Traqués [Partie 2]
Daenara était de nouveau étendue dans le lit situé au fond de la pièce tandis que l’inconnue, penchée sur elle, appliquait un linge mouillé sur son front. Malgré sa réticence, elle n’avait pas la force de se débattre et se laissa faire. Heiric était quant à lui assit dans un coin de la cabane, observant avec attention la nouvelle arrivante qui s’occupait de son amie. Elle faisait de petit va et vient entre le lit et une trappe dissimulée dans le sol d’où elle sortait des fioles de formes et de couleurs variées. Elle semblait savoir ce qu’elle faisait mais ni Heiric, ni Daenara n’étaient en mesure de comprendre la raison de son aide. Elle attrapa d’un geste vif une grande bouteille de verre remplie d’un liquide jaunâtre, la déboucha d’un coup sec et tenta d’enfourner le goulot dans la bouche de la jeune femme mais son bras s’arrêta. Heiric s’était levé en hâte et tenait fermement le bras de la femme encapuchée. Avant même qu’il ne prononce un mot, elle lui parla d’une voix douce mêlée de sévérité :
- Tu ferais mieux de me laisser faire si tu veux que ton amie passe la nuit. Heiric hésita un instant mais le regard strict de leur sauveuse lui fit relâcher la pression. Une fois le liquide ingurgité, Daenara toussota et après quelques instants, se redressa légèrement sur son lit de paille. Son teint semblait avoir repris des couleurs et son visage était moins creusé par la fatigue que ces derniers jours.
- Qu’est-ce que vous m’avez fait boire ? demanda-elle d’une voix faible et enrouée à l’encontre de la silhouette.
Celle-ci attrapa une chaise qu’elle retourna puis s’assit à califourchon dessus avant de retirer sa capuche. C’était une femme au teint foncé, le visage marqué par des petites ridules au coin des lèvres et des yeux. Elle arborait un regard doux et amusé maintenant qu’elle avait fait ce qu’elle avait à faire. Elle avait rassemblé ses cheveux grisonnants et nattés derrière sa nuque, formant un chignon rudimentaire. Autour de son large cou, elle arborait un collier de perles de couleurs différentes et sur chacune d’elle, un symbole ésotérique avait été gravé à la main. Elle se tourna vers Daenara et lui répondit d’un ton bienveillant :
- Quelque chose qui devrait t’éviter de détruire la porte des gens à l’avenir. Inutile de me remercier. dit-elle d’un ton sarcastique.
Daenara détourna le regard et fixa le sol d’un air gêné.
- Merci…dit-elle d’une petite voix. Heiric se rapprocha de la vieille femme et lui demanda d’une voix hésitante :
- C’est vous que j’ai vu dans la forêt. Depuis combien de temps vous nous observez ?
La femme réprima un rire et lui dit d’une voix toujours aussi calme :
- Tu es perspicace jeune homme. En effet, c’est moi qui vous surveillais depuis que vous vous êtes réfugiés ici. Et tu l’auras surement compris, cet endroit est ma maison alors il était normal que je sois méfiante à votre égard. Mais après mûre réflexion, je n’ai pas vu en vous un danger.
Heiric, toujours sur le qui-vive, croisa le regard de Daenara qui reprenait peu à peu des forces. Cette dernière, surprise par son état, lui fit savoir d’un hochement geste de tête qu’elle allait mieux et qu’ils pouvaient lui faire confiance. Il décida donc de s’asseoir sur une autre chaise posée en face et d’en savoir plus sur cette nouvelle venue.
- Qui êtes-vous exactement ? demanda-t-il d’un ton inquisiteur. La vieille femme eu un nouveau rire amusé.
- Je vois qu’on ne t’a pas appris les bonnes manières, jeune homme, lui dit-elle d’un ton cassant. Avant de m’interroger comme un vulgaire garde, ne crois-tu pas qu’il serait judicieux de vous présenter à celle qui vous a sauvés ?!
