Chapitre 32
— Comment ça ? questionna Léo.
— Grâce à votre bracelet, nous pouvons vous empêcher de pratiquer, de faire référence ou simplement de penser à votre capacité. D’ailleurs, le mobile tient jusqu’à la fin du prochain procès. Donc pas de meurtre, pas de capacité. Et seul le ou les survivants pourront retrouver leur capacité. Vous avez une minute pour dire potentiellement adieu à votre capacité.
Nanoki écarquilla les yeux. C’était impossible… il ne pouvait pas les empêcher même d’y penser ? Elle observa la réaction des autres pour s’assurer qu’elle n’avait pas halluciné. Mais elle ne trouva qu’un reflet de sa propre réaction.
La rêveuse ne pouvait plus rêver, le menteur ne pouvait plus mentir, l’analyste ne pouvait plus analyser, le leader ne pouvait plus donner d’ordre et prendre tout en main. Noémie ne sourirait plus.
Randy, Jessica et Nanoki. Peut-être que les autres considéreraient qu’ils sont les plus chanceux car leur capacité est une activité est non pas ce qui les caractérise. Mais pour Nanoki, la karatéka, c’était comme effacer une partie de sa vie.
Est-ce que cela ferait comme sa meilleure amie ? Ou ses souvenirs se détérioreraient encore plus ?
Les deux robots étaient allés loin dans leur mobile. Trop loin.
— La minute est écoulée !
Nanoki crut ne rien ressentir, comme s’il ne s’était rien passé. Mais une larme roula sur sa joue, avant d’être rejoint par une autre, et encore une autre. Elle se mit à trembler, en proie à des sanglots. Elle entendit à peine les pièces de Noémie tomber et rouler par terre.
Elle venait de comprendre ce que Shiro voulait dire par ne plus penser. Impossible de trouver le nom de sa capacité, de se souvenir de ses entraînements. Les membres de son club était flous. Et surtout, le jour où elle avait sauvé sa meilleure amie… Elle entendait les cris et les gémissements de douleur, mais tout était noir jusqu’au moment où elle vint enlacer sa meilleure amie.
Elle sentait qu’elle venait de perdre ses réflexes qui lui avaient permis de sauver une vie. Ce réflexe qui lui avait fait presque tordre le bras de Gaël. Cette force qui avait manqué broyé les os du pied de Randy.
— Que se passera-t-il si on essaie quand même d’utiliser notre capacité ? demanda Noémie.
— Oh ma petite Noémie, c’est bien une question idiote que tu nous poses. TU es aussi perturbée que ça ? TU as bien remarqué que tu n’éprouve aucun intérêt pour tes petits trucs.
Il éclata de rire avant de disparaître, accompagné de Kuro qui leur adressa un sourire triste. Un brouhaha se fit dans le réfectoire. Ils ne réalisaient pas, ils ne voulaient pas réaliser.
— C-calmez vous… s’il vous plait… tenta Aaron.
Personne ne l’écouta. Nanoki ne l’aurait même pas entendu s’il n’était pas en face d’elle. En même temps que sa capacité, il avait également perdu son charisme.
— Gardons notre sang froid, intervint Nanoki qui retrouvait son visage impassible. Ils veulent nous faire paniquer pour qu’on tue quelqu’un. Je sais que c’est dur d’être privé si soudainement d’une chose qui fait partie de notre quotidien. Que ce soit parce que ça nous caractérise, ou parce qu’on adore ça.
Le calme revint peu à peu au fil de ses mots. Tout le monde était pendu à ses lèvres.
— Mais on doit le faire. On doit surmonter ça. Je ne sais pas vous, mais moi je sais que si je retrouve ma capacité parce que j’aurais tué quelqu’un, j’aurais un goût amer en faisant ce qui me faisait me sentir vivante.
— Elle a raison ! approuva Jessica.
— Comment fais-tu pour être aussi calme ? la questionna Aaron.
