Chapitre 27- Maleïka
—On s’en tient à ce que l’on a dit ?
Le plan était simple. Freya accompagnait la victime jusqu’à son perchoir et ses jumelles se chargeraient de l’accueil des villageois, des nobles et ducs. Elles les conduiraient à l’endroit où il serait pendu.
La Reine acquiesça avec un frémissement de plaisir contenu. Son plan était acté, écrit sans la moindre faute. Cilanna serait à ses côtés et sa terrible sœur, la plus éloignée possible. Personne n’était au courant de la scène qui suivrait cette pendaison. Les autres Reines n’apprécieraient pas le tour qu’elle leur avait joué. Elles sont trop bêtes pour comprendre que toi seul peut ramener la Reigaa à un âge d’or.
D’un geste, Maleïka invita sa sœur à la suivre. Freya les escorta jusqu’à ce que la jeune femme la congédia dans les cachots saluer leur détenu. Une fois seule, Cilanna exprima ses ressentiments.
—J’espère que tu sais ce que tu fais.
—Pourquoi ne le saurai-je pas ? Cette nuit, nous deviendront fortes.
Il n’y aurait pas d’effusion de sang mais la mort leur apporterait une gloire nouvelle.
—Nous étions des cadavres, nous retournons à la vie. N’as-tu jamais envié la vie de nos ancêtres ?
—Si, admit Cilanna.
—Je te l’offre, petite sœur.
L’obscurité commençait à poindre. Le gris des nuages et les branches des sapins s’assombrirent. Entre chien et loup, telle fut l’heure prévue.
—Allumez les torches, tonna Maleïka.
Les gardes grimpèrent sur les échelles pour exécuter l’ordre de leur Reine. Au centre de la cour trônait un enchevêtrement d’écorces, d’herbes, de feuilles et de terre. La neige avait été balayée par les domestiques depuis le milieu de la nuit derrière. Les équipes se succédaient jusqu’à ce que nulle trace de poudreuse ne tâche la terre meuble. Peu de vent soufflait et les flammes se tendirent vers le ciel.
Elles engloutissaient l’extrémité des torches de leurs mâchoires dépourvues de dents. Tel un serpent, elles enroulaient leurs corps et se contorsionnaient pour les dévorer.
—Amène-moi une torche, commanda Maleïka à l’un de ses domestiques qui passait près d’elle avec une pelle.
—Que veux-tu faire de ce tas ?
—M’en servit pour brûler le corps.
Cilanna l’ignorait mais il ne s’agissait pas d’un bûcher ordinaire.
—Ne comptes-tu pas le redonner à sa famille ?
—Le danger est trop grand. En voyant la marque de la corde à son cou, ils n’auront qu’une envie, nous écarter du trône.
—Le danger sera le même si tu les laisse pleurer près de sa dépouille.
—Non, il est plus grand.
Le serviteur s’inclina. Les doigts de Maleïka s’enroulèrent avec fermeté autour de la torche. Elle l’inclina jusqu’à ce que les flammes se tendent, d’abord hésitantes puis avec cruauté sur leur nouvelle victime.
—Sur le port une dame pleure,
Etreignant un mouchoir,
Dans la lueur spectrale du soir,
Sur le port, une Dame pleure.
Ce soir, ils pleureront. Des larmes de joie couleront sur leurs joues lorsqu’ils se repentiront. La Reine accédaient à leur requête, elles comprenaient les maux et agissaient en conséquence. Les villageois tardaient à venir mais plusieurs ducs se tenaient, voutés près d’elle. Leurs dames se pressaient contre leurs maris, resserraient leurs manteaux sur leurs épaules pour se protéger du froid.
—Freya est en haut.
Maleïka vit la silhouette de sa sœur qui esquissa un salut militaire. Elle se pencha pour attraper la corde avant de se soustraire à leurs yeux pour disparaitre à l’intérieur du château.
Une femme s’avança, une comtesse à en juger à son air pincé et son accoutrement couteux. De longues boucles d’oreille reflétaient le feu qui s’accroissait, cliquetaient au moindre mouvement de sa tête.
—J’ai été étonnée par votre lettre, ma Reine. J’aurais pensé que vous préféreriez régler ces problèmes dans son… intimité.
