Chapitre 28

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Nanoki était passé dans sa chambre environ une demi-heure avant l’annonce pour se doucher et se réveiller un peu. Le mélange du manque de sommeil ces derniers jours et de sa première nuit sans dormir du tout commençait à se faire sentir.

Daphné n’avait pas tort au sujet des poches sous ses yeux.

La karatéka mit le pommeau de douche sur son visage et fit couler l’eau la plus froide possible. Idée stupide qu’elle regretta aussitôt. A peine l’eau glacée fouetta son visage, elle l’éteignit. Mais le but principal était une réussite, elle était plus réveillée que jamais.

Nanoki s’essuya rapidement avant de prendre froid, s’habiller, puis sortit de sa chambre pour aller au réfectoire.

Cependant, elle n’eut pas le temps de faire plus de deux pas qu’une main l’empoigna et la força à courir. La karatéka réagit dans la seconde ; elle saisit le poignet de la personne, le tordit et plaqua la personne sur le ventre, joue contre le sol. Un cri de douleur s’échappa, accompagné de gémissements.

Elle le scruta pour voir de qui il s’agissait.

— Gaël ?

— Je t’en supplie relâche moi ! Je te promets de ne plus jamais te prendre par surprise, je voulais juste te parler !

Elle se releva et constata que ceux qui sortait de leur chambre la dévisageait. Nanoki n’y prêta pas plus attention et se reconcentra sur le photographe qui se relevait lui aussi, plus lentement. Il se tenait le bras en grimaça.

— J’aimerais m’excuser mais comprends que quand on me prend le poignet comme ça surtout au vu de notre situation, je ne reste pas sans rien faire à attendre l’objectif de la personne.

— Je suis désolé, je n’ai pas vraiment réfléchi. Je voulais juste pas te faire perdre trop de temps pour aller au réfectoire.

Elle croisa les bras. Même si son instinct avait agit avant elle, avec du recul, il était évident que Gaël n’aurait pas essayé de la tuer. Les autres l’auraient immédiatement suspecté. Pourtant, elle n’arrivait pas à se sentir désolée, même si le voir grimacer comme ça l’adoucissait un peu.

— Qu’est-ce que tu voulais me demander ?

— Allons dans un coin plus tranquille, c’est personnel.

Nanoki hocha la tête avant de le suivre. Ils s’installèrent contre le tronc d’un arbre à quelques mètres des chambres.

— Je t’ai vraiment tordu le bras ?

— Non, pas littéralement en tout cas. Mais c’était pas loin…

Il se massa le bras tout en réfléchissant à ses mots.

— Je sais que ce que je vais te dire va te paraître bizarre, que c’est plutôt naïf avec notre situation, que ce serait plus prudent de ne rien faire, ou même que je suis fou…

— Pourquoi tu veux me parler si tu te réponds tout seul ?

— Pour avoir un avis extérieur. J’ai bien demandé à Daphné, mais… je pense que c’est mieux d’avoir un deuxième avis.

Nanoki se redressa, intriguait.

— J’espère pour toi que ça vaut un minimum le coup pour rentabiliser ton bras.

— En fait, voilà, je suis amoureux de Kaïs. Je l’étais déjà avant d’arriver ici et j’avais l’impression qu’on flirtait ensemble. Mais j’ai peur de ne jamais sortir d’ici, ou du moins pas vivant. Je sais également que je suis le seul en qui il a confiance. J’aimerais qu’il se passe quelque chose, pour pouvoir me dire que même si je meurs, ce sera sans regret.

— C’est vraiment ça ta priorité ?

— Je parlerais pas de priorité, je préfèrerais sortir d’ici… mais toi aussi t’as fini par comprendre qu’il n’y avait qu’un seul moyen, pas vrai ?

Elle ne répondit pas. Gaël prit son silence pour une confirmation et continua.

— J’aimerais me dire que même en restant ici jusqu’à la fin de mes jours, je n’aurais rien regretté. Enfin, pas exactement, mais tu vois ce que je veux dire…

— Je comprends toujours pas pourquoi t’es venu me parler alors que tu te réponds tout seul.