Il avait parlé d’une si petite voix, qu’elle ressemblait plus à une brise d’été, quand d’habitude il s’agissait d’une claque.
— Je ne suis pas calme. Si je le pouvais, je m’enfermerais dans ma chambre pour pleurer et me laisser mourir de faim, de soif ou de fatigue. Mais je ne peux pas faire la première chose, et le reste serait faire gagner l’instigateur. Est-ce que c’est que vous voulez ? Obéir aux volonté de notre bourreau ?
Nanoki réfléchit à ses mots. Elle avait appris ce sport pour défendre une personne qui lui était chère. Comment se sentirait-elle si elle tuait pour la retrouver ? Pour retrouver les deux ? Aurait-elle ce goût amer comme le disait Noémie ?
— Ils ne peuvent pas nous empêcher d’utiliser notre capacité pour l’éternité, fit SOen. Si on ne tue personne pendant un moment, ils vont finir par nous la rendre, pas vrai ?
C’était la première fois que Soen se montrait aussi vulnérable. Malgré tout, Nanoki ne pouvait s’empêcher de se dire que cela permettrait de voir à quoi ressemble le vrai Soen. Mais son comportement actuel pouvait être lié au choc et ne pas totalement être lui…
C’était ça ! Nanoki se concentrerait totalement sur ça ! Ainsi, elle ne penserait pas trop à sa capacité perdue et ne se laisserait pas tenter par un meurtre. C’était le plan parfait ! Aller, petit, Soen, montre moi ce que tu caches… il faut que tu m’apporte assez si je veux pas penser à… autre chose !
— Tu peux toujours espérer, le gosse, mais y’a peu de chance que ça arrive. Mais te connaissant, je suis sûr que tu aimerais qu’il y ai un meurtre et que le coupable soit exécuté pour pouvoir mentir sans même bouger le petit doigt.
— Non ! Pourquoi je souhaiterais quelque chose d’aussi horrible !
A peine ses mots sortis, il se couvrit la bouche de ses mains, les yeux grands ouverts. Il plongea sa tête dans ses mains.
Un sourire intérieur, Nanoki s’assit à côté de lui et lui asséna un coup de coude. Il se redressa, un sourcil haussé.
— Alors c’est ça que tu nous cachais, hein ? Tu passais ton temps à rire, mais en même t’étais atteint pas tous ces meurtres, pas vrai ? lança-t-elle, un sourire malicieux.
— Evidemment que je…
Il plaqua à nouveau ses mains sur sa bouche.
— Et bah, t’as une phobie de la vérité ou quoi ?
— J’ai pas envie d’en parler, alors s’il te plait, laisse moi tranquille.
Bien décidé à en apprendre plus, elle passa un bras autour de ses épaules.
— Franchement, comme si j’allais laisser passer ma chance d’en savoir plus. A trop mentir, forcément, j’ai envie de savoir qui t’es vraiment. C’est quoi le problème ? T’as peur que je te trouve si faible que je te prenne pour cible ?
— Oui !
Il ouvrit de grands yeux brillants. Il jeta un regard noir envers Nanoki, la poussa, puis s’échappa du réfectoire en courrant.
Quel égoïste ! Il pense même pas au fait que c’était la seule idée que j’avais pour m’occuper l’esprit… Qu’est-ce qu’il y a de si mal à être honnête, sérieux… La prochaine fois que je le vois, je le laisserai pas partir comme ça.
En relevant, la tête, Nanoki constata que seul Randy et Jessica demeurait dans la pièce.
— Ça doit être facile pour toi, Jessica, non ? Tu viens de nous dire que tu n’étais pas sûre d’aimer ce que tu faisais.
