qu’il préférait par-dessus tout était le diatonique, celui dont jouait si bien les grands bluesmen.
Patient, son père lui avait enseigné cet art avec rigueur, mais il s'était très vite rendu compte que son fils ne serait jamais un grand harmoniciste. Car, malgré son enseignement, Larry n'avait jamais pu jouer une mélodie correcte. Son manque de talent était un mur infranchissable qu'aucun entraînement ne pourrait aider à franchir. Même avec la meilleure volonté du monde et les meilleures méthodes.
Un jour, son père tenta de le rassurer en lui disant que ce ne serait pas grave, s’il abandonnait la musique et qu’il se mettait à une autre passion, qu’il découvrirait sûrement bientôt. Après tout, les valeurs qu’il lui avait inculquées lui rendraient service, quoi qu’il fît.
Mais Larry, lui, n'avait jamais renoncé. Il s'était entrainé chaque jour sans relâche, espérant pouvoir rendre son père fier.
Ce jour n’eut jamais eu lieu, car son père mourut trop jeune à l’hôpital, d’une bête maladie nosocomiale, alors qu’il y était entré pour un simple examen.
En souvenir des bons moments passés avec son père, Larry s’était promis qu’il ne lâcherait jamais l’instrument et poursuivrait son rêve jusqu’au bout. Même s'il ne pourrait plus jamais rendre son père fier, il poursuivrait son apprentissage et redoublerait d'efforts, afin de devenir, non seulement le meilleur harmoniciste au monde, mais aussi le meilleur compositeur. Car Larry faisait aussi ses propres œuvres, qui tenaient plus du bricolage que d’un véritable travail de compositeur.
Après tout, heureusement qu’il ne se fût pas pris de passion pour la mécanique auto, s’il avait lâché l’harmonica parce que, mauvais bricoleur comme il l’était, il eut sans doute été responsable de nombreuses victimes. Il valait encore mieux qu’il vomît dans son harmonica.
Pourtant, cette obsession l'avait ruiné. Il était tellement obsédé par son désir de devenir un harmoniciste reconnu, qu’il n'avait jamais pensé à faire autre chose de sa vie. Rien d’autre que de tenter de bien jouer de sa bête de course.
Sa ténacité était telle, qu’il se relevait toujours, quand un groupe qui lui avait fait passer une audition, le jetait comme un malpropre.
De petite annonce en petite annonce, il s'était retrouvé à la rue, pour de bon, dormant le soir entre deux cartons.
La faim au ventre et les larmes aux yeux, il jouait de son instrument Place des Ternes, huit heures par jour. Parfois, il se prenait à improviser un ersatz de ballade, tout doucement, dans l'indifférence générale.
Il savait qu'il n'allait plus tenir très longtemps : l’hiver approchant, sans un sou pour s’habiller et se nourrir, même si les températures dans la Capitale étaient rarement négatives, il allait sûrement rejoindre son père plus tôt que prévu. Sans avoir pu réaliser le premier pas vers son rêve de devenir le plus grand musicien du monde.
Alors qu'il avait fermé les yeux pour jouer son dernier morceau de la journée, "Blowin’ In the Wind", il les rouvrit devant un homme, habillé de manière très élégante, debout devant lui, qui le fixait du regard.
Un costume noir, taillé sur mesure, une cravate rouge, un borsalino noir, il était rasé de près et semblait avoir une quarantaine d'années.
L’homme se tenait le menton, d'un air interrogateur :
« C'est vraiment très mauvais. Jamais tu ne seras le meilleur musicien du monde avec ça, Larry. »
Larry avait sursauté.
Comment diable l’homme connaissait-il son nom ? Et comment était-il au courant pour son rêve ?
Visiblement fier de son petit effet, l’homme sourit :
« Tu sembles surpris. Tu dois sans doute te demander comment j’ai fait pour deviner ton prénom et ton projet. Disons que c'est mon métier, de le savoir. C’est indispensable, afin de proposer les services les plus pertinents à nos clients. »
A ces mots, l'homme mystérieux sortit de sa poche une carte de visite, qu’il tendit à Larry.
Larry s’en saisit et lut :
« Devil & Co, le pacte qu'il vous faut ! »
Agacé, Larry froissa la carte, avant de la jeter au visage de l’individu :
« Ne vous fichez pas de moi ! Si vous êtes venu ici dans l’unique but de vous moquer de moi, allez tout droit en Enfer ! »
L’homme n’avait pas bronché. Il avait juste tourné les talons et s’était éloigné, non sans lui avoir lancé:
« Mais j’y compte bien ! De toute façon, vous avez ma carte. Vous n’aurez qu’à suivre les instructions quand vous aurez changé d’avis. Et, croyez-en ma très grande expérience, vous changerez d’avis. »
Larry, excédé de tant de suffisance, avait fourré les mains dans ses poches en regardant l’homme prendre le boulevard de Courcelles, puis tourner à gauche rue des Renaudes.