Heiric, un peu penaud, s’excusa de son manque de politesse et se présenta sobrement. Daenara fit de même.
- Voilà qui est mieux, ricana la vieille dame. Quant à moi, je me nomme Faralda et je suis ce qu’on pourrait appeler une enchanteresse. J’ai quelques notions d’alchimie aussi et je sais très bien faire l’omelette aux Vénusas, même si ça n’a rien à voir.
Elle pouffa de rire toute seule tandis qu’Heiric et Daenara s’échangèrent un regard interrogateur. Ils étaient désorientés par l’attitude de la vieille femme, elle qui était apparue si sérieuse de prime abord et qui semblait bien plus détendue maintenant. Le jeune homme, ne sachant plus trop quoi demander, bredouilla :
- Qu’est-ce que des Vénusas exactement ? Faralda fixa un instant le jeune homme de ses yeux mauves puis se tourna vers Daenara et dit :
- Ton ami ne semble pas bien connaitre les espèces endémiques de ta forêt, jeune fille. La Vénusas est pourtant utilisée chez toi comme poison pour vos flèches il me semble.
Deanara acquiesça et regarda Heiric d’un air désolé. Cela faisait maintenant de nombreuses semaines qu’ils voyageaient ensemble et elle n’avait jamais vraiment parler de son pays natal à son ami.
- Bon. Trêve de bavardages inutiles, s’exclama soudainement Faralda. Dites-moi plutôt ce qu’il s’est passé à Ninvaldir !
Les deux amis furent surpris par le sérieux soudain de leur interlocutrice mais tentèrent tant bien que mal de résumer la situation et de décrire le carnage auquel ils avaient assisté. Elle écoutait avec attention leur récit et son visage se renferma lorsqu’ils arrivèrent à la mort de l’Empereur et à l’apparition d’Hellkevor. Quand ils eurent fini, l’enchanteresse se leva puis commença à faire les cent pas, tournant en rond, le visage renfermé, murmurant pour elle-même.
- J’ai connu Hellkevor.
Surpris, Heiric et Daenara se redressèrent dans un même mouvement, prêts à écouter ce qu’allait dire la vieille femme.
- Au temps jadis je travaillais comme mage dans la cour de l’Empereur, à Ninvaldir. Avant que la paix ne soit restaurée, il y avait des guerres partout dans le monde. Notre peuple n’en a pas réchappé. Nous avons participé à maints combats et les avons tous gagné grâce à la force de notre armée.
Elle s’arrêta de marcher et se rassit sur la chaise, cette fois, son regard était sombre et inquiet.
- Mais une menace bien plus puissante que toutes celles que nous avions rencontrées était sur le point de faire son apparition. Avant la naissance de ce monde, il existait deux puissances : L’Etern, le monde d’en haut, et L’Infern, le monde d’en bas. Evidemment, L’Infern a rapidement voulu prendre le pouvoir et posséder les deux mondes. Mais ce n’était pas si simple. Pour traverser la passerelle qui mène à chacun d’eux, il faut avoir en sa possession trois puissants artefacts et connaître les anciens langages magiques. Un seul être en avait connaissance....
- Hellkevor.... murmura Heiric.
Faralda acquiesca, puis continua son récit.
- Hellkevor est le bras droit du maître de l’Infern. Il a été envoyé pour pouvoir conquérir l’Etern et ainsi, prendre la possession totale du Monde. Il était déjà en possession des artefacts et connaissait l’ancienne magie. Heureusement, les gardiens de la passerelle se sont vite rendus compte qu’une présence indésirable était sur le point d’entrer.
Elle marqua une pause, puis soupira :
- Mais Hellkevor était beaucoup plus puissant qu’il n’en avait l’air. Il a réussi à passer et s’en est pris aux gardiens, ainsi qu’à tous ceux qui s’opposaient à lui. J’ai été réquisitionnée par l’Etern pour aller combattre aux côtés des plus puissants sorciers et mages. C’est là que je l’ai rencontré, celui qui nous a tous sauvé, le souverain de tous les guerriers, Valaran. Je ne saurai pas vous dire par quelle forme de magie il a réussi, mais il a gravi la montagne dans laquelle se trouvait la passerelle et l'a détruite, scindant la montagne en deux. C’est grâce à cet acte qu'Hellkevor et ses alliés ont été vaincus mais pas sans reste. Vous connaissez la suite je suppose. Je ne sais simplement pas par quel moyen il a réussi à rentrer de nouveau sur nos terres….
