Après les accords de 83 entre l’ONU et Sol6, le démantèlement de Tachyon a laissé pas mal de monde sur la paille. Thimba, lui, a eu la chance de pouvoir rejoindre les pompiers de Kampala grâce au programme de reclassement de la corporation. Sa collègue Johari, à l’arrière de l’ambulance prépare le matériel tandis qu’il roule, les sirènes hurlantes, vers le lieu du drame.

Garant son véhicule près du bus, il fait signe aux policiers sur place. Leurs mines sinistres augurent de mauvaises nouvelles. Rejoignant sa collègue, il l’aide à déployer le brancard robotique et tous deux se mettent en marche vers le véhicule immobilisé. Il a été vidé et seul un policier et le conducteur sont présents, le premier continuant d’effectuer les gestes de premier secours sur une vieille femme inconsciente. À leur arrivée, les deux hommes leur font place et Johari pose son sac à côté et sort le matériel.

Pendant plus d’une demi-heure, ils répètent les mêmes gestes pour ramener la grand-mère à la vie. En vain. Thimba déteste ce genre de situation : il s’était engagé pour sauver des vies mais trop souvent, il ne peut que se rendre compte de son impuissance contre la mort. Sa collègue plus jeune mais curieusement plus endurcie pose une main sur son épaule et lui dit : « Thimba, c’est trop tard. ». L’homme lève le visage vers elle, empreint de colère et de tristesse avant de se résigner.

Ils soulèvent le corps de la femme et la déposent sur le brancard avec autant de soins que si elle était encore vivante. La différence ? Ils déposent par-dessus un grand voile blanc. Le robot se lève et les suit jusque dans l’ambulance, chaque pas étant entièrement amorti par le complexe mécanisme de ses pattes. Une fois la femme sécurisée, Thimba remonte dans le véhicule d’urgence, à la place du conducteur, sous le regard des badauds qui ont bien compris la situation.

Un des agents de police vient vers lui avec un air désolé et lui explique : « Elle s’appelle Gloria Noterger, elle est de Sol6, vous devriez l’apporter à leur hôpital.

– Merci monsieur le policier, nous allons y aller. », lui répond l’ambulancier.

Le policier lui fait un signe en repartant. Johari lui donne le signal et il démarre : direction, donc, l’hôpital central de Sol6. Les sirènes ne sont malheureusement plus nécessaires et le trajet vers le quartier de Sol6 prend bien plus de temps qu’il ne l’aurait souhaité.

Noterger, ce nom lui dit quelque chose. Il demande à sa collègue : « Gloria Noterger, Johari, ça ne te dit pas quelque chose ?

– Si. C’est pas la femme qui avait été enlevé, un peu avant la guerre et que Tachyon avait ramené en exterminant tout le gang des fils de Nono ? suggère-t-elle.

– Oh merde… réalise-t-il se souvenant du temps où il travaillait pour Tachyon. Elle avait une fille je crois, adoptée. Elle avait aidé à la sauver, non ? Elle va être tellement triste.

– C’est comme ça. C’est la vie Thimba et elle a vécu longtemps. Un jour tout le monde s’en va. Faut t’y faire. », lui explique-t-elle. Elle a raison, Johari a raison : il s’en fait pour le malheur des autres… au risque d’en faire son propre malheur.

Arrivés à l’hôpital, ils transportent l’infortunée vers la morgue. Le chef de service lui-même examine la femme et signe le bordereau de l’ambulancier. Il leur fait un hochement de tête et leur souhaite : « Bonne journée à vous… En dépit de tout ça, bien sûr. Au revoir. »

Sortant du service mortuaire, ils se dirigent vers la sortie et croisent une jeune fille d’une quinzaine d’années accompagnée d’un homme d’une soixantaine. Thimba la reconnaît immédiatement, c’est cette fameuse Alice Noterger. Elle porte l’uniforme de Sol6 et ses yeux sont gonflés d’inquiétude. Johari le tire par la manche : ce n’est plus leur affaire et ils ne pourront rien faire de plus.

Elle a encore raison, d’autres ont besoin d’eux, d’autres qu’ils pourront sauver.