« Non, mais pour qui il me prend celui-là ? Comme si j’allais avaler ses fadaises ! »
Tout à coup, le contact de sa main droite avec un morceau de carton le surprit :
« Mais, qu’est-ce que c’est que ça ? »
Larry avait retiré la main de sa poche, qui tenait une carte de visite.
Pas n’importe quelle carte de visite : une copie parfaite de celle qu’il avait froissée et jetée au visage de l’autre.
Il l’observa de plus près, interloqué. Cette carte était bien une copie parfaite de la première.
Comment avait-elle fini dans sa poche ? Celle qu’il avait jetée n’était plus sur le sol, personne ne l’avait ramassée et l’homme ne l’avait jamais approché à moins d’un mètre…
Totalement désorienté, Larry avait finalement rangé ses affaires et s’était mis en marche, pour rejoindre son abri cartonné, sous le Pont de l’Alma.
En chemin, il passa bistrot, où il avait coutume de boire des verres avec ses amis, du temps où il avait encore des amis. Enfin, des potes de beuverie qui lui payaient ses bibines.
Devant le bar se tenait un de ses collègues d’infortune : un autre musicien de rue, Eliott, une guitare à la main. Pour une fois, vu le contenu de la casquette d’Eliott, la journée avait été bonne, pour lui. Il y avait même des billets de 20.
Eliott s’apprêtait à claquer quelques ronds au bar, quand Larry l’interpella :
« Et bien, j’aimerais avoir ton talent, Eliott ! Non, mais tu as vu cette montagne de fric ? Tu pourrais au moins me payer un mètre de bière, avec ça. Ou deux… »
Eliott le dévisagea, l’air sombre :
« Tu sais bien que c’est impossible, Larry : depuis que tu as été viré du bar, tu es persona non grata. »
Contrairement à Larry, ce n’est pas par choix qu’Eliott s’était lancé dans la musique : il avait bien suivi quelques leçons dans sa jeunesse, mais il avait choisi de suivre une route que la voie artistique.
Quelques années auparavant, c’était encore un père de famille comblé : un bon travail dans le BTP, une femme adorable, deux beaux enfants, une belle baraque en banlieue, dans le Val d’Oise. Il ne vivait pas dans le luxe et l’opulence, mais il était loin d’avoir une vie misérable.
Malheureusement, le sort s’était acharné contre lui : sa femme l’avait quitté pour aller vivre avec son meilleur ami et avait obtenu la garde exclusive de leurs enfants.
L’ami d’Eliott était un avocat très réputé, qui s’était arrangé pour que toute sa fortune permît à sa nouvelle compagne de subvenir à ses besoins, de s’offrir les plus belles toilettes et d’assurer la meilleure éducation aux enfants.
Pourtant, Eliott devait toujours verser une pension alimentaire exorbitante à son ex-femme, qui ne s’était pas remariée et qui déclarait être mère célibataire…
Du jour au lendemain, il s’était retrouvé à la rue du jour.
Les seuls objets qu’il avait pu garder étaient sa vieille Gibson et un bel ampli Marshall. Depuis, il jouait de la guitare électrique dans la rue, espérant gagner suffisamment d’argent pour payer la pension alimentaire et le loyer de son studio de Seine-Saint-Denis.
Il avait toujours été un honnête homme et ne voulait surtout pas finir comme un clodo. Larry lui faisait honte, il disait de lui qu’il donnait une très mauvaise image des saltimbanques.
Eliott avait du talent et les passants appréciaient plus ou moins sa musique. En tout cas, juste assez pour assurer à Eliott de vivre dignement.
Il poursuivit d’un air moqueur, en direction de Larry :
« Je sais que ce n’est pas facile pour toi, mon gars. Mais je te promets que, quand je jouerai à L’Olympia, si j’ai besoin d’un harmoniciste, je penserai à toi. Tu pourrais faire mes premières parties, par exemple, en attendant que les spectateurs s’asseyent. »
Et il éclata de rire, avant d’ajouter, un peu plus sérieusement :
« Cela dit, j’admire vraiment ta persévérance, même si, à ton niveau et vu ton absence de progrès, ça passe plus pour de l’entêtement. »
Eliott avait posé sa main sur l’épaule de Larry :
« Allez, je te taquine mais je te souhaite vraiment d’y arriver. De tout cœur. En attendant, reste loin de moi quand tu joues : tu fais fuir les passants. »
Les mots d’Eliott étaient coupants comme une lame de rasoir, mais Larry ne lui en voulait pas. Après tout, il n’avait pas tout à fait tort.
