« Contrôle, ici l’Akasha. Nous avons terminé la sécurisation du Mona Lisa. Je vous envoie le rapport. Les nouvelles ne sont pas bonnes du tout, nous n’avons que deux survivants dont le responsable présumé de l’incident.

– Ici Contrôle, Akasha pouvez-vous répéter ? redemande l’opérateur.

– Contrôle, nous avons terminé la sécurisation du Mona Lisa, réitère le commandant. Avez-vous reçu le rapport ?

– Nous confirmons la réception du rapport, Akasha, approuve le contrôle spatial.

– Où pouvons-nous apporter le Mona Lisa ? demande Feyn.

– Attendez, je vous cherche un port compatible… sursoit l’opérateur.

– Nous attendons. », termine Feyn.

Sur la passerelle, le commandant songe à la suite : une fois le Mona Lisa remis à Sol6 et les deux survivants entre leurs mains, il faudra reprendre la mission de Tsadir. À en croire ce Mahertis, Aesir a déjà placé le prochain jalon sur leur route. Ça ne plaît pas vraiment à Feyn : Aesir reste la corporation qui s’est donnée comme objectif de « résoudre le problème terrien ». Sol6 et l’ONU représentent les intérêts terriens dans l’espace et la présence de la corporation ne fait que soulever des questions sur son attitude ambiguë.

Dans les colonies tout le monde sait que deux factions s’opposent au sein d’Aesir : les Absolutionistes qui privilégient la voie définitive pour résoudre le « problème » ; et les Réformateurs qui ont une vision terriblement interventionniste et dont la solution pourrait se résumer par faire faire une évolution forcée à l’espèce humaine. Même si la seconde école est bien mieux vue dans les autres corporations, l’autodétermination des peuples reste un concept mis de côté dans cette vision.

« Akasha, ici Contrôle, pouvez-vous approcher le Mona Lisa d’Otessa Orbitals ? Nous vous avons envoyé les coordonnées orbitales. »

Feyn observe la carte orbitale et sélectionne l’orbite donnée. Un rendez-vous orbital ne sera pas compliqué et de toutes façons, c’est là que Tsadir a rendez-vous.

Le commandant transmet la confirmation : « Ici Akasha, nous pouvons effectuer la manœuvre. Une fois le Mona Lisa pris en charge, pourrons-nous nous amarrer ?

– Désolé Akasha, mais nous n’avons pas reçu d’autorisation d’amarrage.

– Contrôle, le transfert d’orbite avec le Mona Lisa va coûter une grande part de notre masse de propulsion, explique Feyn avec fermeté. Nous sortons déjà d’un vol interplanétaire, si nous ne pouvons pas nous ravitailler après, il est hors de question d’effectuer cette manœuvre.

– Heu… Akasha, je… Veuillez-patienter, nous voyons avec nos supérieurs. », indique l’opérateur visiblement déstabilisé. Feyn n’aime pas trop s’en prendre aux opérateurs, mais c’est, de son expérience, la seule façon d’atteindre les réels décisionnaires.

Tsadir, guidant Alice, entre sur la passerelle et demande : « Comment ça se passe ?

– La routine, ils veulent le Mona Lisa mais pas nous, plaisante Feyn. Je leur ai précisé quelques détails sur la situation et ils vont y réfléchir. Oh, Alice. Ça me fait plaisir de te voir un peu plus en forme !

– Merci, Feyn, se réjouit-elle. Je pensais rester dans ce sale état pendant des semaines.

– Technologie des colonies, s’amuse Feyn. Vous n’avez pas ça sur Terre… Pas de nanorobots auto-répliquants, pas d’intelligence artificielle générale…

– Mais vous n’en avez pas peur dans les colonies ? s’étonne Alice.

– Non, ce sont des outils, juste des outils, explique le raton laveur.

– Ne t’en fais pas Alice, la réconforte Tsadir, on utilise cette technologie depuis quelques décennies et les risques sont maîtrisés.

– Et c’est là-dedans que vous pilotez ? demande la jeune femme.

– C’est surtout Akasha qui pilote en fait, son unité centrale principale est juste sous nos pieds, défausse Feyn. Mais si besoin est, oui, c’est ici que je pilote.

– Toujours pas de nouvelle ? demande Tsadir.

– Oh, laisse-leur le temps de remonter leur hiérarchie kafkaïenne, se moque Feyn.

– Kaf-quoi ? demande Alice.

– Pardon, référence du vingtième. Kafkaïenne, ça veut dire : « compliqué de façon absurde », explique le raton laveur.

– Akasha, ici contrôle, vous avez l’autorisation de vous amarrer à la station Otessa Orbitals, les interrompt le contrôleur spatial. Transmettez votre plan de vol.

– Contrôle, voici notre plan de vol, confirme Feyn.

– Akasha, nous l’avons bien reçu. Bon vol. Contrôle terminé. », souhaite l’opérateur en mettant fin à la connexion. Feyn leur sourit : « Eh bien, nous voici repartis. Akasha, sécurise les robots et déploie les réacteurs d’équilibrage.

– Installe-toi, indique Tsadir à Alice.

– D’accord m’dame. », confirme la cadette.

Alors que les passagers s’installent en prévision de la poussée à venir, Feyn alignent les moteurs de manœuvre accrochés sur la coque du Mona Lisa pour compenser la position très excentrée du centre de gravité des deux vaisseaux. Ce sera un transfert d’orbite de Hohmann standard, la première poussée aura lieu dans neuf minutes, celle du nœud ascendant dans quinze et celle de circularisation dans cinquante minutes. Pour éviter de trop éprouver la structure des deux vaisseaux, la poussée se contentera d’un gentil huitième de la gravité terrestre.

Eh bien, c’est parti.