50 – Grégoire : L’ambassade
« Pour rendre la guerre impossible, lions-nous à nos ennemis. »
La plaque au-dessus du bureau de l’ambassadeur expose l’étrange adage comme s’il s’agissait de la devise martienne. Pourtant, celle de HIARTech, se souvient Grégoire, proclamait : « Porter notre intelligence dans les étoiles. ». Bah, c’est sans doute une formule que le diplomate apprécie. Elle lui rappelle l’anecdote de l’histoire européenne.
La diplomate martienne, Mary « Rain » Braw, continue d’étudier le document que lui a remis Errance. L’androïde paraît plus petit en vrai et sa peau n’est pas métallique comme il l’avait imaginé, mais semble plutôt être faite d’un plastique rigide. Sa voix en revanche est telle qu’il l’avait toujours perçue : volontairement synthétique avec un timbre noble. Une alchimie étrangement fonctionnelle.
La femme relève sa tête, donnant l’impression de faire basculer son impressionnante tignasse rousse en arrière. Contrairement à Errance qui renvoie parfois une impression de désinvolture, Braw est l’archétype même de la rigueur. Elle synthétise les dernières informations : « Notre flotte est prête à repartir pour Mars. Une cour de justice va être convoquée pour faire la lumière sur toute cette affaire et juger les responsables. Ceci dit, Monsieur De-Montergny, je vous rappelle que l’ONU est conviée.
– Nous jugerons nos défecteurs, vous jugerez les vôtres, ambassadrice, décline le secrétaire général.
– Comme vous voulez, concède-t-elle. Nous avons déjà commencé les interrogatoires.
– Des informations nouvelles ? demande Errance.
– Peu de choses, déplore-t-elle. Si ce n’est que nous pouvons confirmer l’état de déclin de Vranberg-Lytan.
– Quelle misère ! s’attriste l’androïde. C’est la première fois qu’une corporation tombe aussi bas.
– Sa victoire dans la guerre des colonies lui aura coûté cher au final… évoque la rousse. Comme un vétéran qui revient du front et n’arrive pas à réintégrer la vie civile.
– C’est une leçon à retenir : une guerre se paie toujours. », récite Errance sur un ton presque religieux.
Le secrétaire général ne tient pas à poursuivre sur cette voie. Après tout, l’ONU a initié la guerre des colonies et l’a très chèrement payée. Si les corporations brandissent systématiquement la destruction de Leanor comme symbole du coût de la guerre de leur côté, la Terre a perdu tant d’enfants envoyés à des centaines de millions de kilomètres de chez eux pour rien…
Comme si elle avait perçu ses pensées – et après les prouesses de Ney, Grégoire est prêt à croire que c’est effectivement possible – l’ambassadrice martienne reprend : « Il y a une chose qui revient assez souvent dans les interrogatoires pour être considéré : « Aktnaska ».
– Qu’est-ce ? demande l’émissaire d’Aesir motivé par cette nouvelle énigme.
– Un nom, indique Braw. Probablement celui du leader des Dragons de Neutrons.
– Et vous avez d’autres choses qu’un nom ? s’impatiente Grégoire.
– Non, réfute la femme.
– Nous devrons nous en contenter. », déclare l’androïde au visage d’ange en se reposant contre le dossier de son fauteuil. Braw se sert un verre d’eau et en propose à Grégoire qui refuse poliment.
Le secrétaire général de l’ONU devient un peu plus songeur. Si la crise semble résolue, cette affaire n’en reste pas moins ouverte. Douce ironie, le long combat pour l’indépendance de la Terre vis-à-vis des colonies semble à nouveau au point mort. Aujourd’hui encore, une menace venue d’en haut n’aura été réglée qu’à l’initiative de ces solaires.
« Vous pourriez l’ériger en héroïne. », propose Mary Braw apparemment sans aucun rapport. Mais Grégoire saisit l’intention. Après tout, la clé dans cette affaire, reste cette cadette. À en croire Errance, sans son intervention, l’affaire aurait pu prendre des mois… Et le réseau terroriste aurait sans doute eu le temps de frapper à nouveau.
« Je ne suis pas certain de pouvoir me contenter de symboles. », oppose Grégoire.
Mais tous trois savent bien qu’il n’aura guère mieux.
Annotations
Versions