Si ses dramatiques découvertes ont pu lui mettre un coup au moral, le réveil d’Alice et le message de Mars apporte un peu de réconfort.

À peine les schématiques de l’équipe de recherche martienne reçues et chargées dans le système, Akasha a démarré la synthèse du sérum. Si les antiviraux génériques utilisés jusque-là avaient permis de ralentir considérablement la progression du virus, ce sérum va simplement anéantir la charge virale à un seuil suffisamment bas pour permettre au système immunitaire de la terrienne de reprendre le dessus.

Une interrogation se pose toutefois : si l’équipe a confirmé que le virus est de facture artificielle, les marques de fabrication écartent toute possibilité qu’il ait pu être fabriqué par les terriens, même par une équipe onusienne dissidente. Cette arme biologique provient des colonies et semble similaire à certaines utilisées lors de la guerre des colonies.

La souche actuelle est dérivée d’une autre utilisée notamment pendant les escarmouches de la troisième année. Aussi, son enveloppe virale est déjà incluse dans le vaccin universel ce qui implique que cette arme ne peut pas affecter les colons. Tsadir et Feyn y sont donc immunisés. Par ailleurs, d’après le rapport des virologues, la transmission du virus est difficile : seul une contamination directe par le sang ou intestinale peut fonctionner. Le virus ne supporte pas l’oxygène de l’air.

Assis près de la patiente, amusée par son visage de raton laveur, Feyn fait part de ses réflexions : « Une attaque ciblée donc. Et probablement menée par les colonies. Je pense qu’un interrogatoire va être nécessaire.

– Oh que oui », confirme Tsadir en jetant un regard noir à l’homme. La Solar Wardner masque bien ses émotions, mais Feyn sait que sans l’aide de l’IA de supervision, la samouraï aurait déjà transformé l’immondice en purée. À main nue.

Il reprend : « Akasha, prépare-nous une cabine pour pouvoir l’interroger au calme et sans distraction.

– Bien commandant, je prépare la cabine cinq, confirme l’IA.

– Mais avant, occupons-nous de notre amie, voyons ce que vaut ce sérum. », indique Feyn en s’emparant du pistolet injecteur tendu par l’un des bras robotiques de l’infirmerie. Il s’approche d’Alice et, d’une voix apaisante, il lui demande : « Tu es prête ?

– Oui. », indique la jeune femme, tentant de remonter sa manche.

Elle tremble bien trop. Le virus attaque ses muscles et à ce rythme même le cœur y passera. Heureusement, l’infirmerie de l’Akasha possède la technologie des colonies et pourrait, si besoin, installer une dérivation artérielle avant la défaillance de l’organe. Pourvu que ce ne soit pas nécessaire.

Feyn, avec le plus bienveillance possible, l’aide à remonter cette manche récalcitrante et, apposant l’injecteur su sa peau, il lui administre le sérum. Alice a un léger mouvement de retrait provoqué par le picotement du produit traversant la peau et la barrière de la veine. Relâchant son bras qui dérive légèrement dans les airs, il remet la manche en place et rend le pistolet injecteur au bras robotique d’Akasha.

L’IA annonce alors : « La salle d’interrogatoire est prête commandant.

– Très bien Akasha, confirme Feyn. Tsadir, à ton signal.

– Ok, acquiesce-t-elle. Je vais l’installer, le réveiller et on va discuter monsieur Donnart et moi.

– Si ça ne te dérange pas, je préférerais rester avec Alice : elle doit mourir de faim et elle souhaitera sans doute un peu de compagnie, requiert le raton laveur.

– Ne t’en fais pas, je t’envoie l’image et le son. », explique-t-elle, sous-entendant qu’elle ne le laissera pas s’en tirer à bon compte.

La Solar Wardner se protège derrière un masque de détachement. Mais ce n’est qu’une façade et Feyn se demande si « l’image et le son » ne sont pas un moyen de s’assurer qu’elle n’ira pas trop loin.

Quoi qu’il en soit, un crime n’en effacera jamais un autre et l’astronaute préfère préserver ce qui subsiste que de chercher la vengeance à tout prix. Et c’est Alice qui aura besoin de lui.