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Caylus / Joachim

Il gara sa voiture devant le bâtiment principal et en sortit, pour découvrir, à l’écart, un chalet de rondins, incongru dans cette région où les habitations en pierre sèche se fondent dans le relief naturel.

— Vous devez être monsieur Lécuyer… fit une voix tremblotante derrière lui. Il se tourna vers une petite bonne femme qui s’essuyait les mains sur un torchon avant de lever le regard sur lui. ‘’Vous avez trouvé faci…le…ment ?’’ articula-t-elle, apparemment un peu déstabilisée.

— Oui, merci, madame Mayragues. Mais vous pouvez m’appeler Joachim, monsieur Lécuyer, c’est mon père.

— Joachim… vraiment… murmura-t-elle, en le dévisageant. Vous… avez de la famille par ici ?

— Pas du tout, et je n’ai même jamais mis un pied dans le Tarn. Ceci dit, c’est étrange, arrivé au village, j’ai eu l’impression que certains détails étaient curieusement familiers, j’aurais presque pu me passer des instructions du GPS pour rejoindre votre maison.

— Bizarre, à moins que… Bah, non, je suis une vieille femme qui radote. Venez, je vous fais visiter le gîte.

— Merci, le temps de prendre mon sac, et les quelques provisions que j’ai emportées, ne sachant pas si je trouverais un magasin au village.

— Il y a un petit Intermarché à Saint-Projet, à cinq kilomètres. Mais voudrez-vous partager mon diner, ce soir ? J’ai une casserole de cassoulet qui mijote, vous m’épargneriez de devoir en manger pendant trois jours.

— Si j’avais su… J’y ai déjeuné il y a une heure. J’y retournerai cet après-midi. Et oui, avec plaisir, merci pour l’invitation, madame Mayragues.

— Appelez-moi Clémence, mon garçon.

Guillaume

Pourquoi Maman me ment-elle ? se demanda Guillaume, après qu’il avait surpris sa fin de la conversation à voix basse avec le facteur, et la mention du prénom de Joachim, ce qu’elle avait farouchement nié.

Joachim

— Entrez… Joachim, donc… La réservation était pour deux personnes, mais vous êtes seul.

— Oui, je… viens de me séparer, hésita-t-il, avant d’ajouter d’un filet de voix ‘’de mon compagnon, j’espère que je ne vous choque pas’’.

— Et pourquoi donc, j’ai connu deux jeunes hommes qui… C’était il y a longtemps, soupira-t-elle. ‘’Oh ! Vous avez pris du vin, il ne fallait pas, voyons.’’

— Je n’y connais pas grand-chose, c’est un Côtes de Gascogne, l’étiquette m’a inspiré, ainsi que le nom du domaine : Mas Guilhelm…

— Guil…, s'étrangla Clémence. ‘’Pourquoi ce vin en particulier ?’’

— Je ne sais pas, c’est juste que… Vous allez trouver ça idiot, mais la nuit dernière, j’ai fait un rêve étrange, il y avait un petit château aux tours crénelées, et un garçon blond qu’étrangement je savais s’appeler Guillaume, sauf que je ne le connais pas.

— Guilhem est la version occitane de ce prénom. Se pourrait-il que…

— Dites-moi, osa Joachim.

— Il est encore tôt, le cassoulet attendra, à défaut de vous dire, je voudrais vous montrer…

Guillaume

Cher journal, traça Guillaume sur le papier, ‘’je vais te refermer définitivement. Qu’aurais-je encore à te raconter ?’’.

Il regarda, par la fenêtre, le chêne rouvre du parc, derrière lequel ils avaient échangé leur premier baiser, maladroit mais si sincère, puis écrivit quelques vers de son poème préféré.

Cher arbre, je t’ai vu par le vent bousculé,

Et si toi, tu m’as vu quand j’étais allongé,

Tu m’as vu pris et par le plaisir balayé,

À mon amour éperdument abandonné. (*)

Il referma le carnet et l’inséra sous la languette mobile du parquet de sa chambre, puis porta son regard sur l’arbre centenaire.

(*) R. Frost – Tree at my Window

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