Matin gris, matin lundi… sous la pluie…
Et le boulot qui reprend et les collègues bien chiants !
C'est idiot de tenter sa chance un jour pareil, mais si je l'use bien aujourd'hui, c'te guigne, je serais peut-être vernie demain.
Buraliste :
«Et ce s'ra quoi pour la p'tite dame ?
—…
— Et un loto qui marche ! »

Qu'il est con ce buraliste avec sa bonne humeur en bandoulière, il a pas vu la bouillasse dehors ?
Métro
Boulot
Dodo

Matin brumeux, mardi pas mieux…
Pffff La poisse !
Buraliste :
«Et ce s'ra quoi pour la p'tite dame ?
—…
—Elle a gagné ?
— … elle sait pas.
— Elle veut que je r'garde ? »

Il se met à beugler tellement fort que je fais un bond !
« PUTAIN C'EST L'GROS LOT ! VOUS AVEZ GAGNÉ L'GROS LOT ! GÉGÈNE ! BOUROS ! LA P'TITE DAME, ELLE A GAGNÉ L'GROS LOT ! »

Gégène et Bouros rappliquent avec des airs de filous. Le plus rouge, le nez d'patate me fait de l'œil : « Va payer son coup pour fêter ça, hein ? La p'tite dame…. Elle a gagné combien ? »

Le Buraliste se jette sur le téléphone pendant qu'il répond à Bouros :
« Onze miyons qu'elle a gagn…. Allo ? Les DNA ? C'est l'Bistro « La Corvette », j'ai un TRÈS gros lot... Onze miyons ! Oui... Onze miyons… Heu… Ch'ais pas, j'ai app'lé tout d'suite… -il se tourne vers moi-Elle va rester la p'tite dame ? Pour une intervious ? Ou elle donne son téléphone ?
— Nan mais vous êtes pas bien ? Raccrochez tout de suite ! Vous voulez me flanquer une cible dans le dos ?
—… Ch'rois qu'elle veut pas… Oh ben moi chu là toute la journée, vouaye, d'accord, au revoir ! »

ONZE MILLIONS !!!
Le regard des deux piliers de bar me fait flipper ! Je sors mon téléphone, je fais un selfi avec les deux mecs et j'envoie direct un MMS à Gaby : « J'ai gagné le gros lot, je suis pas trop à mon aise avec ceux-là, s'il te plaît viens ! »

Il n'y a que le ticket qui fait foi, il suffit qu'ils entrevoient cette possibilité et je donne pas cher de ma peau ! C'est pas parce que je suis parano que c'est exclu !
Gaby ne traîne pas, on a bu un coup super ! Salut bonne journée « La Corvette » et à son équipage. Le Gaby est aussi fébrile que moi :
« Il est où le ticket ? T'as l'reçu ?
— Faut aller à la FDJ…
— Maintenant ?
— Oui, c'est lourd un ticket pareil, mon cœur s'essouffle ! Tu diras au boulot qu't'as dû me conduire à l'hosto, ce qui devrait pas tarder…
— C'est où la FDJ
—Mulhouse, rue Poincaré... »

Gaby lève le bras et me sourit : victoire ! Fini les galères et les lundis tout gris et les mardis aussi et vivent les dimanches à vie ma mie !
On tchècke !

C'est pas pour rien qu'on dit qu'à droite c'est la place du mort,… Remarque à gauche non plus, on ne s'en sort pas toujours !
On tchècke et c'est la fin. Gaby n'a pas vu le camion qui sortait de son couloir !
On est là comme deux cons de buralistes, sans joie en bandoulière, à regarder les secouristes qui ne peuvent plus rien secourir.

J'imaginais pas tous mes dimanches à venir dans une autre dimension…
Le jeune pompier, qui appuie sur ma cage thoracique comme une puce en vacances, vient de repérer que ma main est crispée sur un bout de papier qui dépasse… Il le dégage tranquillement. Son collègue lui tournait le dos pour dire aux autres, autour de Gaby « C'est mort ! là aussi ! On peut plus rien faire ! »
Mon pompier lorgne le reçu et le met rapidement dans sa poche… On ne sait jamais !
Pfff c't'e Veinard…….

Gaby lève les yeux au ciel, c'est là qu'on va, son image s'estompe à côté de moi, je m'efface à mon tour :
« Hé ! Attends-moi ! si c'est une semaine de merde, j'aime autant la passer avec toi ! »