Secoués par ces révélations, Daenara et Heiric restèrent sans voix un moment. C’est Faralda qui repris une nouvelle fois la parole.
- Le cristal dont vous parlez j’ignore quel est son origine mais lui pourrait vous renseigner et vous aidez…
- Lui ? s’interrogea Heiric.
- Il se fait appeler le Vénérable et est considéré comme le plus grand connaisseur des mondes, il pourra vous aider. On dit qu’il repose dans la Montage Grise, dans la région de Lhys. Maintenant que vous êtes poursuivis par Hellkevor et ses Xearys il faut que vous vous prépariez à une lutte plus que difficile, il vous faut vous entraîner et être prêts à riposter. Vous ne pourrez pas fuir éternellement, il vous retrouvera, il vous cherche, dit-elle en fixant Daenara.
La jeune elfe grimaça, elle se sentait coupable.
- Ce n’est pas votre faute jeune fille. Je sens que le pouvoir que vous avez en vous est là depuis longtemps. Il s’est simplement réveillé grâce à ce cristal mais je ne peux vous donner plus d’explications… Mais lui le peut.
Dépassés par tout ce qu’ils venaient d’apprendre, Daenara et Heiric restèrent sans voix pendant un long moment. Heiric fut le premier à prendre la parole :
- Nous avons toutes les raisons de croire à votre récit Faralda mais comprenez qu’avec la situation dans laquelle nous sommes, les mots ne suffisent pas.
La sorcière eu un sourire un coin, son regard avait retrouvé sa malice. Sans attendre, elle ôta sa cape qu’elle laissa tomber au sol puis retira son collier de perles. Mais rien ne se produisit. Du moins, pas immédiatement.
Sur ses bras maintenant dénudés, de larges cicatrices se dessinèrent. Trois grosses balafres apparurent sur son visage, recouvrant la paupière close de son œil gauche. De ses épaules à son cou, sa peau portait des marques de brulure semblant dater d’un certain temps. Elle remit son collier en place qui fit disparaitre ses blessures et réenfila sa cape.
- Est-ce qu’il te faut d’autres preuves, jeune homme, ou cela te suffit-il ?
Heiric ne sut que dire et baissa les yeux d’un air désolé.
- Pourquoi n’êtes-vous jamais revenue à Ninvaldir ? coupa Daenara.
La vieille dame eu l’air surprise par l’intervention de la jeune femme qui n’avait pas dit un mot depuis plusieurs minutes. Le regard rivé sur le sol, elle avait l’air perdue dans ses pensées. Mais elle se tourna tout de même vers Daenara et lui répondit d’une voix calme :
- Comme tu as pu le voir, chère elfe, j’ai sacrifié beaucoup de choses pour soutenir ce royaume. J’ai officié en tant qu’enchanteresse auprès de tous les descendants de Valaran, y compris Herion. C’est durant tout ce temps que j’ai été témoin de la folie des hommes. Malgré tous les efforts de Valaran et tout ce qu’il avait apporté à ce monde, leur avidité et leur désir de conquête ne faisait que croitre. J’ai donc décidé de mon plein grès de m’exiler. Ainsi, dissimulée parmi les arbres, je restais spectatrice de leurs agissements mais sans y prendre part.
Daenara hocha la tête en signe de soutien. Elle qui avait vécue toute sa vie à l’écart du reste du monde, elle ne pouvait que comprendre Faralda. Heiric, qui été resté attentif tout le long, se leva.
