oiseau
J'avais six ans la première fois que j'ai vu un fantôme au manoir.
C'était ici. Je me tenais là. Je m'étais levé parce que j'avais entendu un bruit. Dans le couloir.
Je ne me souviens pas avoir eu peur.
Il s'épuisait contre la vitre de la dernière croisée. Ses ailes battaient en folie. Il cherchait contre le verre, son affolement pour seul guide, l'obstination pour seul espoir. Il ne criait pas. Ce n'était qu'un fracas doux d'os et de plumes, et parfois son bec frappait le carreau.
Je me suis approché. Je n'avais pas peur mais j'avais mal de son égarement. Je voulais ouvrir le piège, le rendre au ciel.
Mon frère Nylian est sorti de sa chambre. Il a regardé l'oiseau. L'hiver les affame, et la nuit les perd. Sur le rebord de la croisée l'oiseau s'est posé. Je voyais qu'il respirait vite, incroyablement vite, et j'imaginais qu'il pouvait en mourir. Nylian a approché ses mains. Je ne pouvais plus bouger, pas avancer plus. Par le haut, en écartant les doigts, Nylian a enfermé l'oiseau entre ses paumes, tellement lentement que l'oiseau n'a pas lutter.
« Tu le veux ? »
L'oiseau a piaillé une fois et j'ai eu peur qu'il le tue.
Quand il a rouvert ses mains devant moi l'oiseau était mort. Une aile dessous sa tête, l'autre sur son ventre. Les yeux doucement fermés. J'ai cru longtemps que Nylian l'avait tué.
Mais j'ai revu l'oiseau. Plusieurs fois. Dans ce couloir, à cette croisée. Il frappe le carreau et parfois meurt. Parfois, aussi, je laisse la fenêtre ouverte le soir. Cela ne change rien.
Toujours, une nuit, il revient.
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