—Je n’ai pas de secrets pour mon peuple, répondit simplement la Reine.
—Oh non, bien sûr. Sans indiscrétion, qu’avez-vous prévue ? Une discussion, nos avis ?
—Non, ma dame. Je ne puis vous révéler ce qui a été prévu pour ce sois mais sachez que ce que nous dirons ou ferons auront des retombés sur la Reigaa.
Notre royaume est dans une heure noire mais nous en sortirons et une ère de prospérité viendra.
—Je prie pour que la Déesse vous entende.
Elle s’inclina et contourna le bûcher pour retrouver son mari. Les branches craquaient, en proie aux flammes qui les dévoraient. Les troncs s’affaissaient et des étincelles volèrent. Cilanna recula précipitamment. Les deux sœurs étaient trop proches du feu et la moindre poussière de lumière trouait les vêtements.
—Je n’aime pas attendre.
—Personne, petite sœur.
Maleïka fit face aux gardes qui se tenaient derrière elles. Seuls six les protégeaient ce soir. Sous les casques d’or, elle reconnut Aggo et Zorak. La jeune femme avait insisté pour que quatre suivent Freya. Ils obéissaient aveuglement à la Reine et empêcheraient Freya de descendre. Son père lui avait montré les nombreux pièges du château dont la herse qui emprisonneraient sa jumelle. Certes, son aînée commandait l’armée royale mais jurait fidélité à la Reine qu’ils servaient. Seuls les plus loyaux et les plus courageux connaissaient son plan. C’est pour cette raison qu’ils se trouvaient dans la tour des Dames.
—Vous resterez avec nous, expliqua Maleïka. Assez loin pour ne pas représenter une menace mais suffisamment proches pour mater les émeutes.
—Ils sont là.
Au loin, des éclats lumineux perçaient l’obscurité. Ils étaient nombreux, bien plus que la première fois. Bien, bien. Je n’avais pas espéré tant de ces imbéciles. Ils traversèrent le pont et s’amassèrent dans la cour. Maleïka constata que beaucoup de femmes, de vieillards et même quelques enfants accompagnaient la procession. Toujours vêtu de sa soutane rouge, le chef s’avança vers les Reines et s’inclina.
—Mes Reines, les salua-t-il. J’aurais pensé vous voir au complet ce soir.
—Notre sœur ne tardera pas, rétorqua Maleïka d’un ton mielleux.
Petit impertinent, tu ne jubileras plus autant dans quelques minutes. La jeune femme attendit que chacun s’installe et vrille ses yeux sur elles. Un frisson d’excitation la saisit. Enfin, nous y sommes !
—Peuple de la Reigaa, clama-t-elle d’une voix forte et les derniers bavards se turent. Vous êtes venus en colère, fatigués et usés. Nous avons entendus vos maux, vos paroles. Oui, nous les avons entendus mais nous les avons aussi compris.
Tous la regardaient, la jaugeaient. Maleïka était au centre de leur attention.
—Nous l’avons compris car nous éprouvons la même chose que vous. Moi aussi, j’ai eu peur. A chacune des vies arrachées par ces monstres, j’ai eu mal.
Elle plaça sa main ouverte sur le torse. Dans la première partie de son discours, elle devait cueillir son peuple, les abdiquer à sa cause.
—J’ai eu mal à chacune de vos larmes versées, pour chaque tombe creusée car même si je ne peux me vanter d’avoir personnellement connu vos proches, je puis me vanter d’avoir personnellement connu vos proches, ils ont été de loyaux sujets. Vos familles sont en deuil, vous pleurez la perte d’un être cher. Je pleure avec vous. Les Agkars ont arraché notre mère alors que nous n’étions que des enfants. Dès lors, nous n’avons plus connus de paix.
Du coin de l’œil, Maleïka vit sa jumelle acquiescer.
—Nous nous sommes battus pour les retrouver, pour les tuer, les abattre mais ils nous échappent. Ils sont vils, cruels, meurtriers. Ce ne sont pas des loups ordinaires. Ils ont été maudits, engendré par un être damné pour nous nuire. Ils sont là pour que nous doutions, pour nous tourmenter, pour que nous oubliions notre cœur d’homme.