- Vous nous avez sauvés d’une mort certaine Faralda et nous vous en remercions, dit-il d’un ton solennel. Cependant, nous avons trop abusés de votre hospitalité. Et si tout ce que vous nous avez dit est vrai, alors il nous faut partir sur le champ en quête de ce Vénérable.
Il salua la vieille femme d’un mouvement de tête puis fit signe à Daenara de le rejoindre. Mais quand ils atteignirent la porte, la voix de la sorcière s’éleva :
-Et comment compter vous atteindre son repaire dans cet état ? Vous tenez à peine debout et vous espérez arriver auprès de lui en un seul morceau. Les jeunes de notre époque sont vraiment devenus impatients…
Heiric voulût la contredire mais il sentait déjà ses jambes trembler sous le poids de la fatigue. Quant à Daenara, elle avait toujours du mal à croire à son soudain rétablissement et était à l’affût de la moindre vibration de magie. La sorcière reprit :
- Je vous propose quelque chose. Je connais un village abandonné depuis quelques années, à quelques lieux d’ici. Si vous m’y accompagnez, vous y serez en sécurité pour un temps. Cela vous permettra de reprendre des forces. Et je pourrais peut-être t’apprendre à contrôler cette force qui sommeille en toi, jeune fille.
Dans un sursaut d’orgueil, ils voulurent décliner l’offre. Cependant, c’était la seule véritable alliée qu’ils avaient rencontrée jusque-là. Et dans la situation où ils se trouvaient, une magicienne serait d’une grande aide. Après s’être échangés un regard entendu, ils acceptèrent la proposition de la jeune femme qui se leva de sa chaise avant de s’exclamer :
- Sage décision ! Laissez-moi le temps de rassembler quelques bricoles et je vous rejoins !
Elle fouilla dans ses placards, vida la trappe sous le plancher avant de tout rassembler dans un baluchon puis ils sortirent de la cabane et quittèrent la clairière à dos de cheval, s’enfonçant dans les bois faiblement éclairés par les derniers rayons du soleil.
Ils marchèrent toute la nuit, s’accordant quelques pauses pour se reposer. A tour de rôle, Faralda, Daenara et Heiric montaient la garde afin de prévenir la moindre embuscade. Tout ce qu’ils eurent, c’est la visite de petits animaux en quête de nourriture. Par moment, ils distinguaient de faibles lumières qui virevoltaient entre les arbres.
- Ce sont des fées, expliqua Faralda. Elles ne sortent que très rarement, profites de ce spectacle.
Daenara, qui était restée éveillée avec elle, haussa un sourcil :
- Là d’où je viens, les fées sont loin d’être aussi jolies et grâcieuses. Quand j’étais petite, mon amie Lyra est tombée nez à nez sur l’une d’entre elle se et a failli mourir de peur tant elle était repoussante. Dit-elle avec un petit sourire au coin des lèvres.
- Oui ce sont des Syris. Elles peuvent être extrêmement dangereuses et ont un pouvoir d’envoûtement très puissant qu’elles utilisent pour tuer leurs victimes sans qu’elles ne s’en rendent compte. Votre amie a dû tomber sur une jeune fée sans aucun doute.
Daenara ne répondit pas. Se remémorer ce souvenir agréable dans un cadre si familier lui fit ressentir une sensation qu’elle n’avait jamais éprouvée. Elle se sentait à la fois heureuse et triste. Comme si soudain, le motif son départ précipité n’avait plus de raison d’être. Elle devait maintenant faire un choix entre sa quête de vengeance et le destin du monde. A cet instant, partir de chez elle lui paraissait avoir été la pire décision de sa vie.
Le lendemain matin, ils arrivèrent finalement au village, du moins, ce qu’il en restait. Dans une grande plaine, des amas de pierres étaient entassés çà et là, vestige d’anciennes habitations. L’endroit était vaste, on pouvait distinguer ce qui ressemblait vaguement à des échoppes, un peu plus loin, se trouvait ce qui avait surement été une auberge avant qu’elle ne soit ravagée. Ils s’arrêtèrent dans ce qui semblait être une ancienne grange. Dans le renfoncement se trouvaient des bottes de paille sur lesquelles ils posèrent leurs affaires.
