Chapitre 34- Maleïka
Le corps du magicien s’effondra sur Cilanna, l’entraînant dans sa chute. Freya retira la Jurkis de sa nuque et dégagea sa sœur du cadavre. Hébétée, elle fixa ses yeux sur le sorcier tandis que sa main effleurait son épaule. Il l’avait touché. Chrysentia se précipita vers sa compagne pour examiner sa blessure. Cilanna essuya ses embrassades. Maleïka ne détachait pas son regard de Freya qui s’agenouillait et berçait le corps de son amant comme s’il s’agissait d’un enfant victime d’une insomnie.
—Kishâ ! S’écria Shagal qui se redressait à peine de son siège. Qu’avez-vous fait, sales garces ? Mon sorcier ! Vous avez tout saccagé vos sœurs et vous.
—Saccagé ? Se récria Maleïka en escaladant la clôture malgré sa longue robe.
Les plumes de son manteau restèrent accrochées dans les fissures du bois. Seul un coup sec permit de les déloger.
—Saccagé, parfaitement. Regardez autour de vous. Plus de spectateurs, les deux champions, morts. Freya qui massacre Tiyliu et maintenant Kishâ. C’est affligeant.
Il brassa l’air avec de grands gestes mais sa lippe tremblait de rage.
—Affligeant, répéta-t-il en se baissant pour se glisser entre les deux barrières.
Sa petite taille lui permettait bien plus de souplesse que la longue et longiligne silhouette de Maleïka.
—Vous avez intérêt à me rembourser !
—Tiyliu a empalé notre champion. C’était un duel qu’indiquait le contrat et non un massacre. Ce serait vous qui devriez rembourser mon temps pour ce stupide voyage. Et vous tricheries, vous croyez que je n’aie rien vu ? Vous essayez de me berner ?
—Avec magie ou non, ils sont au même point maintenant.
Il dévisageait les trois cadavres. Nombre qui grossirait sous peu.
—Parce que vous avez triché. Notre champion serait encore vivant à l’heure qu’il est.
Maleïka grogna et foudroya Shagal du regard.
—Nous conservons nos terres puisqu’Oron est le dernier à avoir expiré.
—Votre sœur s’est interposée pour l’écraser. Je ne vous cèderai rien.
—Il était déjà mort, bon sang.
La Reine perdait patience à traiter avec ce personnage cupide. Pendant qu’il lui hurlait après, Maleïka s’approcha de ses sœurs.
—Pourrais-tu appeler nos gardes, Chrysentia ?
Après un regard appuyé pour sa compagne, la sorcière sortir de l’arène.
—Comment vas-tu ? Demanda-t-elle à Cilanna en s’agenouillant sur le corps de l’enchanteur.
—Mieux que Freya.
Le caractère de sa sœur s’était endurci ces dernières semaines. Elle ne couinait plus veillait sur Freya. Maleïka devait trouver une ruse pour l’obliger à s’écarter. La guerrière s’accrochait à Oron dans un murmure pathétique. Il ne s’agissait plus d’amour à ce stade-là mais d’une ridicule mise en scène. Sans prêter une grande attention à ses sœurs, la jeune femme fouilla dans les affaires de Kishâ. Que pourrait-elle tirer d’un magicien mort, hormis son arme ?
—Où est ce couteau ?
—Que comptes-tu faire ?
—Je veux son royaume.
Cilanna lui tendit un objet. Un poignard simple mais à la pointe aiguisée.
—Je l’ai récupéré après qu’il ait tenté de m’assassiner.
Maleïka ne cherchait si son accord ni un quelconque prétexte de vengeance même si ces mots lui facilitaient les tâches.
—Que fait Shagal ? S’enquit Maleïka.
—Il t’observe.
Maleïka cacha son arme dans les pans de son manteau et s’approcha de Shagal.
—Je retire ma voix. Je ne souhaite plus faire affaire avec vous.
—Comment ? Vous ne…
—Si, le coupa-t-elle. Malheureusement, vous ne serez plus de ce monde pour voir mon règne commencer.
—Que… ?
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’une lame glissa le long de sa gorge. Paniqué, le roi leva les mains dans un vain espoir de comprimer la plaie.
—Vous m’aidez beaucoup, vieux bouffon. Votre royaume s’ajoutera à la Reigaa et il n’aura autre dirigeant que moi. Je trouverai bien un homme à qui renfourguer Cilanna. Mais ce ne sera pas à vous.
Cet aveux, elle le chuchota. Elle ne souhaitait pas se trahir. Maleïka planta le poignard dans sa poitrine puis une deuxième fois dans son ventre. Shagal se courba mais ne rendit pas.
—Vous ne mourrez pas assez vite. Malheureusement, je ne peux rien vous. Pourquoi Kishâ a-t-il tenté d’assassiner ma sœur ?
L’arme se planta entre la clavicule et la gorge et à cet instant, Shagal accepta d’abandonner la lutte. Es genoux se dérobèrent tandis qu’il se mourrait, étouffé avec son propre sang.