A la nuit tombée, juste avant d’aller s’emmitoufler dans une grosse couverture, Larry regarda la carte de visite une fois de plus, à la clarté de la lune. Au verso était inscrit ces instructions :
« Si vous souhaitez profiter de nos services, rien de plus simple : il vous suffit de tracer un cercle au sol, de vous y placer, bien au milieu, puis de prononcer les mots suivants : « Viens à moi ». Ensuite, il vous faudra imiter les grognements d’un cochon, en vous tenant la jambe gauche. »
Larry avait alors de nouveau jeté la carte au loin, trouvant cela grotesque au possible, puis s’était couché.
Cette nuit-là, d’affreux cauchemars l’avaient tourmenté une bonne partie de la nuit. L’un d’eux mettait en scène son père, miraculeusement revenu à la vie, qui le pourchassait à travers la ville pour lui prendre sa bête de course, lui criant encore et encore ô combien il regrettait de lui avoir offert un cadeau dont il ne s’était pas montré digne.
A quatre heures du matin, Larry ne pouvait plus fermer les yeux. Malgré la fraîcheur, il était couvert de sueur. Il se leva, écarta les bras, bâilla. Il revint vers son abri pour plier sa couverture, quand il vit de nouveau la carte de visite, posée dessus.
Il la prit, la regarda longuement, puis serra le poing :
« Au point où j’en suis… »
Il sortit un morceau de charbon du baril où son voisin avait allumé un feu, s’éloigna de quelques mètres et se mit à tracer un grand cercle au sol. Enfin, un cercle… Une patate, plutôt. Bon, ça ferait l’affaire : il n’allait pas s’acheter un compas géant.
Hésitant, il regarda autour de lui, s’assurant que personne ne pourrait le voir et se plaça au centre.
Il prit alors une grande inspiration et prononça les mots adéquats :
« Viens à moi. »
Rien ne se produisit.
Larry soupira.
Au fond de lui, il avait espéré que la suite des indications fût inutile. Mais comme ce n’était visiblement pas le cas, il se résigna : il attrapa sa jambe gauche, sautillant pour ne pas perdre l’équilibre et commença à grogner comme un cochon, timidement. Puis de plus en plus fort.
Jusqu’à ce qu’il fût interrompu par un rire bruyant.
Derrière lui se tenait l’homme de la dernière fois, ricanant de bon cœur, les larmes aux yeux :
« Je ne m’en lasse pas ! Se mettre dans le cercle et prononcer le bon mot suffit pour me faire apparaître, mais j’ai bien fait d’ajouter la suite ! C’est toujours aussi tordant de voir les gens imiter le cochon en sautillant sur un pied. Si tu avais pu te voir !
— Décidément, vous apparaissez toujours pour vous payer ma tête ! »
L’homme arrêta de rire et afficha un visage sérieux. Il avait passé sa main sous son costume, en avait extirpé des documents et un stylo :
« Vous avez raison : les affaires, c’est du sérieux. Et je sens que, vous et moi, nous allons en faire.
— Tout dépend de ce que vous me proposez ! Je suis désespéré, mais je ne suis pas dupe, vous savez… Vous voulez mon âme, c’est ça ? Vos services ont intérêt à en valoir le coup !
— Eh bien, bravo ! Vous avez tout compris, déjà. Quelle perspicacité ! Vous m’en voyez ravi. Cela va m’éviter de vous expliquer les tenants et les aboutissants. Et donc, pour résumer, vous m’offrez effectivement votre âme et, en échange, nous exauçons un de vos vœux, n’importe lequel. Enfin, sauf ceux indiqués dès la page 8 du contrat, que voici. »
L’homme tendit la liasse de documents à Larry, qui s’empressa de les lire.
À son grand étonnement, Il s’agissait d’un contrat de services tout à fait basique, avec les conditions d’exécution, les modalités…
Et les vœux impossibles à demander :
· impossible de souhaiter avoir plus de souhaits ;
· impossible de demander à devenir Dieu ;
· impossible de demander la vie éternelle ;
· impossible de faire tomber les gens amoureux ;
· impossible de pousser les gens à se suicider ;
· impossible de revenir dans le passé ;
· impossible de faire ressusciter les morts ;
· impossible …
Il y avait bien quatre pages pleines de vœux impossibles à souhaiter. Après avoir survolé le document, Larry se tourna vers l’homme :
« Comment puis-je être sûr que ce n’est pas une arnaque ? Après tout, je n’ai jamais entendu parler d’un pacte qui permette d’exaucer des vœux… Les gens doivent bien pouvoir s’en vanter, non ? Après tout, leur âme est perdue de toute façon…
— Page 12, alinéa 3 : « Toute personne dévoilant l’existence de ce contrat mettra fin immédiatement à celui-ci, perdant ainsi la jouissance de son souhait et sera tenu de livrer immédiatement son âme, ainsi que celle de l’être le plus cher à son cœur, en compensation. »
Apparemment, Larry, en survolant le contrat, en avait loupé quelques passages importants.