- Qu’est-il arrivé à ce village ? demanda Heiric.
- Une vieille querelle entre les villageois et les trolls de la forêt qui a mal finit il y a quelques années. Ces pauvres villageois ne savaient pas à quoi s’attendre en essayant de marchander avec eux ! Ils sont tous partis plus au Nord. Rassurez-vous, il n’y plus de troll depuis bien longtemps. Ils ont tous été repoussés vers les montagnes, dit Faralda en voyant le regard soudain inquiet du jeune guerrier.
Daenara se hissa au plus haut des constructions en ruine et observa à l’horizon. Elle regarda autour d’elle, s’assurant que rien ni personne ne les suivait. Une fois rassurée elle redescendit d’un bon.
- Nous ne sommes pas suivis. On est à l’abris.
Durant la matinée, ils s’étaient occupés de leur installation. Heiric était allé chercher du bois et de quoi manger avec Daenara tandis que Faralda s’occupait de créer un dôme de protection sur une partie des ruines grâce à sa magie. Dans la forêt, les deux amis restèrent silencieux. Tous deux repensaient à tout ce qu’il s’était passé la veille. C’était la première fois qu’ils se retrouvaient seuls, sans danger potentiel à leur poursuite. Heiric ramassait du bois tandis que Daenara était à l’affut de leur futur repas. En voyant l’elfe bander son arc vers un buisson qui frétillait, Heiric eu une pensée pour sa tentative ratée.
- Je ne sais pas comment tu fais pour rester aussi tendue sans trembler et viser sans te tromper d’un millimètre...
La jeune elfe se tourna vers lui et détendit son bras. Elle s’avança et lui donna l’arc ainsi qu’une flèche. Elle récupéra le bois que son ami avait dans les mains et le posa à ses pieds.
- La position est importante. Il faut rester droit.
Quand Heiric prit maladroitement l’arc elle lui redressa le dos et le fit se placer correctement. Elle prit l’arc d’une main et posa l’autre sur celle d’Heiric pour le guider.
- Tend ton bras au maximum, dit-elle en l’accompagnement dans son mouvement avant de le lâcher. Ensuite vise. La pointe de la flèche doit être dirigée là où tu veux qu’elle aille, une fois que tu trouves ta position, tu attends le bon moment. Il faut que ta cible soit immobile ou assez prévisible pour pouvoir l’avoir à tous les coups.
Elle pointa le buisson du doigt.
- Il y a un animal qui se cache juste ici. Observe l’endroit où les feuilles bougent. Elles ne frétillent qu’à un endroit précis.
Heiric se concentra. Malgré son entraînement à l’épée il sentait son bras faiblir en restant dans la même position aussi longtemps.
- Ne relâche pas ta prise. Il suffit d’une seconde de déconcentration et ton futur petit déjeuner risque de te filer entre les doigts, dit-elle en tentant un trait d’humour.
Heiric esquissa un sourire puis redoubla de concentration. Il prit une grande inspiration puis décocha la flèche qui disparue derrière les feuillages. On entendit un couinement, puis plus rien.
- Tu crois que je l’ai eu ?! demanda précipitamment Heiric.
La jeune femme alla derrière le buisson et attrapa par les oreilles un lapin transpercé en plein ventre par la flèche et le lui tendit.
- On dirait bien !
Elle déposa le lapin dans les mains d’Heiric une fois son arc rendu.
- Bravo, dit-elle avec ce petit rictus qui lui faisait office de sourire.
Gêné mais néanmoins fier de lui, le jeune homme lui rendit son sourire.
- Merci Daenara...Je veux dire...pour tout. Tu m’as sauvé tant de fois et je ne t’ai jamais remercié pour ça.
- Si je ne l’avais pas fait je serai morte à l’heure qu’il est, dit-elle avec reconnaissance.
