Quand Azura voulait obtenir quelque chose, elle faisait tout pour y parvenir. Loevan s'avoua vaincu. Après tout, il l'avait avertie, et ce n'était sûrement pas à lui de payer les conséquences de ses actes. Elisandre conduisit la jeune femme dans une chambre sobrement décorée. Sur le lit, elle avait disposé des vêtements. Les murs d'un vert pastel dégageaient une atmosphère apaisante, et près de la bibliothèque trônait une collection de poignards encadrée sous verre.

— Pourquoi tous ces poignards ? Demanda Azura.

— C'est mon arme de prédilection. Tu vois celui avec le manche doré ? Il appartenait à mon arrière-grand-père. Et celui avec la lame dentelée, je l'ai volé sur le corps d'un mage noir.

Azura écarquilla les yeux, l'air ébranlé. Elisandre pouffa de rire.

— Je te charrie. Je l'ai trouvé sur un marché. Je n'ai encore tué aucun mage noir et j'espère ne pas avoir à le faire.

— Tu parles comme si c'était inévitable, remarqua Azura.

— Bien sûr. S'il s'en prend aux miens, je ne le laisserai pas sortir vivant. J'ai peut-être quinze ans, mais je sais me défendre.

Azura n'en croyait pas ses oreilles. Une jeune fille si frêle et innocente envisageait, sans une once de peur, de tuer quiconque se mettrait en travers de son chemin.

Secouant ses pensées, elle prit une douche rapide, enfila un pull noir moulant et un jean trop grand qu'elle roula aux chevilles. Elle noua ses cheveux en un chignon négligé.

— Merci pour les vêtements.

— Tout le plaisir est pour moi, répondit Elisandre avant d'ajouter : Tu commences à digérer tout ce qui t'arrive ?

— Tu veux dire le fait que toute mon existence soit remise en question ? J'essaie, seulement...

L'adolescente esquissa un sourire.

- Le temps fera les choses, ne prends pas trop à cœur ce qu'a dit Ewen tout à l'heure. Il s'inquiète seulement pour toi et ton frère.

- Mais ça ne le concerne pas, la décision me revient de droit.

- Certes, je pense que Loe redoute que papa trouve encore un moyen de s'énerver sur lui. Quand tu le rencontreras tu comprendras.

Loevan apparut à l'encadrement de la porte.

— Merci, Elise, je prends la relève.

— On frappe avant d'entrer, s'exclama Azura, sèche.

La blonde gloussa et quitta la pièce.

— La porte était ouverte, rétorqua Loevan.

Azura roula des yeux.

— Je t'emmène à Pembroke.

— Maintenant ?

Loevan tendit sa main. Après une seconde d'hésitation, elle la saisit. Une sensation glaciale la traversa, puis, en un clignement d'œil, elle se retrouva dans sa chambre. Légèrement vaseuse, elle se réjouit d'être de retour.

Elle avança dans le couloir, Loevan sur ses talons. Alors qu'elle s'apprêtait à frapper à la porte de son frère, Loevan l'arrêta brusquement, plaquant une main sur son poignet et une autre sur son épaule.

— Qu'est-ce que... ?

— Chut, répondit-il en scrutant les alentours. Ta mère est ici ?

— Non, elle travaille tôt, pourquoi ?

— Quelqu'un approche.

La porte de la chambre s'ouvrit soudainement. Ewen, en jogging et vieux t-shirt, dévisagea sa sœur avant de remarquer l'inconnu à ses côtés.

— C'est qui, lui ?

— Ewen ! s'exclama Azura, soulagée.

— Taisez-vous ! ordonna Loevan.

Un grincement résonna depuis l'escalier menant au salon.

— Aaron, tu as laissé entrer quelqu'un ? demanda ADemanda

— Non, j'étais réveillé. C'est quoi, ce bordel, et lui, c'est qui ?

— Pas le temps. Restez derrière moi.

Pas à pas, Loevan s'aventura vers la source du bruit. Un fracas retentit. Le Neridien fut projeté contre le mur du couloir. Une créature abominable apparut au pied des marches : une masse noire, tentaculaire, avec un unique œil globuleux et une peau bosselée bleu nuit. D'un bond, Loevan se redressa et poussa les jumeaux dans la chambre. Une tentacule traversa la porte. Des échardes volèrent dans tous les sens.

— C'est quoi, ce truc ? hurla Ewen.

— Tu la vois ? s'étonna Loevan.

— Enfin j'ai l'air de ne rien voir ? Evidement que oui !

— Reculez !

D'un geste vif, le Neridien sortit une dague et trancha la tentacule. Un cri strident secoua l'air, emplissant la pièce d'une vibration insupportable. Azura sentit une énergie brûlante parcourir son corps. Ses cheveux virèrent au bleu. Son pouvoir s'éveilla. Elle tremblait sous l'intensité de la magie qui circulait en elle. Loevan ouvrit la porte d'un coup et planta sa lame dans l'œil de la bête. Au même instant, une orbe lumineuse fila à toute allure, projetant la créature contre le mur. Dans un dernier spasme, elle implosa en une flaque de sang noir qui s'évapora aussitôt sous une poudre mystérieuse que Loevan versa sur le sol.

Il se tourna vers les jumeaux, figés. Azura, encore tremblante, comprit qu'il n'y avait plus de retour en arrière. Son destin était scellé. Elle était et demeurerait une Néridienne.