19 – Tsadir : Expédition
La magnifique Elysium est une des citées centrales de Mars. Capitale diplomatique de Mars, c’est ici que se joue tout le théâtre de la cour des colonies. C’est aussi ici que l’architecture y est la plus diversifiée. En plus de la cité en elle-même, chaque corporation y possède un dôme entier servant d’ambassade. On y trouve même un dôme encore vide qui attend que l’ONU accepte l’invitation.
Ainsi, Elysium est devenu de fait, la capitale diplomatique du système solaire. Et, de l’avis de Tsadir, la plus belle cité de tout le système.
Trend est reparti pour ses propres affaires, mais il lui a laissé quelques conseils et un petit carnet d’adresse. Le premier conseil est d’ailleurs à l’image du cybernétique : « Tu verras, même si les corporations sont supposées nous soutenir en nous laissant emprunter tout ce dont on a besoin pour nos missions, la plupart des petits chefs des colonies essaieront de te faire perdre du temps. N’oublie pas que ta mission est bien plus importante que leurs petites luttes de pouvoir. Si l’un d’eux te bloque, appelle l’une de ces personnes : elles sont déjà au sommet et craignent les mêmes choses que toi. ».
Le carnet d’adresse, lui, contient les adresses SolNet de pratiquement tous les leaders des corporations et de leurs associés. Il y a aussi les responsables de différentes branches importantes de plusieurs corporations. Curieusement, peu de choses sur Aesir, mais elle connaît déjà pas mal de monde là-bas.
Initialement, Tsadir voulait prévenir Sol6 de sa venue, mais Trend n’était pas de cet avis et son second conseil suivit : « L’effet de surprise est un bien meilleur allié dans une enquête que la courtoisie. Ne frappe pas avant d’entrer. Entre et si on te pose des questions, montre ton badge. Ceux qui veulent te cacher des choses tenteront toujours de gagner du temps. »
Malgré tout, la cyber-samouraï préférait prévenir quelques personnes dans les colonies pour assurer ses arrières, notamment en cas d’incident diplomatique. Curieusement, Trend ne l’avait pas contredite là-dessus, mais son air amusé laissait quand même entendre qu’elle n’obtiendrait probablement rien d’utile.
Et il avait raison : ressortant du quartier des ambassades, Tsadir en revient avec l’impression d’avoir perdu son temps. Aussi bien chez Mars que chez Aesir, on l’avait reçue avec une grande courtoisie et fait mine d’accepter tout ce qu’elle disait. Mais ces diplomates sont des artistes de l’évasion rhétorique et si on lui avait donné l’assurance qu’ils couvriraient ses arrières en cas d’incident, Tsadir en ressort peu convaincue.
Dans la rame du métro, la Solar Wardner considère ses besoins en termes de transport : pour rallier Mercure, inutile d’espérer prendre un vol régulier depuis Mars : son enregistrement prendrait beaucoup de temps et Sol6 trouverait alors le moyen de retarder encore plus sa venue. « Ne frappe pas avant d’entrer. » Les corporations possèdent tellement de moyens qu’elles doivent bien avoir des vaisseaux sans affectation. Bien sûr, pas question de le demander gentiment : sur ce point, des promesses ne serviront à rien. Direction le contrôle spatial.
Flottant sur son rail d’électroaimants en supraconducteur, la rame file à une vitesse prodigieuse au ras de la surface poussiéreuse de Mars. Les rochers épars rendent le terrain plus chaotique qu’il ne l’est vraiment et tandis que les dômes de la cité se réduisent lentement vers l’horizon, ceux du spatioport s’approchent. Plusieurs vaisseaux en approche sont visibles comme des petits points de lumière dans le ciel. En dehors de ces apparitions, le monde semble mort d’ici.
La rame passe sous le sol, dans un tunnel éclairé par des LED formant deux lignes de lumière de chaque côté de la rame. La décélération se montre douce et l’engin se stabilise à son point d’amarrage pour permettre la sortie. Traversant la gare souterraine, Tsadir gagne la jonction avec les dômes administratifs et opérationnels. Une unité robotique de la sécurité l’arrête : « Désolé Madame mais l’accès à cette section n’est autorisé qu’au personnel du spatioport.
