point de vue omnicient
Dans ce café, en cette paisible matinée d'été, les gens commencent à s'activer, partant au travail ou en cours. Le brouhaha des discussions laisse place à différents sons apaisants, comme le léger froissement des journaux ou encore le mélodieux tintement des tasses. Seul un homme contraste avec cette ambiance sereine, tapant énergiquement sur le clavier de son ordinateur. L'écrivain, d'une quarantaine d'année, brun avec des petits yeux , mal rasé, s'est fixé pour objectif de terminer son roman d'ici deux semaines. Il s'octroie une petite pause pour touiller légèrement son expresso et jette un rapide coup d'oeil à la grande salle qui s'est vidée. Son regard se pose sur la jeune femme à l'autre bout de la salle. Elle est belle, jeune et lit un roman d'amour. C'est la première fois qu'elle vient dans ce café. La première fois depuis longtemps qu'elle sort de chez elle, qu'elle a courage de s'habiller, se maquiller. Cette jolie jeune femme, du nom de Romane, a traversé une épreuve difficile, elle s'est fait agressée par deux hommes en pleine journée dans le métro parisien sans que personne n'intervienne il y a de ça un an maintenant. S'en est suivi une descente aux enfers, une dépression, une perte de confiance en l'humanité, en soi et aujourd'hui, pour la première fois depuis cet évènement, elle a pris son courage à deux mains et est sortie de chez elle, son livre sous la main, pomponnée, fraîche et féminine.
Le regard insistant de l'homme la gêne, la met mal à l'aise, elle passe outre et continue sa lecture. L'écrivain, intrigué par la jeune femme, se lève faisant mine d'aller aux toilettes. En passant à côté d'elle, il prend son courage à deux mains, saisit la chaise en face d'elle et demande si la place est occupée. Romane sent son coeur s'accélérer mais fait mine de rester calme et sereine. Elle le fixe, le toise puis répond avec un non sec. Un peu désarçonné par la froideur de la jeune femme qui contraste avec son allure, il ne se laisse pas abattre et enchaîne avec un air amusé:
"- Vous savez je suis écrivain, j'aime lire, ça nous fait un point commun, c'est un bon début!
- Un bon début? Répète-t-elle sur un ton saracastique, provoquant
- Vous avez quelqu'un dans votre vie?"
La jeune femme le dévisage avec un certain mépris, un certain dégout. Cette attitude de prédateur la ramène à son agression.
- Non, je n'ai personne, mais je ne suis pas intéressée." Répond-elle avec un semblant d'assurance avant de se replonger dans son histoire. Son coeur continue de s'accélérer.
L'homme, se relève, touché dans son orgueil, la reluque une dernière fois avant de s'exprimer assez fortement:
"- Seule dans un café, habillée comme vous l'êtes, il ne faut pas vous étonner que l'on prenne ça pour une invitation. Cessez de jouer les vierges effarouchées quand vous ne l'êtes pas. "
A peine a-t-il tourner les talons, que la jeune femme fond en larmes, se sentant salie, humiliée une nouvelle fois. Les gens ont cessé de regarder la scène, personne n'est intervenu, une nouvelle fois. Rapidement, hâtivement, précipitamment, elle prend ses affaires et s'en va, en pleurs. Quand l'homme se retourne, il remarque qu'elle n'est plus là. Il hausse les épaules et se remet au travail.
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