“Je vous hais. Si vous saviez à quel point.”

Tu es furieuse. Et pour une fois, je le conçois. Mais tout va déraper.

“Je comprends ton... ta colère Sonia mais…”

Tu te renfermes sur ton portable. Comme si nous n’existions pas.

“Tu finiras par avaler la pilule, t’en fais pas. On se verra toujours comme avant. On fera des activités et…”

Je vois que tu ne m’écoutes plus. Tu tapes sur ce foutu clavier de téléphone que j’aimerais éclater contre le mur. Ta mère sent que je vais exploser et prend le relai.

“On discute encore pour savoir qui aura la garde en semaine et qui aura le week-end. Ne t’en fais pas.”

Tu nous regardes, du bout de table que nous avons aménagé exprès pour l’annonce fatidique. Tu me fixes.

“Tu saignes du nez.” J’ai dû ne pas t’entendre car je ne fais rien.

“Vous ne vous rendez même pas compte du mal que vous me faites, c’est peut-être ça le pire.”

Trop c’est trop, je me regarde dérailler. Je me lève d’un seul coup et te saisis par le col, sur le côté gauche. Je te hurle dessus.

“Le jour où on se souciera plus de toi c’est que tu seras six pieds sous terre t’as compris ça ?”

Ta mère nous sépare. Les larmes coulent sur tes joues. Je regrette déjà ce que j’ai fait et dit. Sur le mur, ma peinture de poisson au coeur de l’océan qui m’a inspiré l’origami du même animal un peu plus tard. Le cadre est penché. Comme si je venais de casser quelque chose.

“La colère est un sentiment fort. Il domine sur tout. Nos études l’ont démontré. Il est donc normal que ces souvenirs vous parviennent les premiers. D’où l’importance monsieur, de restituer sur papier ces instants, de les dater et de les classer. De tête, cela nous est impossible, car le cerveau sélectionne l’intensité et non les images de ces souvenirs. Il est donc capital de suivre la procédure, monsieur.”

Comme si nous venions de casser quelque chose.