Elle remit sa flèche dans son carquois puis se mis en route pour rejoindre Faralda, laissant Heiric avec l’agréable sensation que son rôle avait été plus important qu’il ne pensait. Ils rejoignirent rapidement Faralda.
- Vous en avez mis du temps !
- Heiric vous ramène le petit déjeuner, annonça Daenara en déposant le bois dans un coin de la grange.
Après un repas et un repos bien mérité. L’enchanteresse vint réveiller Daenara d’un profond sommeil.
- Vient avec moi, dit-elle sans l’attendre pour repartir.
Par reflexe elle prit son arc, mais sans se retourner, la veille dame lança :
- Tu n’en auras pas besoin.
Surprise l’elfe resta figée avant de reposer son arme et de se lever, suivant Faralda jusqu’à une grande place en ruine, parsemée de morceaux de pierres détruites. Elle rejoignit la vieille femme qui était assise en tailleur sur un rocher, les yeux fermés.
- Assieds-toi en face de moi.
Sans un mot, elle s’exécuta.
- Ce n’est pas de la magie ordinaire qui coule dans tes veines. Personne dans famille ne pratique la magie je suppose ?
- En effet....
Elle ouvrit un œil.
- Les Aylins ont de nombreux talents, ce sont des chasseurs, des guerriers et des alchimistes hors pair, mais ils ne sont pas magiciens. Cela veut dire que tu n’es pas née avec cette magie, elle est venue à toi. Tu n’as pas de souvenir ? Quelque chose qui t’a semblé étrange à un moment de ta vie ?
La jeune elfe réfléchissait. Le seul souvenir qu’elle avait était celui de l’annonce de la mort de sa mère. Ensuite, le trou noir. Puis elle regarda ses bras.
- Ces marques...Quand j’ai appris la mort de ma mère, je me suis réveillée avec mais je ne sais pas comment elles sont apparues.
L’enchanteresse fronça légèrement les sourcils.
- Cela veut dire que tu as puisé en toi assez de force pour que cette magie se manifeste. C’est intéressant ça. La magie se manifeste sous plusieurs formes. Elle peut être concentrée dans des réceptacles divers, des sceptres, des baguettes, des bijoux ou même des armes, mais parfois, elle est trop puissante pour se condenser entièrement en un objet. Quand c’est comme ça, la personne qui la possède doit apprendre à la maîtriser pour ne pas se laisser totalement submerger. Il semblerait que ta magie se concentre dans ton corps, tu es le réceptacle et ses marques le prouve. Comment te sens-tu quand tu t’en sers ?
Daenara replongea dans ses souvenirs, ses sensations...Elle repensa à cette énergie froide et envahissante qui parcourrait tout son corps et qu’elle ne pouvait maîtriser.
- Faible. Je n’ai aucun contrôle. Ça m’envahit totalement, ça explose en moi. Cette énergie veut s’échapper, je suis totalement impuissante sauf…hier.
- C’est bien ce que je pensais.
- Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Dans mon coma j’ai rêvé de tout ce que j’ai traversé. De ces pouvoirs, ce cristal, cette guerre...tout s’est accéléré d’un coup. J’ai senti mon corps prêt à se réveiller et à contrôler toute cette force. Je n’étais pas tout à fait consciente de ce que je faisais, mais je sentais une puissance tellement...entraînante. J’ai senti le danger et cette fois je ne voulais pas la retenir. Mais je ne serai pas capable de le refaire par moi-même...
- Il va le falloir pourtant. Donne-moi tes mains.
Faralda tendit ses mains et Daenara lui donna les siennes.
- La magie peut se contrôler si tu te créé ton propre système de contrôle que l’on appelle un cercle d’invocation. Pour le former, il faut que tu ouvres ton esprit et que tu acceptes l’intrusion de cette force pour ensuite l’enfermer dans ton cercle.
Un peu confuse, la jeune elfe fixait Faralda qui avait de nouveau fermé les yeux.
- Fais comme moi et concentre-toi, vide ton esprit de toutes choses. Ne pense qu’à elle, appelle-là.