Les flammes ravageaient le bûcher. En une trainée de poudre, le prédateur dévorait sa proie avec autant de plaisir qu’un Agkar condamnait des enfants à la mort.
—Ils veulent nous affaiblir et nous dictant notre conduite. Les loups ont torts. C’est ce qui nous rend humain qui nous rend plus fort. Notre cœur est attisé par la tristesse. Il peut se noyer dans son propre chagrin, il est vrai mais il peut aussi s’endurcir et nous amener au chemin de la vengeance. Voulez-vous vous vengez avec moi ?
Grisée, Maleïka s’éloignait de son discours. La foule demeura silencieuse dans un premier temps.
—Ils ont tué ma femme, cria un homme. Oui, je veux me venger !
—Je vous suivrai, renchérit une femme.
—Je veux leur mort !
—Je veux qu’ils crèvent dans un bain de sang !
Ces quelques phrases ne furent qu’un infime fragment de vivats de la foule. Une nouvelle fois, ils brandirent leurs torches, prêts à suivre leur Reine. Même ceux de plus haute naissance joignaient leur voix aux acclamations des villageois. Leur chef sourit lorsque Maleïka croisa son regard.
—D’un geste, elle leur intima de se calmer.
—Aujourd’hui, je prends publique l’annonce de nouveaux pièges crées par ma sœur.
Des applaudissements s’élevèrent.
—Nous allons les duper à leurs propres jeux, déclara Cilanna. Nous creuserons des trous garnis de pics. Ils seront attirés par l’odeur du sang que nous disperserons autour.
—Ils s’arrêteront avant.
—Pas si nous recouvrons les pièges de feuilles et de terre. Ils n’y verront que du feu.
—N’oubliez pas ce que j’ai dit avant. Ces bêtes pourraient-elles contrecarrer un esprit humain ? Nous sommes supérieurs aux Agkars, vivons là bien avant que cette meute ne voit le jour. Devons-nous nous laisser intimider ?
Une vive protestation parcourut l’assemblée.
—Villageois de Valgur Raal, c’est à vous que je vais m’adresser ensuite. Vous êtes venus nous trouver en colère. Je l’ai entendu. J’ai entendu votre appel et j’y ai répondu. A vous de répondre maintenant au mien. Notre confiance mutuelle a été rudement mise à l’épreuve. Beaucoup n’ont pas cru en nous à cause de notre sexe et de nos chasses infructueuses. Vous avez douté de nos forces, nous saurons vous donner la preuve que la faiblesse fait partie d’un temps révolu.
Cilanna recula de quelques pas.
—Un des ducs m’a manqué de respect lors d’un de nos conseils. C’est un crime commis envers les couronnes La peine pour ce pêché est la mort.
Les villageois se regardaient. Pour l’instant, ils n’étaient pas la cible de la Reine. Le visage de la comtesse pâlit. Quelques-uns des nobles étaient au courant de cet incident mais ils ignoraient ce qu’était devenu le duc.
—Nous avons choisi la pendaison car la mort y est rapide. Infliger la souffrance à un individu n’est pas de notre ressort mais celui de la Déesse, quel que soit son crime. Freya ?
Maleïka surveilla le visage du chef de Valgur Raal. Il se décomposa lorsque sa sœur apparut à une des fenêtres pour y faire un signe. Au vu de leur hauteur, sa sœur ne comprenait que la moitié de ses phrases en tendant l’oreille. Maleïka devait parler fort pour que la guerrière puisse entendre son nom.
—Une nouvelle ère approche. Elle commencer avec la mort du duc de Rondall. Le principal pilier de royaume sera le respect. Le respect que j’ai envers chaque Reigiiens et que chaque homme aura envers les Reines. Seulement ainsi, en respectant ses règles, nous redeviendrons forts, les plus grands peut-être que l’Andürin n’aura connu. Vous avez demandé la justice des Reines ? La voici !
Maleïka leva son bras, le poing fermé an guise de signal. La jeune femme renversa sa tête en arrière pour observer la fenêtre où le duc se nichait tel un oiseau. Elle ne put voir distinctement ses jambes mais elle les imaginait repliées sous son torse. Il tardait à se lancer. La corde pendait à son cou. Le duc avait toujours été bien fait de sa personne. Le voir ainsi paniqué jubila Maleïka. Ses doigts agrippaient fermement les pierres fissurées par le mauvais temps à la recherche d’une prise. Ils s’accrochaient fébrilement à ces dernières secondes de vie. Ses yeux devaient être écarquillés, globuleux. Elle aimait se représenter la scène qu’elle ne pouvait voir d’en-bas.
