Il a relevé la tête au son du sifflet familier. Ses oreilles se tendent vers l'avant, ses yeux scrutent le lointain à la recherche du mouvement espéré. Immobile, il bouge encore, sa peau tremble sous le chatouillement des insectes, sa queue se balance calmement pour les chasser. Là, il a vu, il voit. Ses épaisses lèvres s'entrouvrent, il gonfle les naseaux. L'air fait vibrer ses cordes vocales dans un salut joyeux. Et enfin, le corps se met en mouvement. Postérieur, antérieur, postérieur, antérieur. La marche en quatre temps, dynamique, magnifique, le conduit jusqu'à son visiteur. Bientôt leurs deux corps vont se rencontrer. Chaleur contre chaleur. Peau contre poil. Les doigts sur le muscle détendu d'une épaule, sur la fermeté d'une encolure courbée vers le sol. Il va chercher à se cacher sous une queue qui n'existe pas, pour fuir les moucherons qui grignotent ses oreilles. Le bruit sourd de ses sabots sur la terre ajoute un rythme musical à la beauté de ses gestes. A la beauté de sa Simplicité. Il est bien, là, incarné dans sa propre chair. Il est un, unique. Né avec son pied blanc, sa marque brune sur le haut du membre, sa tâche irrégulière au milieu du front. Imparfait, inclassable, hors des standards. Né sans mors, né sans fer, rendu sans testicules. Il est ainsi et fait avec. Dans ses veines coulent les instincts qui l'animent. Et l'amour, dans son souffle brûlant.