— Je veux avoir ton avis, t’en penses quoi toi ? Est-ce que c’est une si mauvaise idée de tenter quelque chose ?

Nanoki soupira. Elle s’attendait à autre chose qu’une histoire de cœur. Pour avoir été célibataire toute sa vie, elle n’était pas la plus apte à lui répondre.

— Elle t’as dit quoi Daphné.

— Je te demande à toi pour avoir ton avis à toi.

— Je ne sais pas. Objectivement, si on peut vraiment parler objectivement en amour, tu as tes chances avec lui vu qu’il te fais confiance.

Gaël se pencha vers elle, attendant la suite. Il fronça les sourcils.

— Et donc ?

— Et donc tu fais ce que tu veux…

— Tout ça pour ça ?

— Je suis karatéka, pas conseillère amoureuse. D’ailleurs, c’est plutôt moi qui devrait dire “tout ça pour ça” j’ai failli te tordre le bras pour ça.

Elle se leva, imitée par Gaël.

— Maintenant que tu as eu mon avis, je peux y aller ?

Il soupira avant de hocher la tête. Nanoki n’attendit pas plus et se rendit au réfectoire. Elle prit place en face de Daphné qui s’empiffrait de gâteau.

— T’en as mis du temps aujourd’hui.

— Disons que j’ai eu un contre temps…

Nanoki laissa son regard vaguer aux alentours jusqu’à tomber sur quelque chose d’inhabituel. Randy discutait avec Jessica. C’était donc comme cela qu’il ne faisait pas ami-ami avec les autres.

— J’ai envie de faire du karaté.

— Cool, je te regarderai.

C’est ce qu’elle firent après le petit — qui était loin d’être petit — déjeuner de la rêveuse. Nanoki passa toute la matinée à s’entraîner ainsi qu’une partie de l’après midi. Elle se fit interrompre vers 18 heures par Soen et Eden.

— Hé ! Hé ! Nanoki ! Ça te dit de cuisiner avec nous ? lui proposa Eden

— Vous ? cuisiner ?

— Oui, on a dit aux autres qu’on s’occupait du diner, mais étrangement ils ont pas confiance. Ils accepteront seulement si une troisième minimum est avec nous. Alors tu viens ? Tu viens ? On va préparer une pizza géante !

— T’as bien dit pizza ? s’écria Daphné. J’ai bien entendu que si vous cuisinez on aura de la pizza ?

La rêveuse courait vers eux des étoiles pleins les yeux alors que de la salive coulait sur son menton à sa simple imagination.

— Nanoki accepte ! Et je viens avec vous !

La karatéka ne put retenir un petit rire.

— Très bien. Laissez moi dix minutes, je vous rejoins dans la cuisine.

Daphné sauta dans un cri.

— Allez viens Daphnénounette ! Je savais qu’on allait te convaincre.

— Hein ? Mais vous m’avez rien demandé.

Soen et Eden pouffèrent de rire sans répondre à la rêveuse qui plissa les yeux. Finalement, elle les suivit quand même pendant que Nanoki s’engouffrait dans les vestiaires. Elle n’était pas aussi enjoué que Daphné à l’idée de manger de la pizza. Elle se fichait pas mal de ce qui avait dans son assiette, tant qu’elle mangeait le minimum pour éviter un malaise.

Au fond, elle l’enviait. Même les autres mangeaient plus facilement qu’elle. Peut-être était-ce seulement car elle avait peu d’appétit également en temps normal ?

Elle tenta de ne pas trop y penser et prit rapidement sa douche. Ensuite, elle retrouva autres et ils cuisinèrent ensemble. Afin que tout le monde fût satisfait, le principe de l’idée de la pizza géante — qui n’était pas géante en soit pour manque de place dans le four, alors ils assemblaient juste les pizza entre elle dans un plat qui lui était géant — était de la faire à plusieurs goût.

Ainsi, tout le monde piocha des morceaux un peu partout, à l’exception de Gaël et Kaïs. Quand le mannequin alla dans la cuisine, Nanoki en profita pour aller voir le photographe.