Daenara ferma les yeux. Elle essaya par tous les moyens de vider son esprit. Mais celui-ci ne put s’empêcher d’être traversé d’images terrifiantes.
- Je n’y arrive pas....
- Continue, ferme ton esprit, fait le vide.
Elle continua de se concentrer. Elle s’efforça de ne penser à rien. Ses mains étaient crispées dans celle de Faralda.
- Détends-toi...respires.
Elle dégagea ses mains puis les mis sur les épaules de l’elfe. A ce moment, Daenara sentit une chaleur réconfortante l’entourer et elle finit par se détendre. Sa respiration se fit plus calme et son esprit se vida petit à petit. Une présence magnétique commença à l’envahir. Une sensation de froid lui parcouru tout le corps. Elle frissonna.
- Continue ! Très bien ! Encouragea Faralda.
Une énergie électrisante s’empara d’elle. Ses mains tremblaient légèrement. Tout à coup, cette énergie se matérialisa en un courant électrique rosé qui lui glissa le long des doigts. Elle ouvrit les yeux et quand elle vit l’énergie et ses marques totalement illuminées elle fut prise de panique. L’éclair s’agrandit tout à coup et se propulsa de lui-même vers Faralda qui eut le réflexe de se pencher juste à temps. L’éclair alla se fracasser sur un rocher qui explosa, provoquant une détonation qui raisonna dans tout le village.
Daenara resta figée, le regard posé sur ses mains, la respiration haletante :
- Je....je suis désolée ! Je ne sais pas...je n’ai pas....
- Du calme jeune fille. Ce n’est rien. C’est normal de faire des erreurs les premières fois.
- Mais j’ai failli vous tuer !
- Oh il m’en faut plus que ça pour me tuer ! J’ai vécu bien pire qu’un vulgaire éclair en pleine poire ! rigola Faralda. Allez, on recommence, mais cette fois, il faut te concentrer d’avantage, créer ton cercle.
La jeune elfe se détendit de nouveau puis reprit son entrainement. Elle se concentra d’avantage, essayant par tous les moyens de visualiser un cercle dans lequel elle pouvait enfermer ce pouvoir et l’utiliser quand elle le voulait et comme elle le voulait. Après plusieurs essais ratés, elle finit par réussir à canaliser sa magie sans qu’elle prenne le dessus. Elle avait réussi à former une boule d’énergie rose au creux de sa main. Pour la première fois depuis longtemps, elle sourit.
- J’y suis arrivée !
- Félicitations, maintenant, nous pouvons passer à la leçon suivante.
Tandis que Daenara s’entraînait avec Faralda, Heiric, qui avait été réveillé par la détonation, avait décidé de faire un tour des ruines, après s’être assuré que tout allait bien. Il marcha un long moment, découvrant plusieurs échoppes endommagées, des habitations dévastées et même ce qui semblait être une ancienne forge. Intrigué, il se dirigea vers celle-ci et s’aperçu que presque tout était en bon état. Il y avait même certains métaux encore inutilisés. Il prit en main son pommeau d’épée. Avec tout ce matériel, il pouvait la reforger. Réparer ce qui a été brisé et reprendre ainsi le contrôle de son avenir.
Il commença sans attendre. Il trouva tout ce qu’il lui fallait dans un compartiment laissé intacte et entreprit sa tâche avec une certaine aisance. Après tout, il était forgeron, avant d’être un guerrier. Il travailla avec acharnement toute la journée. Il repensait à son père, à la promesse qu’il lui avait faite. Il se devait d’être fort. Il mit toute sa rage et sa frustration dans cette création.
Quand la nuit tomba, Daenara et Faralda trouvèrent Heiric, assit contre le mur, somnolant, épuisé par tant d’efforts. Elles l’aidèrent à rentrer à leur campement et le déposèrent délicatement sur une botte de paille. Cette fois-ci, c’est Faralda qui s’occupa du diner, laissant les deux amis se reposer de leur épuisante journée.
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