Alors qu’il essayait de se soustraire à la bouche de Freya, qui lui murmurait des mots angoissants à l’oreille, sa main dérapa entraînant sa chute. Il hurla quelques secondes, battant des bras, brassant de l’air pour ralentir. Peut-être essayait-il d’apprendre à voler ? Aucun moment ne serait meilleur que celui-ci. Personne ne s’y attendait, pourtant il échoua.
La corde avait été mesurée à ce que les gardes puissent la trancher d’un coup de hallebarde. Les tiges entrelacées s’insinuèrent dans la peau fragile de sa nuque pour l’étrangler. Ses doigts cherchèrent frénétiquement à se glisser sous la corde, en vain. De l’écume mouilla le coin de ses lèvres, son corps se contorsionna et ses membres tremblèrent sous les spasmes. Il hoqueta pour chercher de l’air, une fois deux fois et ses se yeux se voilèrent. Le duc de Rondall devint immobile, c’était fini. Il était mort. Son lent balancement en témoignait.
Les mains de la comtesse étaient à mi-chemin de son visage pour couvrir ses yeux de l’horreur. Par manque de temps ou par un brusque accès de voyeurisme, de ceux dont les dames reniaient avoir eu par la suite. La honte les submergeait car une femme ne pouvait avoir de tels désirs.
Un guerrier s’avança pour détacher le cadavre. Elle reconnut Aggo. La hallebarde oscilla au-dessus de son crâne. La lame rencontra la corde et d’un puissant coup d’épaule, elle céda. Le duc retomba sur le sol avec le son caractéristique d’un corps inanimé.
—Mettez-le au feu.
Personne ne pipait mot, ni ne faisait de bruit. Les femmes retenaient leurs sanglots, les enfants, leurs cris. Ils découvraient leurs Reines sous un jour nouveau. Et tous savaient- car la foule possédait certains pouvoirs d’échanges d’informations sans élever la voix- que la principale responsable était Maleïka. Elle seule parlait, ordonnait. Quatre de ces gardes soulevèrent le cadavre. Maleïka les suivit silencieusement, la tête baissée comme peinée d’en arriver à ce stade pour être entendue.
Les flammes furent trop hautes pour que les hommes s’approchent. La chaleur les étouffait et brûlait leur visage sous les casques. Sans ménagement, ils jetèrent le duc. Les bûches craquèrent et une pluie d’étincelles voleta dans la nuit. Il faisait tout à fait sombre.
—Une Reigaa nouvelle nait ce soir.
Le feu se jeta sur le cadavre, dévorèrent les quelques lambeaux de tissus qui le séparait des filandreux muscles nourriciers. L’odeur de la chair brûlée flotta dans l’air tandis que la peau fondit sous cet acharnement. Tel des vers, les flammes creusaient des tunnels dans ses organes, cerveau et fibres. Bientôt, un labyrinthe aux sorties complexes s’érigea dans le corps du duc.
Maleïka contempla son œuvre avec un bonheur sincère. Ton impolitesse m’a sauvée du gouffre dans lequel je me noyais. Je te remercie pour ton sacrifice. Beaucoup de villageois restaient en retrait mais les plus audacieux s’approchèrent du feu pour savourer la chute des nobles ou de peur de contrarier la Reine. Quelques femmes obligeaient leurs enfants à mémoriser ce curieux spectacle. Voilà ce qui les attendait s’ils n’obéissaient pas. Une menace qui les convaincrait à cesser rapidement les bêtises. La jeune femme leva les yeux vers la vitre où était perchée Freya il y a quelques minutes. La herse devait désormais l’emprisonner. Quel dommage de ne pas entendre ses injures ! C’eut été un chant fort agréable.
—Afin que cette ère débute hospices pour la traque aux Agkars, il est nécessaire de rétablir un dernier tort à notre encontre.
La Reine tourna le dos à Cilanna pour faire face aux principaux intéressés. Elle ne souhaitait pas encore se délecter de l’ahurissement du visage de sa sœur.
