Titanic avril 1912 2ème partie

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Paul


Paul aimait rigoler avec ses frères, faire les fous et les pires bêtises rendant complètement dingue sa pauvre mère. et ce jour si particulier ne dérogeait pas à la règle. Pourtant ils avaient laissé le peu qu'ils avaient derrière eux, c'est à dire pour ainsi dire rien du tout. Son père avait refusé de révéler comment il avait eu ses billets, mieux valait ne pas savoir. Pourtant ses parents n'étaient pas de mauvais gens, ils n'avaient pas eu de chance, avaient été ruiné par un homme malhonnête qui leur avait tout pris, jusqu'à la dernière miette de fierté. Aussi, son père s'était vengé et Paul ne voulait pas en savoir plus. C'était très bien ainsi, ils allaient recommencer leur vie, loin de tout, là où on ne les connaissait pas. Repartir de zéro, quelle belle et douce idée.


Ils étaient arrivés la veille, par sécurité, pour faire partis des premiers à embarquer au cas où. La nuit était vite passée, dans une étrange inquiétude de la part de ses parents, qui ne souhaitaient qu'une chose, embarquer au plus vite. Paul soupçonnait que ce soit en rapport avec l'apparition soudaine et plus que suspecte des billets du Titanic.


Enfin, le matin était venu aussi vite. Heureux et dévariés par cette nouvelle aventure, il s'était mis à courir, suivi par ses frères, et avait sans le faire exprès bousculé une bien charmante demoiselle, qui attendait sagement, avec ses bonnes manières, près de ses parents. Il l'avait trouvé si jolie mais il ne s'attarda pas, se faisant réprimander par sa mère aussitôt. On ne regardait pas ainsi une jeune demoiselle, ce n'était pas poli et correct.


Une fois dans le bateau, les troisième classes furent réduits à une minuscule cabine, qu'ils devaient se partager à plusieurs.


Il fit rapidement connaissance avec Alice. Sa première impression ne l'avait pas trompée, elle était vraiment adorable, très gentille et si drôle. Son père lui avait dit de ne pas s'attacher à elle car il était peu probable qu'il la revoit un jour, mais sait-on jamais ? Un petit coup de destin peut faire changer tant de choses. Il ne pouvait pas savoir à ce moment là à quel point il avait raison.


Ce soir là, il lui apprenait le nom des constellations, allongés tous les deux sur les chaises longues de la terrasse des deuxième classes. Ils étaient bien, c'était si agréable, même si c'était une fille, c'était une bonne compagne de jeu.


C'est lorsqu'il vit les membres d'équipage paniquer qu'il se dit que quelque chose de grave venait d'arriver et l'affolement de sa mère lui confirma ses pires craintes. Elle leur firent enfiler leur gilet de sauvetage, ils n'en avaient pas pour eux-mêmes et rejoignirent le pont d'embarquement dans une foule affolée et prête à tout pour être sauvé. C'est alors qu'un grand mouvement de foule les firent tous se séparer. Hurlant leurs prénoms, ils réussirent à se retrouver sauf son dernier frère Charles, qui manquait à l'appel. Il était hors de question qu'ils le laissent, il fallait qu'il le retrouve à tout prix. Leur mère insista pour les faire monter dans le canot mais ils voulaient sauver leur frère à tout prix. A la vie, à la mort.


C'est alors qu'il aperçut Alice et son père. Paul avait espéré qu'elle soit déjà dans les canots.

- Paul tu es là ? Est-ce que tout va bien ? Demanda-t-elle tout aussi étonnée que lui de le voir encore sur le navire.

- Mon frère a disparu. On a été pris dans un mouvement de foule et je l'ai perdu. Dès que je l'aurai retrouvé, on pourra partir.

- En espérant que tu puisses Paul. Je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de canots encore de disponible. J'en ai même vu partir à vide.

- Je sais où il en reste un qui n'est pas encore à l'eau. Suivez moi, je vais vous montrer ! C'est par là !


Alice et son père suivirent Paul jusqu'au canot encore de disponible. Il était en train d'être mis à l'eau, aussi son père l'aida-t-il à descendre. Paul lui fit un dernier signe de la main, heureux de l'avoir connu, même pour si peu de temps. Une fois le canot à l'eau, le père d'Alice, Jacques, l'aida à rechercher son frère. Mais impossible parmi cette foule en pleurs et en détresse de retrouver qui que ce soit.


C'est alors qu'ils tombèrent littéralement sur une petite fille perdue en pleurs. Il restait encore un espoir, un dernier, certainement le tout dernier canot venait de se détacher. Il ne restait qu'une seule place. Aussi, Paul décida de la laisser à la petite fille. Elle n'avait à peine que trois ans et toute la vie devant elle. Il l'installa avec précaution, demandant aux jeunes femmes de bien s'occuper d'elle. L'une d'elle lui proposa alors sa place, ne voulant pas laisser un enfant derrière elle mais le membre d'équipage fit descendre le canot. De toute façon, il ne l'aurait pas voulu. Il fit un dernier signe de la main à la petite fille, comme il l'avait fait pour Alice.


La coque du navire émit alors un drôle de bruit et elle se cassa en deux, les faisant tomber sur le sol.

- Paul, quoiqu'il arrive à partir de maintenant, ne lâche pas ma main. Je te tiens et je te tiendrai jusqu'au bout. Le bateau coule mais on va tout faire pour s'en sortir, d'accord ?

- Oui monsieur, je vous tiens, je vous le promets.

Ils s'avancèrent tant bien que mal pendant que la deuxième partie du bateau se redressait. Ils étaient perdus. Les musiciens arrêtèrent de jouer et les regardèrent passer, les yeux embués de larmes et résignés face à la mort. Jacques décida alors de sauter, tenant toujours aussi fermement la main de Paul.

Le choc avec l'eau glaciale fut comme s'ils heurtaient un mur de béton. Mais Jacques n'avait pas lâché la main de Paul, bien que celui-ci soit inconscient. Il tint serré contre lui le jeune garçon, avant de sombrer lui aussi dans la douce froideur de l'abîme, leurs deux corps rejoignant leur nouveau cercueil qu'était devenu l'océan.


La famille de Paul mourut elle aussi, à l'intérieur du bateau, recherchant désespérément leurs enfants, priant pour qu'ils ne soient pas morts seuls. En cela , leur vœu avait été exaucé.


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Alice, sa mère et son petit frère furent recueillis par la famille de Jacques, et à leur grande surprise et grâce à la générosité de leur bienfaiteur, Charles put les rejoindre. Il devint le fils adoptif de cette nouvelle famille, même si jamais il ne pourrait oublier sa vraie famille, dont les corps gisaient au fond de l'océan. Jamais il ne put se pardonner de les avoir abandonné.


Alice garda contact avec elle, ils devinrent même les meilleurs amis du monde au fur et à mesure des années.


Alice se maria, eut des enfants et devint institutrice.


Charles trouva refuge dans la religion et devint pasteur.


Tous les deux suivirent les images retransmises à la télévision lors de la découverte de l'épave du Titanic. Il était si étrange de revoir ce bateau, ce splendide navire qui n'avait fait qu'une seule traversée.


Ils assistèrent à la cérémonie célébrant la mémoire de tous les morts de cette terrible nuit d'avril.


Puissent leurs âmes reposer en paix à jamais.


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