Voyant qu’il hésitait, l’homme s’était approché de lui et lui avait tendu une photo. Elle était assez ancienne ; c’était le cliché d’un homme de couleur.
« Vous connaissez ce jeune homme ?
— Bien sûr que je le connais ! C’est une légende du Blues, Robert Johnson !
— Eh bien, c’est aussi l’un de nos clients. »
Tout à coup, Larry réalisa :
« Attendez, vous voulez dire que la légende selon laquelle il aurait pactisé avec le Diable était vraie ?
— Absolument !
— Incroyable… »
Larry réfléchi une seconde, puis demanda, incrédule :
« Non mais attendez, comment se fait-il qu’il ait pu en parler sans qu’il se vît retirer sa maîtrise de la guitare ? C’est pourtant indiqué dans votre contrat !
— Bien vu ! Ce paragraphe a été ajouté après ce pacte… Cela nous aura au moins permis d’améliorer nos services. »
La proposition était alléchante, mais Larry n'était pas né de la dernière pluie. On ne parlait pas d'un contrat ordinaire : c'était un pacte avec le Diable qu'il allait signer. Son âme était en jeu.
Était-ce vraiment judicieux d'envisager une éternité de tourments en Enfer, contre quelques années de bonheur sur Terre ?
Enfin, cette éternité en Enfer, c'était ce qu'il avait supposé. Après tout, personne n'était revenu d'entre les morts pour confirmer l’existence d'un quelconque Enfer ou d’un Paradis. Peut-être le Diable cherchait-il juste des âmes pour lui tenir compagnie, Dieu sait où...
Et puis, surtout, Larry avait vraiment du mal avec le fait de tricher pour réussir. Bien sûr, en faisant le vœu de devenir un grand musicien, il aurait enfin ce talent qui lui faisait tant défaut. Le public l'acclamerait. Il serait enfin une légende parmi les légendes. Comme Robert Johnson et tant d’autres. On parlerait encore de lui dans cent ans et en évoquant sa musique... Non, au fond de lui, Larry saurait qu'il avait triché pour obtenir cette reconnaissance. Et peut-être la richesse.
Tant pis : Larry n’était pas prêt à se coucher chaque soir avec le sentiment d’avoir trompé son monde.
Il allait ouvrir la bouche pour refuser l’accord, mais l'homme le devança :
« Je sais ce que tu te dis, Larry : c'est trop facile, tu préfères réussir par toi-même. »
Il tourna les talons et, d’un geste de la main, invita Larry à le suivre. Arrivés au bord de la Seine, sur la berge, il ramassa un caillou, qu’il jeta à l’eau.
L’eau fit quelques vaguelettes, puis se troubla et, quand tout revint à la normale, Larry aperçut une image à la surface de l’eau. En fait, non : ce n’était pas un simple reflet, c’était un film.
« Tu vois, Larry ? », lui lança l’homme.
En regardant l’eau de plus près, Larry se vit tenter désespérément d'améliorer son art et échouer lamentablement à chaque fois. Il se vit chaque jour perdre un peu plus la raison. La fin de cette vision était sans équivoque : Larry finissait par se jeter à la Seine. Il se vit tomber du haut du pont de l’Alma, après une vie de misère, bercée, jusqu'au bout, de désillusions.
Larry avait alors tapé dans l'eau avec son poing, interrompant la vision :
« Qu'est-ce que c'est que ça, bon sang ?
— C'est l’un de mes nombreux pouvoirs. Le film de ton futur. Pas très réjouissant, n'est-ce pas ?
— C'est faux ! C'est une de vos manigances pour me faire signer le contrat !
— Page 13, alinéa 8 : « Le contrat sera considéré comme nul si celui-ci a été signé grâce à des manipulations ou des mensonges. » Tout est vrai, Larry, j’en ai bien peur. »
Larry ne savait plus que penser.
Tout de même, quel sombre destin allait être le sien, s’il ne prenait pas une décision ferme et définitive… Oui, car s’il prenait la bonne décision, il pouvait encore y échapper. Pour cela, une seule chose à faire : signer.
Le Diable tendit son stylo à Larry :
« Alors, prêt à vivre une vie de rêve, cher ami ? »
Il saisit le stylo, mais s’arrêta net, encore hésitant : d’un côté, il avait encore la possibilité d’y réfléchir, de prendre du recul, de peser le pour et le contre…
Le pour ? Quel pour ?