—Nous avons parlé de respect. Un respect que vous avez manqué lorsque vous êtes venus il y a douze jours avec vos torches et vos fourches. N’ai-je pas été clair à ce sujet ?
Maleïka contourna le feu pour rejoindre ses gardes, ses sœurs sur les talons bien qu’elle ignorait tout de ce qui allait suivre.
—Le respect se gagne par la confiance. Vous nous insultiez par votre présence, vos armes et vos paroles. Je vous ai montré ma volonté, à vous de me montrer la vôtre.
—Comment ? Demanda l’un des villageois.
Maleïka nota qu’ils ne s’exprimaient pas avec une telle retenue lors de leurs dernières altercations. Ils craignaient sa colère. Je dois ancrer ce sentiment dans leur âme.
—Vous avez commis un crime mais je suis prête à pardonner pour commencer une réelle relation d’entraide avec vous. Pour ce faire, quelqu’un doit mourir.
Cilanna hoqueta. Maleïka se tourna vers sa petite sœur et lui offrit un sourire carnassier. Une expression horrifiée figea les traits horrifiés des villageois.
—Je vous laisser choisir qui sacrifier mais je place sous ma protection les vieillards, les femmes et les enfants. Je suis une Reine clémente et juste. Seul un homme d’âge mur et vigoureux sera accepté par le feu.
—Ne fais pas ça, chuchota Cilanna d’une voie ténue.
Elle ne bougeait pas car seule, elle ne pouvait rien.
—Vous demandiez la justice des Reines, vous l’avez reçue. A mon tour, je la demande. Choisissez.
Chaque individu jaugeait ses voisons, espérant qu’un homme leur éviterait se dénoncer.
Maleïka leva le poing à hauteur d’épaules. Les guerriers avancèrent, les lances en avant.
—Où est Freya ? Demanda Cilanna.
Sa sœur l’ignora.
—Il serait dommage que je doive choisir moi-même.
—Moi, je me porte volontaire.
Maleïka déplia ses doigts. Sa garde s’immobilisa. La foule s’écarta pour livrer passage à un homme d’une trentaine d’années. Des cris de protestations fusèrent.
—Il est trop jeune !
—C’est un de mes meilleurs travailleurs !
—Sa femme attend un enfant !
—Soyez miséricordieuse.
Maleïka s’approcha du jeune homme, glissa son index sous son menton et remonta le long de sa mâchoire.
—Ta femme a de la chance de t’avoir. Ils te portent beaucoup d’estime. Souhaites-tu mourir ?
—Je veux les protéger.
La Reine nota une brève hésitation dans sa voix.
—Vous l’aimez tous ! Est-ce que quelqu’un souhaite se porter volontaire à sa place ?
Aucune manifestation. Malgré ses épaules basses, le jeune homme essayait de renvoyer une image fière et digne.
—Ils t’apprécient mais aucun ne semble prêt à offrir sa vie pour te remplacer. Tu es courageux, mon ami. Ton nom ne sera pas oublié et tu deviendras l’emblème de protection, de loyauté et d’amour. Comment t’appelles-tu ?
—Miguail.
—Mes rapsodes veilleront à chanter tes louanges. Tu seras immortel.
Maleïka prit sa main. Elle tremblait.
—As-tu des derniers mots Miguail ?
—Prenez soin de ma femme et de mes enfants. Dites-leur… que je les emporte avec moi.
Cilanna eut un gémissement de surprise en voyant le jeune homme s’enfoncer ans les flammes. Il ne s’agissait pas là d’un vulgaire tassement de bois, elle s’en rendait compte à présent. Il possédait une architecture propre qui dévoilait les pensées secrètes de Maleïka : ce retournement de situation n’en n’était pas un. Le duc avait été déposé dans un creux à l’intention de sa dépouille tandis que le jeune homme progressait à travers une sorte de couloir construit sur la face externe. Il avait été façonné dans les dernières minutes afin que ni Freya ni Cilanna ne puissent le voir. A chaque pas, des planches entravaient sa marche. Les flammes attaquaient ses vêtements. Il hurlait d’agonie, de désespoir mais s’efforçait de continuer. Au centre, un siège avait été dressé. Miguail ne l’atteignit jamais.
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