Chapitre 4
Isolé dans la salle de sport en bas de leur immeuble, Hawkly se défoulait sur son sac de frappe. Ça faisait plus d'une heure qu'il y était, cognant de toutes ses forces pour évacuer la frustration accumulée et cette culpabilité qui refusait de le lâcher depuis ce fameux soir. Après les aveux de
Mika, son corps s'était mis à convulser, pressant un besoin de se retrouver seul avec ses démons.
D'ordinaire, quand il en avait besoin, il ne venait pas dans l'antre du breakdancer du groupe pour utiliser son matériel. Il serait directement allé dans son labo pour se bombarder les oreilles de musique jusqu'à sentir les migraines arriver.
Pourtant l'envie de se défouler sur quelque chose de physique pour expulser son trop plein d'émotions fut si forte qu'il avait décidé de s'y rendre pour enfiler des gants de boxe et taper à répétition.
Et voilà qu'une heure plus tard, il y était encore. La sueur recouvrait son t-shirt gris moulant son torse musclé, faisant luire ses biceps congestionnés par l'effort. Son souffle était rauque et rapide, son cœur battait à tout rompre.
Tout son corps souffrait, mais son esprit, encore brouillé par ce ressentiment, n'était pas totalement vidé. Inquiets pour lui, ses compagnons débarquèrent dans la salle de sport.
— Hyung*, faut qu'on l'arrête, murmura le breakdancer.
— Si on l'arrête maintenant, il va pas réussir à se concentrer, rétorqua l'aîné de la bande.
— Mais il va se blesser ! intervint un autre des garçons du groupe.
— Min Ko ! Arrête-le ! s'exclama le plus jeune.
Lovers lui adressa un regard sérieux qui le fit taire.
— Merde ! hurla soudainement leur leader en s'arrêtant enfin de frapper contre ce pauvre sac. Merde, merde ! Bordel !!
— Oh ! Calme-toi, Shi Ji ! intervint enfin Lovers, attrapant son ami par les épaules.
— J'aurai pu l'aider ! s'exclama Hawkly. J'aurai pu l'aider...
— Et qu'est-ce que t'aurais pu faire pour elle, explique-moi ! S'exclama Lovers, faisant pivoter son leader pour lui faire face. Hm ? Tu es ici et elle vit en France. Tu es une star et elle, qu'une simple fan. Donc explique-moi ce que tu aurais pu faire de plus ? Cette situation nous choque tout autant que toi, mais même si on avait pu l'aider, qu'est-ce que ça aurait changé ?
— Mais tout ! hurla Hawkly, sidéré par les paroles de son ami.
— Pour ton bien-être ou pour ta conscience ? Lui lança Lovers, droit dans les yeux.
Hawkly se figea.
Son ami avait raison. Sa conscience était lourde et il dormait mal sachant que pour lui, aider quelqu'un lui permettait de se sentir mieux.
Était-il égoïste ? C'était ce que Lovers tentait de lui faire comprendre. Même si ce dernier n'avait aucune mauvaise intention ou ne voulait pas le lui dire de cette manière, ses paroles avaient pourtant déclenché en Hawkly un puissant dégoût de lui-même.
T, le breakdancer du groupe, s'approcha d'eux avec le téléphone du leader pour le lui tendre :
— C'est pour toi.
Hawkly lui adressa un regard interrogateur.
— Allô ?
« Bonjour, c'est Mika... »
[...]
Devant l'accueil de l'hôpital, Yüna hésitait. Allait-elle vraiment partir et tout laisser tomber pour un pays dont elle ne connaissait presque rien ?
Mais si elle restait, qu'est-ce que la vie allait-elle lui apporter ?
De toute façon, sa décision était prise et elle avait réussi à compléter tous les dossiers nécessaires pour son séjour là-bas.
— Vous êtes prête ? lui demanda le chauffeur.
— Oui, allons-y, souffla-t-elle.
Un dernier regard et elle quitta les lieux, direction l'aéroport.
Commença alors une nouvelle expérience, l'enregistrement. Elle dut naviguer entre les groupes de voyageurs pressés de pouvoir quitter la France pour aller le plus loin possible, afin de trouver les guichets. Elle réussit néanmoins à en atteindre un et à se faire enregistrer. La femme lui étiqueta sa valise et lui indiqua la porte d'embarquement. Yüna dut prendre sur elle. Si jusqu'ici, elle avait réussi à ne pas pleurer de panique ni à se figer parce que les gens autour d'elle étaient beaucoup trop proches ou la percutaient, le défi était maintenant de trouver son chemin jusqu'à l'endroit où se trouvaient les départs pour Séoul.
