Chapitre 13
Dylan marchait rapidement dans les immenses couloirs du manoir de la famille Virgile, à la suite de cette Mariette.
Bien que très peu réceptif à ce qui l'entourait en ce moment, il avait conscience d'évoluer dans un univers de nantis, de riches, soit tout ce qu'il avait toujours détesté, méprisé. Pourtant, il venait, d'une certaine manière, de ce monde. Son père était un grand financier. Et un immense salaud.
Néanmoins, il ne pouvait pas la mépriser. Alice...
Il se sentait responsable de la jeune fille. Il avait l'impression que ce qui arrivait était sa faute. C'est lui qui l'avait incendiée, puis qui l'avait poussée à parler. C'est lui qui faisait n'importe quoi avec elle. Et c'est à cause de lu qu'elle avait été invitée à la soirée d'Emi... Si ça n'avait pas été pour lui, son amie n'aurait pas invitée la fragile demoiselle, elle n'aurait pas osé. Il resta dans ses pensées tout le long du trajet, insensible aux regards peinés des gens autour de lui.
Ils arrivèrent finalement au fond d'un grand couloir sombre. Mariette ouvrit une jolie porte caramel sculptée de motifs floraux.
Dylan n'observa pas la chambre en elle-même. Tout ce qu'il vit était, au centre de la grande chambre un lit à baldaquin. Et une machine émettant un bruit sonore à intervalles réguliers, représentant du rythme cardiaque de la jeune fille étendue sur les draps d'un blanc éclatant.
Enfin, sur l'oreiller reposait la tête d'Alice, ses longs cheveux noirs étalés autours d'elle comme une sombre auréole autours de son visage tourmenté.
Dylan s'approcha doucement. La jeune fille avait la pâleur d'un cadavre. Une fine couche de sueur brillait sur son front, lui donnant un air maladif. Ses sourcils fins étaient froncés et donnait à son visage une expression grave et tendue. Elle semblait subir mille souffrances.
Le jeune homme passa une main dans ses cheveux bruns. Sa culpabilité se décuplait devant cette vision, il se sentait mal en présence de cette jeune fille qu'il avait tant fait souffrir. Car personne ne pourrait le convaincre qu'il n'était pas responsable de ce désastre...
Rose, qui s’était extasiée sur l’incroyable décoration ancienne de la bâtisse durant tout le trajet, se tut en entrant dans la chambre d’Alice. L’ambiance y était totalement différente que dans le reste de la maison.
Fini les décors grandioses, fini les couleurs éclatantes. La chambre était blanche, très lumineuse. Elle restait moderne, malgré les tableaux de maîtres, tel Monet, car les murs étaient aussi occupés par les tableaux d'artistes contemporains. L'ensemble était surprenant, mais très joli, le tout restant très clair et, étonnamment, très harmonieux. Il était étrange de voir un tel mix de genres alors que les musées les séparaient toujours mais l'ensemble était rassurant.
Elle ne savait plus que faire, alors elle observa la chambre en silence. Elle ne connaissait pas bien Alice. Alors qu'elle contemplait une œuvre baroque, elle aperçut du coin de l’œil Dylan s’approcher de la jeune fille étendue sur le lit. Il semblait mal. Même elle qui n'était pourtant pas très proche de lui pouvait le voir. Elle suivit son regard et sentit son cœur se serrer quand elle vit ce qui avait perturbé Dylan. Des bandages. Elle s’était auto-mutilée.
Liam aussi avait remarqué le mal-être de Dylan. Le jeune homme avait rarement vu son meilleur ami dans un tel état de culpabilité, aussi ne fut-il pas surpris de le voir quitter la chambre assez rapidement. Il soupira intérieurement. Voilà qui n'allait pas aider son frère de cœur à aller mieux.
En même temps, malgré la luminosité de la pièce, il y régnait une atmosphère lourde et glauque. Aucun bruit ne venait couvrir le son régulier de l’électrocardioscope. On aurait vraiment pu se croire dans une chambre d'hôpital. Il était plus dur de réaliser que la pièce appartenait à l'immense manoir, tant la différence entre les deux était énorme.
Au centre de cette ambiance macabre se trouvait Alice. Son visage était très pâle mais en même temps, il exprimait un sentiment clair pour la première fois depuis leur rencontre, il s’en rendait maintenant compte. Il comprit soudain qu'elle se contrôlait parfaitement, en tout cas en public. Car elle ne laissait rien passer au lycée, on aurait presque pu la penser normale.
Il continua à l'observer. Une réflexion qu'il se fit lui arracha un sourire. Elle ressemblait à un vampire, avec ses cheveux noirs formant une auréole autour de l’ivoire de son visage. Elle était d’une beauté captivante, attirant le regard des jeunes gens comme les papillons sont attiré par les flammes. On aurait dit le personnage principal d’une tragédies grecques. Elle n'était certes pas aussi flamboyante qu'Ashley, mais elle semblait tellement plus... fascinante. C'était cela, qu'il ressentait en la voyant. Il était fasciné par cette fille, par son visage, par sa personnalité.
Kaya, à ses côtés, était mitigée. Elle souhaitait vraiment apporter son soutien à la jeune fille, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour Dylan. Ils ne se parlaient pas beaucoup mais elle sentait qu'il était fragile. Elle parvint finalement à se recentrer sur le moment présent, et sur Alice. Elle associait la jeune fille à la belle au bois dormant, mais brune. Elle trouvait les traits de la jeune fille délicats, comme ceux d’une poupée de porcelaine.
Soudain, Alice se mit à spasmer. Son visage perdit sa maladive douceur et se tordit de douleur. Son expression, entre la paisibilité et la fatigue, se changea en un masque de haine et de colère.
Elle agrippait ses draps, arrachait ses bandages.
À côté du lit, l'électrocardioscope s'affolait.
Alors que tout le monde, dans la pièce, restait figé d'horreur devant le triste spectacle, Mariette prit les choses en main. Elle appela le docteur et raccompagna les invités d’Alice à la porte au pas de course.
-Je suis navrée, jeunes gens, que vous ayez dû assister à ça. Ne vous en faites pas, Mademoiselle va s'en remettre, elle est forte. Si vous le désirez, nous serons ravis de vous accueillir de nouveau dans quelques jours. N'hésitez pas, cela lui fera de bien, conclut-elle en souriant.
Les jeunes échangèrent des regards mal assurés, perturbés par le changement brutal d'atmosphère.
Alice n'était pas bien.
Heureusement que Dylan n'avait pas vu ça.
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