Après tout, c’était ça ou finir par se suicider. Tu parles d’un avenir…
Sachant ce qu’il allait lui arriver, il se voyait bien devancer l’évènement : à quoi bon vivre, quand on connaît à l’avance toutes les misères que l’on va devoir endurer ? À quoi bon vivre, quand on sait tout de sa fin ? Surtout quand elle aussi peu reluisante…
Alors que là, il allait enfin réaliser son plus vieux rêve ! Un rêve qu’il n’aurait jamais pu espérer accomplir un jour sans ce pacte. Il ne le savait que trop bien : il n’avait aucun talent, il n’arriverait jamais à devenir un harmoniciste de renom. Il n’arrivait même pas aux chevilles de son père.
Lorsqu’il aurait signé son contrat, sa plus grande fierté serait de jouer aux côtés d’Eliott, rien que pour voir sa tête, quand il verrait que les pièces ne pleuvraient plus devant lui mais devant Larry.
La vengeance est un plat qui se mange froid…
Quelle autre issue avait-il ? Reprendre des études ? Qu’il paierait avec quoi ? Il n’avait même pas de quoi se payer une nouvelle paire de chaussures. De toute façon, à l’école, il avait toujours été un piètre élève.
Décidément, il n’y avait qu’une solution pour lui et on la lui offrait sur un plateau : signer un pacte avec le Diable.
D’un air résolu, il parapha chaque page du contrat, puis le signa en dernière page, sous la mention « Lu et approuvé ».
Ça y était, c’était fait.
Le point de non-retour vers une vie meilleure.
Le Diable, en face de lui, avait une mine réjouie :
« Bien ! Et maintenant ?
— Maintenant ?
— Eh bien, oui ! Maintenant, il manque le point le plus important : quel est donc précisément ton souhait ? »
Larry leva la tête au ciel. Il sourit, car son rêve était sur le point de se concrétiser. Il ne pipa mot pendant plusieurs minutes, qui lui semblèrent une éternité, savourant ce délicieux moment qui allait changer sa vie.
Puis, l’air solennel, toisant l’homme du regard, il déclara, grand seigneur :
« Je formule le vœu d’être le meilleur musicien au monde. Oui, Monsieur ! Le meilleur ! »
L’homme claqua des doigts et le contrat disparut, dans un nuage de fumée :
« Le souhait est légal. C’est accordé. Tu es maintenant le meilleur musicien au monde. Toutes mes félicitations !
— Quoi, c’est tout ? Je n’ai rien senti de spécial !
— Ne t’inquiète pas : tu as signé un contrat en bonne et due forme. Ce que tu as demandé est maintenant une réalité. »
L’homme saisit son chapeau, fit une sorte de révérence à Larry et lui tourna le dos :
« Nous nous reverrons à ta mort pour le paiement. D’ici là, profite bien de ton souhait… Tant que tu le peux… »
L’homme disparut, lui aussi dans un nuage de fumée, avec un rire satanique.
Logique.
Larry ferma les yeux, pour fouiller dans sa mémoire, espérant y trouver de nouveaux morceaux magistraux. Mais non, rien de tout ça : il n’avait rien appris de nouveau, il avait toujours en tête les airs qu’il jouait déjà dans la rue.
Larry se dirigea alors vers ses affaires, en sortit sa bête de course, ce fameux harmonica qui devait lui faire faire fortune. Cet harmonica, hérité de son père, qui serait drôlement surpris, aujourd’hui.
Comme tout à l’heure, il savoura ce moment : finies, les mélodies pleines de fausses notes. Finies, les moqueries des passants. Il allait enfin être reconnu de tous, pour sa musique. Il allait enfin prendre sa revanche sur le monde !
Larry porta lentement l’instrument à ses lèvres, l’enfonça délicatement dans sa bouche et entonna « Moody », une ballade jazzy de Greg Zlap, un autre héros du petit instrument.
Et ce fut…
Mauvais.
Vraiment mauvais.
Un véritable assassinat.
Bref, il jouait aussi mal qu’à son habitude. Rien n’avait changé. Visiblement, son souhait n’avait pas été exaucé. Larry avait été roulé.
« Et dire que j’ai imité le cochon pour ça… »
Larry retourna se coucher avec amertume, maudissant son sort.
Il lui fallait reprendre des forces, car il allait devoir jouer une fois de plus de l’harmonica dans la rue, pour espérer faire tomber quelques pièces jaunes.
Vers les neuf heures, Larry se leva, se débarbouilla un peu avec l’eau d’une gourde, qu’il gardait à proximité de sa couverture.