Elle esquiva le contact avec le moindre être vivant présent sur son parcours, autant qu'elle le pouvait, jusqu'à arriver à la file correspondante au départ inscrit sur son ticket de voyage.
Ce ne fut qu'une fois installée à son siège sans voisin qu'elle prit enfin conscience qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible.
Elle partait enfin pour la Corée du Sud. Elle allait traverser une partie du monde pour atteindre ce pays qui la fascinait tant et depuis si longtemps.
« Mesdames et Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à bord. Je serai votre commandant de bord. Je vous informe que notre vol en direction de Seoul Incheon airport, va bientôt pouvoir partir. Attention à la fermeture des portes. Tout l'équipage et moi-même vous souhaitons un agréable vol sur notre
compagnie. »
L'annonce la fit sursauter.
Ça y est, on est partis. Il va falloir tenir tout le voyage... se dit-elle pour se donner du courage. 13 h de vol, ça va être un enfer...
— Tout va bien, Madame ? s'enquit une hôtesse de l'air, la voyant blêmir à vue d'œil.
Dans un anglais aussi approximatif que celui de l'hôtesse, Yüna réussit plus ou moins à lui expliquer la situation. La femme comprit, s'assura de venir la voir régulièrement pour s'occuper d'elle et être sûre qu'elle ne fasse pas de malaise en plein vol. Même une fois arrivés sur le tarmac, la femme se plia en quatre pour aider Yüna en lui indiquant une collègue qui la guida jusqu'à la salle pour récupérer ses bagages.
Yüna remercia l'agente en lui assurant qu'elle pouvait se débrouiller seule à partir de là.
Quel mytho !
À peine l'avait-elle quittée qu'elle se retrouva encerclée par un raz-de-marée de voyageurs descendus de leurs avions, pressés de récupérer leurs affaires et de quitter l'aéroport. La pauvre sentit une nouvelle crise de panique pointer le bout de son nez.
Reste concentrée, Yüna. s'encouragea-t-elle.
Mais alors qu'elle vit sa valise avancer vers elle, une main se posa sur son épaule et la tira en arrière. La jeune femme poussa un cri, tout en cherchant à se débattre jusqu'à ce qu'une voix ne retentisse près d'elle :
— Ne la touchez pas ! Restez loin d'elle !
Yüna releva la tête pour croiser ce regard qu'elle admirait depuis plusieurs années à travers son écran.
— Kang... Shi... Ji... murmura-t-elle.
Il baissa les yeux sur elle et vit des larmes briller sur ses joues.
— Vous... Vous allez bien ? demanda-t-il dans un anglais impeccable.
— Oh euh... ou... oui, merci...
Elle chercha à se dégager de lui, mais il ne la lâcha pas. Même caché derrière son masque, elle l'avait reconnu et ne voulait pas qu'il soit pris pour cible avec les groupies qui traînaient pas loin.
— C'est votre valise ?
— Oui...
Il la récupéra et aussi discrètement que possible, il la guida vers la salle de départ pour VIP.
— Eh ! s'exclama une voix derrière eux.
Mais Hawkly n'avait que très peu de temps devant lui, aussi ne répondit-il pas à son camarade et fonça droit vers une salle privée pour s'y enfermer avec elle.
Une fois seuls, il put la détailler à loisir.
Elle était belle. Un peu ronde, des cheveux soyeux et un regard apeuré. Sa bouche rose contrastait avec son teint pâle. Ses tremblements l'inquiétaient et il décida de la prendre dans ses bras, dans un geste désespéré.
— Yüna... Je suis là. Tout va bien, murmura-t-il.
— Co... Comment vous...
— Chut... On a pas beaucoup de temps. Il va falloir faire vite. Je te promets de tout te raconter une fois arrivés à Tokyo. Dit-il contre ses cheveux.
— Quoi ? N... non ! Je peux pas ! Je... J'ai un rendez-vous pour un appartement et un travail ! s'écria-t-elle en panique contre le torse du chanteur.
— Yüna... Mets ça et viens. ordonna-t-il sans lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit, lui donnant un bob noir et de grosses lunettes de soleil. Je te protégerai et quand on sera tranquilles, on pourra discuter. En attendant, fais-moi confiance et ne me quitte pas d'un pouce.
Il planta son regard dans le sien. Avec l'autorité naturelle dont il était doté, Hawkly réussit à lui faire accepter la situation. Yüna le suivrait, même si elle avait besoin de comprendre ce qui lui arrivait.
Quand ils sortirent, ce fut face à Lovers que la mission commença.
***
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