— Je ne sais pas comment je me sens par rapport à ça… Même si j’ai remis cette passion en question, je me rends vraiment compte maintenant à quel point j’ai passé toute ma vie à sa. J’ai l’impression de n’avoir jamais réellement vécu. Vous par exemple, même sans votre capacité, vu que vous aussi c’était une activité, il y a des moments où vous n’en faisiez pas ou n’en parliez pas ? Et bien, moi, les seuls souvenirs que j’ai de ces moments là, sont quand j’étais seule dans ma chambre. Et même ces moments étaient rares. J’ai l’impression de ne rien avoir vécu.
Jessica lâcha un profond soupir, puis partit à son tour, sans leur adresser un regard ou un mot en plus.
— Bon, il reste quelques heures avant l’horaire de nuit, on fait quoi ?
— Tu… tu comptes retourner dans ta chambre après ?
Randy haussa les épaules.
— Honnêtement, de tous les mobiles qui ont été donnés, c’est celui qui me rassure le moins… J’ai peur de me faire tuer si je reste dehors, même en étant avec quelqu’un. Tout le monde est en train de devenir fou.
— Moi aussi j’ai peur… Depuis le début, j’étais rassuré vis à vis de moi-même, grâce à mes réflexes, mais là… si quelqu’un m’attaque, je meurs avant même d’être touchée. Je sais que tu vas me trouver folle de te demander ça mais, ça te dérange si on reste ensemble ?
Ils avaient tout les deux compris la différence qu’il y avait entre cette nuit et les autres. C’était donc pourquoi Randy prit le temps de réfléchir. Pourquoi il hésitait.
— Ça va te semblait bizarre, mais même si parfois t’as l’air complètement timbré, je crois que je suis plus rassuré de te savoir avec moi.
Elle ne retint pas son soupir de soulagement. Cela dit, que ce fut elle ou lui, l’un des deux ne se rendait pas compte du danger de rester seuls ensemble. Nanoki le savait, si elle pensait trop, elle allait devenir folle. Plus que jamais, elle sentait qu’elle pouvait le tuer à tout moment.
Elle se fichait de lui faire prendre ce risque, mais elle oubliait que ce risque la concernait aussi.
— Eum… je… je trouve que… que Noémie parle plus ces derniers jours, pas toi ?
Nanoki venait de dire la première chose qui avait traversé son esprit alors qu’ils quittaient le réfectoire, manquant de glisser sur les pièces de Noémie.
— C’est vrai. Et sa façon de parler tout à l’heure, sur le fait qu’elle aurait eu envie de se laisser mourir… Quand elle disait qu’elle était pas calme, je crois que j’étais impressionné. ‘fin, ça a pas du être un avantage pour elle, mais quand même !
— Et toi, d’ailleurs ? T’as pas l’air vraiment atteint.
Un sourire triste se dessina sur son visage.
— Je ne dirais pas que ça me fait rien, mais je me sens plus triste pour moi même que pour ma capacité.
Nanoki pencha la tête sur le côté. Jessica aussi était plus triste par rapport à elle même, mais il y avait une différence entre les deux.
— Je l’ai déjà un peu dit, mais sauf quand j’étais avec mes parents, j’assumais pas du tout ma capacité. Et quand mes parents… ‘fin bref, j’ai fini par carrément détesté ma capacité. Et quand je vois que tout le monde se retrouve avec plein de souvenirs flous… Et t’as moi qui a tellement peu pratiqué ma capacité que j’arrive à peine à savoir quel souvenirs il me manquent. Sans compter le test.
— Et tout ça parce que des cons trouvaient que c’était pas assez virile ?
— Entre autres, oui…
Le silence se fit quelques minutes, troublée seulement par le bruit de la clé de Randy qui tournait dans la serrure. Nanoki entra dans sa chambre et Randy verrouilla derrière lui.
Ils passèrent la nuit à discuter de tout et de rien. De la météo s’il le fallait pour ne pas laisser le silence devenir maître.
Peu avant l’annonce, Nanoki quitta la chambre de Randy pour aller prendre une douc rapide. Elle ne tarda pas à rejoindre le chemin vers le réfectoire d’un pas rapide.
Un cri strident retentit
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