Pugilat au palais Bourbon

4 minutes de lecture

— Tu as suivi l’actualité parlementaire récente ?

— Pas vraiment, quoi de neuf ? Une nouvelle histoire en dessous de la censure ?

— Oh non, mieux. Mille fois mieux. Ils ont déposé un projet de loi pour faire interdire la vente, la diffusion et la lecture des contes des frères Grimm.

— Tu te fous de ma poire ?

— Non, sérieux… Le projet de loi a été déposé par une député EELV, mais toute la Neuneupes le soutient à fond.

— Et pour quelle raison ?

— À cause des loups, enfin, du loup, celui avec les sept chevreaux.

— Attends, avant que tu m’expliques, j’ai besoin d’un verre de chouchenn, pour mes nerfs. T’en prends un aussi ?

— Oui, je ne laisse jamais un ami seul dans l’anxiété.

— Hmm, aaaah, que du bonheur ! Allez, je suis prêt, raconte-moi.

— He bien, parce que le conte du loup et des sept chevreaux est raciste et risque de traumatiser les enfants.

— Mon père nous lisait les contes de Grimm, le soir, et je n’en ai jamais fait de cauchemars, bien au contraire, on était tout heureux quand Gretel poussait la sorcière dans le f…

— Tais-toi, malheureux !

— Mais, je…

— Laisse-moi parler. Justement, Hänsel et Gretel ont été évoqués aussi au parlement. Donc, je disais, le loup… Alors, voilà comment le conte a été présenté par la députée EELV…

— Qui ?

— Je te laisse deviner. La folledingue. Alors, elle a dit : « Imaginez un seul instant les conséquences de cette histoire racontée dans une classe d’école de la France racisée. Combien d’élèves vont se sentir humilier par ce conte, eux qui ne pourront JAMAIS montrer patte blanche ? Cette histoire est l’idéologie suprémaciste européenne à l’état pur ! C’est abject. Et que comprendrons ces élèves, nos compatriotes ou futur compatriotes ? Qu’ils sont comme le loup noir ou gris de fourrure, qu’ils seront obligés de traverstir leur véritable identité pour contourner la discrimination ignoble qui l’empêche de rentrer dans la maison. » Alors, t’en dis quoi ?

— Chouchenn. Je ne vois pas d’autre réponse possible. Chouchenn et re-chouchenn.

— Et ce n’est pas fini, écoute : « Ce malheureux loup racisé et apartheidisé, une espèce protégée, je vous le rappelle, est trucidé d’une manière horrible, le ventre ouvert et recousu à vif, sans anesthésie. Cette cruauté envers les animaux , racontée à des enfants, est abjecte. Est-ce un exemple pour notre jeunesse que nous voulons éduquer loin de toute forme de violence ? C’est à cause des frères Grimm que nous avons tant de difficultés pour déconstruire les jeunes et surtout les empêcher de se construire».

— Je crois que je vais pleurer. Bienvenue à la nouvelle génération des Perceval qui ne deviendront jamais des chevaliers. De toute façon, rêver de devenir un chevalier au lieu de rester un chougnard attardé est devenu un crime de nos jours. Bon, chouchenn.

— Attends, ce n’est pas fini. Elle a ajouté : « C’est le même loup que nous retrouvons avec le petit chaperon rouge. D’un côté la fillette de bonne famille, blanche, avec son panier, symbole de la richesse, sûrement acquise grace à l’exploitation du tiers-monde, et de l’autre, toujours le pauvre loup qui essaie de survivre dans sa marginalisation sociale et sa misère sexuelle. Ce loup, chers collègues, est une victime. Toujours les mêmes qui meurent injustement sous les coups du chasseur ou du policier raciste ! Wolf Life matters !».

— Et personne n’a réagi dans l’assemblée ?

— Si. Un député de droite a fait remarquer qu’il pouvait comprendre qu’une personne sensible et vivant sur la planete Ouin-Ouin avec Peter Pan et le petit lapin comme la députée EELV, soit choquée des mésaventures fictionnelles du loup. Mais que le dit loup ait dévoré six des sept chevreaux ne contrarie semble-t-il personne chez les neuneus. Et il a demané si la vie des petits chevreaux blancs n’avait pas d’importance. Et si White Life doesn’t matter. Et là, la verte est devenue aussi rouge qu’une Lpéiste en rut et s’est mise à hurler, et tous les députés de la Neuneupes ont repris en coeur : « Naziiii ! Naziiii ! ». Une véritable émeute dans l’assemblée, ça a fini en bagarre générale. On a encore entendu hurlerque c’est parce que des générations d’enfants ont pris plaisir à l’histoire de la sorcière brûlée dans le four par Hänsel et Gretel que les crématoires ont été inventés.

— Landru devait être aussi un traumatisé alors ? Et la loi maintenant ?

— Je ne sais pas, mais il y a eu une réaction côté allemand. Un ministre tudesque a averti que si les Francais interdisaient les frères Grimm, l’Allemagne interdirait Le petit prince.

— Et qu’est-ce qu’il a fait le petit prince ? Il est blond ? Comme ils sont toujours et encore traumatisés… Ou alors, on dirait Trump en plus jeune ? Zoophilie avec le renard ? Ils ont aussi une Neuneupes là-bas ?

— Les épidémies de conneries, comme les nuages radioactifs, ne s’arrêtent jamais aux frontières…

— Tu reprends un verre de chouchenn ? Tant qu’on peut encore en boire. Ce sera bientôt interdit pour exploitation esclavagistes des abeilles. Nous n’en sommes plus très loin.Ils osent déjà comparer les fermes à des camps de concentration, ce sera bientôt le tour des ruches.

— Et que feras-tu s’ils interdisent le chouchenn ?

— Je prendrai la dernière bouteille et mon fusil, et j’irai à la chasse. Pas celle des lapins.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Charles Linares ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0