Les désillusions qu’il venait de subir hantaient son esprit.
Comment avait-il pu être aussi stupide, pour croire à de telles bêtises ?
Un pacte avec le Diable…
N’importe quoi.
L’homme était sûrement un excellent magicien qui, faisant diversion, avait dû lui glisser une autre carte de visite dans la poche, pendant qu’il regardait ailleurs. Dans la nuit, il lui suffisait de s’approcher de ses cartons pour déposer une autre carte.
Quant aux disparitions dans un nuage de fumée, ce n’était pas si impressionnant : il avait déjà vu cela sur scène, quand il était enfant.
Bon, il restait quand même les images de son avenir, dans l’eau de la Seine. Mais il avait sans doute dû utiliser une sorte de projecteur, qu’un complice actionnait depuis un lieu situé… Situé… Bref, peu importe : ce n’étaient que des trucs d’illusionnistes, qui n’ont rien d’autre à faire que se moquer des plus vulnérables.
Larry avait juré de lui mettre son poing dans la figure, à ce diable de pacotille, la prochaine fois qu’il le croiserait.
Allez, pour le moment, il était temps d’aller travailler.
Il prit ses affaires et se dirigea vers son repaire habituel, devant l’entrée de la gare RER du dix-septième arrondissement, espérant une journée un peu plus fructueuse que la veille. La barre n’était pas très haute…
Passant près du bar devant lequel jouait Eliott, il remarqua qu’il était déjà là. Sa casquette était vide, mais il était encore tôt. Peut-être venait-il tout juste d’arriver.
Il avait l’air très concentré, à accorder sa gratte.
« Bonjour Eliott. Tu t’es levé tard, aujourd’hui ? D’habitude, tu joues dès les premières lueurs de l’aurore. »
Eliott jeta un regard furieux vers le pauvre Larry :
« Non, ça fait deux heures que je suis là. »
C’était très bizarre. Normalement, au bout de deux heures, la casquette d’Eliott était déjà remplie à moitié.
« Il n’y a pas assez de passants ?
— Si, il y a des passants ! Il y en a même plus que d’habitude. Mais cette foutue guitare semble ne pas vouloir s’accorder : les cordes se détendent toutes les dix secondes ! Pourtant, les cordes sont neuves, je les ai changées hier. J’ai l’impression que ma gratte est bonne pour la poubelle.
— Mais non, ce doit être les différences de température, qui agissent sur la tension des cordes.
— Mais ça fait deux heures que j’essaie de l’accorder ! Le temps ne change pas toutes les dix secondes !
— Tu n’es pas un peu trop perfectionniste ? C’est un peu normal, qu’une guitare se désaccorde un peu.
— Eh bien, juge par toi-même, Monsieur le Grand Spécialiste ! »
A ces mots, il empoigna son instrument et commença à jouer Wonderwall, du groupe Oasis. Pas le morceau le plus difficile, pour un artiste de sa trempe.
Mais ce qu’ Eliott jouait n’avait rien à voir avec le morceau original : ce n’était qu’un amas de notes ratées, jouées aléatoirement. C’était tellement nul, qu’il était impossible de deviner quel était le morceau joué.
Eliott posa sa guitare, pour se prendre la tête dans les mains :
« C’est comme si tout mon talent musical avait disparu durant la nuit…
— Allons, ne dis pas ça : c’est normal, d’avoir une petite faiblesse. C’est juste un mauvais jour, ça ira mieux demain.
— Et si c’est la même chose demain ? Comment vais-je faire pour payer la pension ?
— Le talent ne disparaît pas du jour au lendemain, Eliott… Écoute-moi…
— Non, ça va ! Passe-moi tes conseils, tu ne sais rien de ce qui m’arrive ! Tu n’as jamais eu le moindre talent, Larry, comment pourrais-tu comprendre ce que je ressens ? »
Larry fit un pas en arrière. Des larmes coulaient le long des joues d’Eliott. Visiblement, il était vraiment persuadé d’avoir perdu tout talent pour la musique. En une seule nuit. Mais ce n’était sûrement pas une raison pour lui parler de la sorte. Sans rien dire, Larry s’éloigna, laissant Eliott broyer du noir, assis sur les marches du bar.
Arrivé à son endroit habituel, Larry posa son chapeau gobelet de sa Thermos au sol et porta l’harmonica à ses lèvres. La place était bondée et les passants avaient l’air d’être agités. Beaucoup s’arrêtaient pour discuter entre eux, affichant des visages inquiets. Sans s’en soucier, Larry avait fermé les yeux et avait commencé à jouer. Par ironie vis-à-vis de sa situation, Larry avait choisi d’interpréter « La Vie En Rose » d’Edith Piaf. Comme d’habitude, sa mélodie était ponctuée de fausses notes.