— Vous ne mangez pas ?

— Pas maintenant. Kaïs m’as proposé de passer la nuit avec lui et il a déjà préparé des petits trucs, même si on va quand même prendre quelques bout parce que la pizza a l’air excellente.

— Cool pour toi. Je crois.

— D’ailleurs…

Il rougit et s’approcha de son oreille.

— Et ce que tu crois qu’on peut trouver quelque chose pour se protéger ?

Nanoki rougit à son tour et sauta en arrière. Elle avait du mal à se dire si c’était normal de faire ce genre de chose quand on savait qu’on risquait de mourir ou si au contraire c’était étrange.

— J’en sais rien ! Demande à Kuro ou Shiro ils doivent savoir eux !

— En parlant d’eux, ils vont pas nous voir ? Parce que ce serait vraiment bizarre…

Pour le coup, elle était d’accord avec lui. Et même pour elle, elle espérait ne pas avoir été observer lors de ses douches ou lorsqu’elle se changeait… Les deux robots n’avaient jamais précisé s’il y avait des caméras installées et elle n’en avait pas vu. Mais ils apparaissaient parfois pour répondre à leurs questions.

Alors qu’elle réfléchissait, une voix émana de leur bracelet.

— Je ne vais pas intervenir en personne pour ça, mais tu trouveras ce que tu cherches dans le placard de la salle de bain. La personne qui a demandé se reconnaîtra.

Le visage entier de Gaël devint plus rouge que la couleur rouge. Un brouhaha se forma dans la pièce. Les autres cherchaient à comprendre qui avait demandé quoi. Nanoki choisit ce moment pour abandonner le photographe et revenir avec Daphné.

— Tu sais quelque chose sur ce qui devrait se trouver dans le placard de la salle de bain ?

— Aucune idée. Je l’ai ouvert qu’une ou deux fois pour prendre des serviettes mais j’ai jamais fait attention à ce qu’il y avait dedans.

La rêveuse haussa les épaules. En vérité, Nanoki se fichait pas mal que les autres fussent au courant, mais cela venait à s’apprendre, elle préférait tout de même ne pas en être la responsable.

Les questionnements se tassèrent, lassés. Le reste du repas se passa donc dans le calme habituel avec les rires de Soen et Eden, les discussions de Daphné et Nanoki ainsi que Gaël et Kaïs, et par moment, les quelques mots échangés entre Aaron et Léo. Mais aujourd’hui, à tout cela s’ajoutait la discussion de Randy et Jessica.

Lors de l’annonce de la période de nuit, alors que les autres allaient dans leur chambre, Randy et Nanoki s’installèrent à leur place attitrée.

— Donc toi, ta technique pour ne pas faire ami-ami “parce que ce serait stupide” c’est de sympathiser avec Jessica ?

— Tu perds pas d’temps… Mais c’est pas parce que je parle avec des gens que je veux devenir leur “best friend forever” !

Sa voix devint aiguë sur ces derniers mots et il colla ses mains sur ses joues, la tête penchée sur le côté, un sourire niais au visage. Nanoki secoua la tête en levant les yeux au ciel.

Un rire sincère s’échappa de leur gorge et elle se stoppa subitement. Elle venait de rire ? Un vrai rire sincère parce que Randy avait fait une tête marrante. Parce qu’elle l’avait trouvé drôle. Depuis combien de temps n’avait-elle pas ri ? L’avait-elle déjà fait depuis qu’ils étaient ici ?

Elle ignora l’appel de Randy et fit défiler ses souvenirs du présent au passé, jusqu’à arriver au début de cette tuerie et de la dépasser. Elle repensa à sa bagarre contre les harceleurs de sa meilleure amie, sa rencontre cette dernière. Elle vit la première fois qu’elle…

— C’est pas possible… ça peut pas être vrai. Je n’ai pas…

Le vide s’empara d’elle. Elle ne voyait plus, n’entendait plus, ne sentait plus, ne pensait plus.

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