Chapitre XI : Premier épilogue
Songeur, l'inspecteur Leroux referma le dossier et soupira profondément.
La justice avait triomphé : L'Aristo et l'Elégant avaient été, comme c'était prévisible, condamnés à la peine capitale. Ce fut les seuls accusés dans le box ; Emma de Castellano s'était suicidée et le Polack, qui avait joué un petit rôle, avait senti le vent tourner et fermé boutique pour disparaître sans tambour ni trompette.
D'ailleurs il ne fut pas le seul à prendre la poudre d'escampette ! Ernesto Delaseine n'était pas reparu à son quartier général et le gérant de l'hôtel où il résidait avait certifié qu'il avait payé son terme et plié bagages pour aller respirer un air moins vicié à La Havane. Quelle mouche l'avait piqué ? Peur d'être impliqué dans l'assassinat de la veuve Le Braz ? Peur de l'existence de Belzébuth ? Seul lui pouvait le dire. Cuba... ce n'était pas une mauvaise idée pour un ancien restaurateur et gérant de cabaret ! La prohibition faisait rage en Amérique et la Havane, la capitale de l'île, prenait de plus en plus la physionomie d'un immense bar où les Américains venaient épancher leurs soifs et pas seulement d'alcool !
Oui, Ernesto Delaseine devait en savoir beaucoup plus qu'il n'en avait dit ; surprenant ce mutisme pour un homme qui avait la « tchatche ».
Une multitude de questions était restée sans réponse. Bien sûr cela n'aurait pas changé le cours de la justice mais tout de même !
Pourquoi Emma de Castellano avait-elle massacré la veuve Le Braz ? Une vengeance ?
Qui étaient vraiment ces deux femmes ?
Qui était vraiment Emma de Castellano qui changeait sans cesse d'identité ?
Et la veuve Le Braz, on ne savait rien de sa vie avant d'arriver dans le quartier.
Pourquoi l'Aristo ne s'était pas défendu ? Pierrot des Moineaux n'était plus là pour s'agiter à sa place. D'ailleurs l'assassinat de l'avocat n'était-il pas en lien avec l'affaire Le Braz ? Ce dernier aurait-il été Belzébuth ? C'était, semble-t-il, ce que cherchait à montrer l'énigmatique Michel Lange dans son article...
Fallait-il croire l'Elégant quand il attestait de l'existence de Belzébuth dont même l'ombre n'avait pas plané dans le tribunal ; Ce qui expliquerait beaucoup de choses restées dans l'ombre.
Mais qui pouvait bien se cacher derrière ce surnom de Belzébuth, si ce n'était pas Pierrot des Moineaux ? Un bandit de la pire espèce, capable de déjouer tous les pièges, capable de rester de l'anonymat, capable d'avoir le pouvoir d'être craint par la pègre à tel point que personne n'osait parler de lui.
Pour Maxence Leroux, c'était presqu'une évidence : Belzébuth existait ! Mais comment le traquer ? Les fils étaient tenus et il n'avait aucune légitimité pour se lancer à sa poursuite puisque l'affaire était classée. Le commissaire opposerait son veto s'il lui demandait d'enquêter en indépendant.
Le commissaire Simon était en Autriche pour une semaine, cela donnerait un peu de temps libre à l'inspecteur pour faire des recherches, uniquement des recherches.
A l'issue des ces sept jours, le commissaire reviendrait sûrement triomphant et annoncerait son départ définitif pour cette commission internationale de police qui se mettait en place pour lutter plus efficacement contre le crime. Et qui le remplacerait ? La rumeur prononçait un nom : Maréchal... le commissaire Maréchal, plus souvent dans les soirées mondaines que sur le terrain !
Vu que le commissaire Maréchal ne se déplaçait jamais sans son adjoint attitré, l'inspecteur Bertoux surnommé le petit caporal, il était fort à parier que Leroux serait relégué au placard pour avoir été l'adjoint du trop débonnaire Simon ! Mais ça, c'était une autre histoire...
L'inspecteur décrocha le combiné et demanda à l'opératrice de le mettre en contact avec le journal la Revue.
« Allo ! Bonjour, pourrais-je parler à François Collin de la part de Maxence Leroux... Oui, c'est ça, son beau-frère... Merci... »
Avoir un beau-frère journaliste était bien pratique même si leurs opinions divergeaient sur beaucoup de points ! L'inspecteur Leroux ne se vantait pas de cette parenté avec le fameux reporter, un peu trop sulfureux au goût de certains. Mais était-ce sa faute si sa sœur Lili n'avait pu résister au charme du journaliste baroudeur ?
« Salut François !
– Tiens ! Je rêve... Tu retrouves le chemin de la famille ? Je redeviens fréquentable ou alors tu es dans le noir et tu as besoin de mes lumières...
– S'il te plaît, abrège tes salamaleks ! coupa Leroux.
– Ah ! là, je crois que mon p'tit Maxence a des états d'âme ! Pourtant j'ai lu que vous aviez mené rondement le meurtre de la veuve Le Braz, Simon et toi ; quel succès ! Ça ne te suffit pas ?
– Michel Lange... tu connais ?
– La seule chose que je suis en mesure de te dire, c'est que ce n'est pas moi ! Certains l'ont suggéré mais non ce n'est pas moi ! Tu me connais assez pour savoir que j'assume toujours mes écrits en les signant de mon propre nom, pas besoin de nom de plume !
– Rien de plus ? Pas même une suggestion qui m'aiguillerait ?
– Rien de plus ! Mais je te fais confiance... tu trouveras ! Tu n'es pas breton pour rien !Et si Maréchal te laisse... Ah tu n'es pas au courant ? Maréchal remplace Simon ! C'est officiel ! Et dès demain, son petit caporal et lui, tu vas les avoir dans les pattes, mon cher Maxence ! Attends-toi au pire...
Fin de la première partie
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