Mais quelque chose d’inhabituel lui fit ouvrir les yeux.
Un bruit qu’il n’avait pas l’habitude d’entendre.
Le son d’une pièce de monnaie, tombant dans le gobelet.
À sa grande surprise, quelques passants s’étaient arrêtés. Ils l’écoutaient jouer.
Larry, galvanisé par cette audience, enchaîna plusieurs morceaux. Après tout, peut-être que le pacte qu’il avait conclu n’était pas si foireux que ça. Peut-être que pour lui, rien n’avait changé, mais, pour les autres, ses mélodies étaient magnifiques.
Après cinq morceaux, le gobelet débordait de pièces de monnaie.
Les passants, qui s’étaient attroupés autour de lui, commençaient à s’éloigner. Fou de joie, Larry ramassa ses affaires et tendit l’oreille, afin de récolter quelques impressions :
« C’est de loin la meilleure musique que j’ai écoutée aujourd’hui. Je veux dire... C’était très mauvais. Mais, comparé à ce que j’ai pu entendre dans le métro, c’est un délice pour les oreilles… »
Comment ça, « très mauvais » ?
Sa musique n’avait donc pas changé pour les autres non plus... Larry ne savait plus que penser. Avec quelle musique tous ces gens s’étaient-ils écorché les oreilles dans le métro, pour que la sienne pût leur paraître acceptable ?
Tout cela était très étrange. Pour en avoir le cœur net, il reprit le chemin du bistrot où il avait croisé Eliott. Il n’était plus là, mais vu qu’il avait un peu de sous, il pouvait entrer, pour se payer une bière, un plaisir qu’il n’avait pas savouré depuis trop longtemps.
Le bar, Larry le savait, avait l’habitude de permettre à de jeunes groupes de musique de venir jouer dans leur salle. Et, vu le nombre de groupes qui demandaient une place, la sélection était rude. Les groupes qui jouaient dans ce débit de boisson étaient des privilégiés, mais ils le méritaient, car ils étaient habituellement très bons.
Après quelques minutes, un groupe de rock poussa le baby-foot et commença à s’installer : batterie, amplis, guitares, micros…
Après une brève présentation, le groupe entama une composition originale.
Ah ça, originale, elle l’était ! Mais pas dans bon sens.
Après avoir crié le fameux : « Et un, deux, et un, deux, trois, quatre ! », ils avaient joué leur œuvre, avec un tempo dansant.
Sauf que personne ne dansait.
En fait, c’était affreux ; les gens se précipitaient dehors. D’autres se bouchaient les oreilles de toutes leurs forces.
Même si Larry avait une grande tolérance envers les fausses notes et les mauvais accords, il dut bien reconnaître que ce morceau était inaudible. Après quelques projectiles lancés sur le groupe par les rares clients qui avaient le courage de rester, les musiciens avaient arrêté le massacre, ne comprenant pas ce qui venait de se produire.
Le patron du bar était lui aussi très perplexe :
« Ce n’est pas normal ! Ils m’ont joué leur morceau hier et c’était vraiment bien ! Je ne sais pas ce qui leur arrive aujourd’hui ! » s’écria-t-il, comme pour se justifier.
Larry était ressorti du bar après avoir fini sa pinte de bière.
Quelque chose n’allait décidément pas. D’abord Eliott, qui ne parvenait pas à jouer correctement, puis ce groupe de rock minable… Et ces passants qui disaient que sa musique était la moins mauvaise qu’ils avaient écoutée aujourd’hui…
Larry avait continué son enquête dans le quartier. Ce n’était pas les bars qui manquaient. Mais c’était un piètre standing que les lieux de détente offraient ce jour-là : partout où il allait, de fausses notes venaient lui agresser les tympans. Qu’ils fussent joueurs de guitare, de violon, de flûte… Aucun ne jouait correctement de son instrument !
Cela commençait à l’inquiéter énormément : il n’avait pas entendu une seule phrase correcte de toute la matinée. Enfin, jouée par quelqu’un d’autre. Car le seul avoir joué à peu près convenablement, c’était lui.
Lui !
Au détour d’une rue, il y avait un disquaire, qui s’était spécialisé dans la vente de vieux disques vinyles. Le gérant passait toujours un 33 Tours à côté de la caisse, pour attirer les clients.
Mais là, point de disque sur la platine.
Larry interrogea le patron de la boutique :
« Bonjour… Pouvez-vous me dire ce qu’il se passe ?
— Il se passe que c’est une catastrophe !
— Comment ça ?
— Les disques ! Ils…
— Eh bien ? Qu’est-ce qu’ils ont ?
