Le val d'après-minuit

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Nuit noire. Nous étions sur nos vélos en direction de la colline.

La veille, Hector m'avait appelé, il avait le souffle court. L'angoisse comprimait sa voix. Ce n'était qu'au bout de quelques minutes que nous nous accordâmes pour nous retrouver au sommet de la butte.

Nous n'avions pas échangé un mot durant le trajet. Nous allions à vive allure, Hector avait insisté pour arriver peu de temps avant minuit et apporter une montre. C'est ainsi, dans un silence angoissant, brisé de temps à autre par les grincements métalliques de nos chaînes que nous avons traversé la ville pour nous retrouver dans le bosquet voisin.

Nous étions arrivés, totalement essoufflés, à 23h57. Nous nous assîmes et attendîmes les quelques minutes restantes. Je jetai un regard vers mon ami et celui-ci fixait la montre que nous avions emmenée avec nous. C'était un vieux modèle de montre mécanique, il avait insisté pour que ce soit une trotteuse car il ne savait pas si ce qu'il avait vu serait observable sur une digitale.

Je n'avais jamais vu Hector ainsi. Il était casse-cou, le genre à se balader en solitaire dans des forêts lugubres en pleine nuit, si vous voyez ce que je veux dire. Il n'avait peur de rien. Sauf ce soir-là. Le staccato de son coeur faisait de l'ombre au tic-tac de la montre, sa sueur perlait, des spectres semblaient habiter ses yeux.

Minuit.

"Regarde !" s'écria Hector, avant de jeter la montre au sol. La trotteuse s'affolait tournant frénétiquement sans s'arrêter. L'aiguille des minutes suivait le mouvement, celle des heures patientait. Puis elle bougea, le cadran s'élargit, entre le 12 et 1, le 13 apparût.

Le tintement distordu d'une cloche dégoulinait et s'infiltrait dans mon crâne. Il se répéta 13 fois, à chaque coup la sensation était plus forte. Nous nous étions agenouillés sur l'herbe humide, nos mains sur les tempes et nos visages crispés par la douleur.

Après l'effroyable tintamarre, nous ouvrîmes les yeux. La montre s'élevait devant nous. Elle était bien plus grande, Hector qui se tenait devant elle, avait le fameux nombre à hauteur des yeux. Le bouton de réglage s'était métamorphosé en panneau sur lequel était inscrit Après-minuit.

"Tu les entends ? me lança mon ami par dessus son épaule.

- Entendre quoi ? m'inquiétai-je.

- Eux." Il pointait du doigt le cadran. Je déglutis, j'eus l'impression d'avaler une pomme entière. Je m'approchai de l'engin. Les aiguilles étaient immobiles mais en approchant l'oreille du cadran, on les entendait. Mes poils se hérissèrent, des kyrielles de petits cliquetis se répercutaient sur les mécanismes. Je dévinai que ce n'était pas le métal des pièces de la montre qui s'entrechoquaient, elle était arrêtée nette... Pourtant, quelque chose grouillait à l'intérieur, cela s'écoulait impétueusement.

J'étais totalement absorbé, j'essayais d'analyser ce que j'entendais, d'y trouver une explication. Puis je l'entendis. "Ouvre nous, susurrèrent des voix inhumaines, ouvre nous." Il ne m'en fallut pas plus pour prendre mes jambes à mon cou. Me retournant, je vis que Hector avait déjà enfourché son vélo et dévalé la colline.

Nous avons abandonné la montre sur place et je ne suis jamais retourné dans la vallée que j'avais renommé le val d'après-minuit. Hector et moi ne nous sommes plus jamais reparlé depuis.

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