24 décembre

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À l’issue de la cérémonie à la mairie, la puce aurait dû te gratter plus vigoureusement l’oreille. Certes ton mari ne s’appelle pas Nicolas, mais son père – sans être bûcheron – si, et ta belle-mère et sa dinde aux marrons sont plus connues dans toute la région que La Mère Poule et sa baveuse omelette sur le pont et le Mont. D’ailleurs, au moment où tu as signé à l’encre verte près de la bordure rouge sur la page blanche : « Noël », les grelots du jeune marié auraient dû tinter encore plus fort à ton esprit que ceux des sept mercerennes réunis.

Rien d’étonnant donc à ce que ta maison en bord de mer se transforme tous les ans en chalet plein à craquer de décorations et autres merdes babioles de Noël. Pour ne pas perdre la vue, tu portes des lunettes de soleil. Pour conserver l’ouïe, des boules Quies. De loin, dans ta robe jaune striée de noir, tu ressembles à une abeille dopée aux biscuits bétonnés façon pain d’épice et bûches pur beurre aux mille lourdeurs.

Cette année, Rudolph, ton mari, est le plus chanceux des hommes : mieux que le ticket gagnant du loto, son père souffre d’un lumbago. Depuis le temps que ton chéri attend ce moment ! Pas celui où son paternel se coince les vertèbres, mais celui où il va distribuer cadeaux et gentils mots, déguisé en bonhomme ventribarbant. Concentré sur sa mission, il t’en a confié une autre. Pour la première fois – et dernière, espères-tu –, tu es devenue « Gardienne EXCLUSIVE du calendrier de l’Avent ». La tuile !

Aujourd’hui, c’est le 24 décembre. Il ne reste plus qu’une case à ouvrir – ce n’est pas trop tôt ; oh ! oh ! oh ! – et ta corvée prendra fin. Enfin ! Comme chaque matin, ta famille au grand complet est au garde-à-vous près du sapin. Sans enthousiasme, tu slalomes entre les montagnes de figurines, guirlandes et boules de Noël jusque dans la cuisine. Le calendrier n’y est pas ! Les boules, maintenant, c’est toi qui les as. Malgré l’interdiction formelle d’y toucher, ton petit dernier l’a probablement chapardé avant de le pulvériser. Saleté de mioche ! Ah ! les gosses... Ton mari risque de syncoper. Tu demandes à Cupidon de te rejoindre. Inutile qu’il prenne la peine de décocher le moindre faux son de cloche : son attitude d’Hannibal le décortiqueur parle à sa place. Coupable ! Le vandale aux dents de lait est coupable, messieurs-dames, les jurés ! Pour l’heure c’est toi qui risques de passer un sale quart d’heure. Tu entends déjà les reproches tomber. Tu dis à ta terreur de retourner au salon. Faute d’un couperet correctement aiguisé, sa punition est ajournée. Pour l’instant, il y a plus urgent. Réfléchir. Réfléchir vite et bien. Surtout vite. Très vite même. Qu’inventer pour échapper au procès ? Au loin, les grelots s’agitent. Soudain, ton étoile s’illumine. Hier, tes beaux-parents accompagnés de leur chien de traîneau ont déposé costume et hotte. C’est fou comme ce cabot a le don de t’énerver et de dévaster ton intérieur. Depuis le début, tu as horreur de cet animal de malheur qui brusquement fait ton... bonheur !

Pour ne pas être démasquée, tu baisses la tête et déclares faussement consternée à l’assemblée impatiente de découvrir la dernière surprise :

— Mes chéris, j’ai une terrible nouvelle à vous annoncer : Tornade a réduit notre calendrier en miettes. Ce n'est pas sa faute. Les chiots ont besoin de se défouler. Je suis persuadée que l’an prochain il ne recommencera pas, ajoutes-tu en fixant le véritable responsable du méfait qui est le seul d’ailleurs à sourire tel un inquiétant lutin articulé.

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