— Ils sont tous muets !
— Pardon ?
— Plus aucun ne fonctionne !
— Comment ça ? Vous voulez dire que votre vieille platine est en panne ?
— Mais non ! La platine fonctionne très bien, mais plus aucun disque ne produit le moindre son, alors que pas un seul n’est rayé ! C’est de la folie !
En effet, s’approchant de ladite platine, Larry remarqua que s’il n’avait rien entendu, ce n’était pas parce qu’aucun disque n’y était posé, mais parce que, bien que le volume fût poussé à fond, aucun son n’en sortait. Comme si le sillon creusé dans la galette était juste là pour la décoration.
Cela ne pouvait pas venir des appareils, car le vendeur avait plusieurs platines, dont certaines reliques, comme les Teppaz, dont il n’était pas peu fier. Or, malgré ses essais, le résultat était toujours le même : aucun ne produisait le moindre son !
Larry commençait doucement à comprendre ce qu’il se passait et il était terrifié. Il gardait malgré tout une petite lueur d’espoir et se dirigea vers un magasin d’électroménager.
Il y avait un attroupement. Énormément de gens pleuraient.
Larry joua des coudes pour se faufiler devant la vitrine, afin de pouvoir comprendre ce que diffusait la télévision, qui y était disposée.
Le présentateur du Journal Télévisé affichait un visage sombre et fermé. Les nouvelles ne devaient pas être bonnes. Un grand silence s’était alors installé quand le présentateur avait pris la parole :
« Mesdames et Messieurs, bonjour. C’est une tragédie que nous vivons tous aujourd’hui. Vous avez sûrement dû le constater : partout dans le monde, la musique n’est plus ce qu’elle était. Depuis cette nuit, de nombreux musiciens s’accordent à dire qu’ils ne peuvent plus jouer de leur instrument. Toute tentative pour jouer une mélodie se solde inexorablement par une série de fausses notes.
Mais ce n’est pas tout : selon nos informations, plus aucun enregistrement musical ne fonctionne. Quel que soit le disque utilisé, aucun son ne sort de l'appareil !
Les grandes œuvres classiques, toute la culture jazz, les albums des Beatles, tous muets !
Sur les plateformes de téléchargement, même constat : quelle que soit l’application que vous utiliserez sur votre smartphone, vous vous apercevrez que plus aucun mp3 ne sera fera entendre.
Nous n'avons encore aucune information concrète concernant ce phénomène étrange, mais nous espérons qu'il ne soit que passager car sinon, le monde va déplorer la perte de l’un de ses trésors les plus inestimables : la Musique ! »
Larry, affolé, se prit la tête à deux mains. C'était bien ce qu'il pensait : son rêve s'était bel et bien réalisé. Mais à quel prix !
Il s’éloigna de la foule et déambula dans les rues durant plusieurs minutes. Tout autour de lui, il ne voyait que le désespoir et la tristesse.
Certains étaient allés chercher un instrument de musique, chez eux ; pour que le monde pût constater l’ampleur des dégâts, tous essayaient de jouer dans la rue. Mais même le tintement d’un triangle, même le choc de deux claves étaient horribles à entendre. Tout sonnait faux !
Larry glissa la main dans la poche de sa veste, en tira ce qui avait été à l'origine du Mal Absolu : sa bête de course.
Au milieu des lamentations de la foule, il porta l'instrument à sa bouche et, des larmes ruisselant sur ses joues, il commença à jouer un blues profond de son cru.
Lui qui rêvait d'être le meilleur musicien du monde, il l'était finalement devenu. Non pas en surpassant tous les autres de son talent, mais en retirant le talent de tous les autres…
Larry continua à jouer des heures et des heures, dans la rue, pleurant toutes les larmes de son corps. Il regrettait vraiment ce qu'il avait fait.
Ce contrat était une gigantesque erreur. Il avait perdu son âme, il avait perdu le goût de vivre et à cause de lui, l’humanité ne se relèverait pas d’un tel choc. À cause de son égoïsme, la Musique allait disparaître de la surface du monde…
Ses mélodies, toujours aussi fausses, étaient pleines de mélancolie. Encore plus que d'habitude.
Au loin, on pouvait apercevoir un homme qui, au contraire de tous les autres, semblait ravi de la situation.
Il dansait.
Un homme en costume noir, taillé sur mesure, une cravate rouge et un borsalino noir.
Mais il ne dansait nullement sur l'air d’aucune musique : il dansait au son des pleurs et des gémissements de la foule.
Le Diable n'avait jamais aimé la musique, mais ce son était une mélodie incroyable pour ses oreilles.
La plus douce des mélodies pour le dernier des mélomanes.
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