– Solar Wardner Tsadir, laissez-moi passer. », indique la femme d’une voix autoritaire tout en initiant l’authentification de son certificat. Immédiatement, l’unité fait un pas en arrière et lui fait signe qu’elle peut progresser. D’un ton cordial, elle lui souhaite : « Bonne journée Solar Wardner Tsadir. ».
Suivant l’ouverture bétonnée, la samouraï se dirige vers le mini-dôme du contrôle spatial. Laissant son autorisation bien visible sur le canal de réalité augmentée publique, les autres unités de la sécurité la laissent passer.
Le dôme du contrôle spatial paraît presque vide : une végétation soignée entoure une tour de contrôle haute de plusieurs centaines de mètres. Évidemment, il n’est pas question d’emprunter les escaliers. Un des ascenseurs est déjà au pied de la structure colossale. Un homme et une femme, portant l’uniforme vert de Mars en sortent et croisent Tsadir sans s’arrêter. Ils discutent visiblement de ce qu’ils vont faire du reste de leur journée.
S’installant dans la cabine, Tsadir ordonne la montée sur l’interface virtuelle. La porte se referme et l’ascenseur s’élève avec une accélération significative. La porte de la cabine et le tube, dans lequel elle circule, sont faits du même matériau que les dômes. À mesure que Tsadir s’élève, la vue s’étend sur le spatioport, dévoilant les nombreuses pistes de décollage et d’atterrissage.
Arrivée en haut, elle débarque dans une grande salle circulaire. Le plafond forme un véritable dôme et tout un chemin d’observation fait le tour de la salle, un peu en contrebas du plateau principal. Une vingtaine de postes de travail, dont la moitié sont occupés, encerclent la plateforme supérieure. Sous leurs pieds, plusieurs unités de calculs sont visibles à travers le sol vitré.
Une femme s’avance vers Tsadir : « Bonjour, qui êtes-vous et que faites-vous là ?
– Je suis la Solar Wardner Tsadir, lui-répond-elle formellement. J’ai besoin d’informations sur des vaisseaux.
– Vous pouviez faire votre demande à l’administration spatiale, conteste la contrôleuse.
– Il me faut ces informations maintenant, insiste Tsadir.
– Et quelles sont ces informations ? demande la femme.
– Un accès à la liste des corvettes et frégates actuellement amarrées, en orbite martienne, indique la samouraï.
– Toute la liste ? s’étonne la femme.
– Oui, confirme-t-elle sans complexe.
– Il faut que je voie avec mon responsable, hésite la femme, je ne peux pas vous donner cet accès comme ça.
– Si, s’impose la wardner. Vous le pouvez. Et d’après le traité des colonies, vous le devez même.
– Je vais avoir des ennuis, s’inquiète-t-elle.
– Si vous avez des ennuis, contactez-moi, et ceux qui vous voudront des ennuis en auront aussi, menace Tsadir.
– D’accord. Venez. », se résigne la contrôleuse. Elle dirige Tsadir vers l’un des terminaux inoccupés et utilise son propre accès pour de déverrouiller. La Solar Wardner s’assied sur le siège et commence à effectuer des requêtes sous le regard tremblant de la femme.
Tsadir commence par filtrer tous les vaisseaux trop importants pour être employé, ceux qui ne peuvent pas effectuer de vol interplanétaire et ceux qui ne peuvent pas endurer la proximité avec le soleil. La liste ainsi réduite, la wardner recherche les vaisseaux sans affectation. La liste propose une trentaine d’appareil que Tsadir trie par leur durée d’inactivité. Écartant près d’une dizaine d’appareils fantômes supposés être bloqués là-haut depuis plusieurs années, Tsadir s’intéresse à une corvette de Suan.
À quai depuis maintenant quatre mois, son cycle de mise à jour s’est terminé il y a deux jours. Aucune date de départ n’est indiquée et l’appareil est classé comme réservé depuis son arrivée.
Tsadir note le contact du capitaine et passe à l’appareil suivant.
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