—C’est bien dommage que vous mourrez à cet instant précis. J’aurais bien aimé connaitre la raison qui a poussé votre stupide magicien à attaquer ma sœur. Je devrais me satisfaire de votre silence.
Maleïka s’en fichait du pourquoi, du comment de cet action. Elle observa la tête penchée, l’inclinaison du corps de Shagal qui se précipitait vers la terre et l’arrière de son crâne heurter le sol. La jeune femme surveilla sa poitrine qui restait immobile. Sans plus de cérémonie, elle essuya le couteau sur la manche de son manteau. Jadis brun et seyant, il n’en était plus que sa pâle copie, barbouillée de sang.
Trois personnes respiraient encore dans la carrière mais une paire de poumons était en trop. Il fallait l’éliminer. Une question se posait alors : comment ? Maleïka n’y avait jamais réfléchi et s’étonna de la difficulté de l’énigme. Beaucoup de solutions s’offraient à son esprit mais la Reine n’en considéra aucune comme étant l’unique.
—Cilanna, pourrais-tu regarder si Shagal a quelque chose d’intéressant sur lui ?
Sa sœur s’empressa de la satisfaire, heureuse d’être utile et d’occuper ses mains. Elle ne prit pas la peine de lui demander si les quelques joyaux incrustés dans ses manches étaient d’une quelconque utilité pour la Reigaa. Leur royaume venait de s’agrandir mais Maleïka redoutait que ses filles s’enquissent de la couronne de leur père. L’annexion d’un pays amenait toujours la question de la légitimité et l’ordre du lignage. Qu’en était-il lors d’une guerre ? La jeune femme supposait qu’elle était souveraine légitime. Les filles gouverneraient en tant que seigneur, plus qu’elles n’auraient eu en héritage si leur père succombait à une mort naturelle.
Les gardes de la Reine s’annoncèrent avec boucan ; la lourdeur de leur mêlée au cliquetis de leurs armures clinquantes. Ils restèrent muettes devant le nombre de cadavres qui gisaient ci et là.
—Nettoyez-moi ça, ordonna Maleïka.
—Où déplaçons-nous les cadavres ?
—Peu importe. Mettez-les sur un tas pour que nous puissions les inhumer.
—Souhaitez-vous avertir les filles de Shagal par messager ? Risqua encore l’un de ces gardes.
—Je m’en occuperai en temps voulu. Dépouillez les cadavres des richesses qu’ils possèdent.
Si l’ordre les surprit, aucun n’émit de commentaires et tous s’attelèrent à la tâche. Les cinq gardes royaux se partagèrent le cadavre de Tiyliu et de Shagal car aucun n’osait approcher Freya qui savait Oron contre la poitrine. Maleïka s’avança pour lui présenter ses condoléances.
—Son sacrifice n’aura pas été vain.
—C’est de ta faute s’il est mort. C’est toi a souhaité ce duel.
—Je me le reprocherai toujours.
Elle ignorait quoi faire. Comment pourrait-elle la contraindre à l’exil ? La rancœur se nourrit de la colère et une armée ne tarderait pas à la suivre pour reconquérir la Reigaa. Maleïka ne prendrait pas ce risque.
—Pourquoi ? Tu ne le ramèneras pas.
—L’aimais-tu tant ?
—Il était le seul qui me comprenait.
—Et moi, je ne te comprenais pas ? Répliqua-t-elle doucement.
—Peut-être, je n’en sais rien.
D’un geste qu’elle voulut timide, elle pressa sa main sur son épaule.
—J’aurais pu l’aimer si nous avions eu plus de temps.
—Nous ignorions tous à quoi nous attendre.
—Ne serons-nous jamais heureuses ?
Sa plainte ne s’adressait pas à sa sœur mais à elle-seule. La jeune femme eût la sagesse de ne pas répondre.
—L’amour n’est pas l’unique source de bonheur.
—Il n’y avait pas d’amour entre nous. De l’amitié, peut-être. Une forte amitié et une compréhension mutuelle de nos caractères.
Maleïka reconnut la sincérité dans le ton de sa sœur. Elle attendit le bon moment pour frapper. Quand arriverait-il ? Ses gardes traînaient les cadavres d’un bout à l’autre et arrachai les planches de bois des estrades et des clôtures pour un futur bûcher.
—Ma sœur, je crois pouvoir te rendre heureuse à nouveau.
—Comment ?
—Tu désirais qu’Oron survive mais je ne peux y remédier. Néanmoins (le mot roula hors de sa bouche, tentateur), je peux t’envoyer l’y rejoindre.
Plus vive qu’un serpent qui attaque sa proie, Maleïka planta le couteau dans le flanc de sa sœur, orienté à ce qu’il puisse perforer un poumon. Malheureusement, le poignard dévia et ne put qu’endommager superficiellement son corps même si la lame pénétra profondément sa chair. Freya ne put retenir un hoquet de surprise et de douleur. Elle lâcha le corps d’Oron dont la tête retomba lourdement contre le sol.
Les gardes avaient ôté les armes qui se trouvaient à portée de sa sœur. Il n’en restait que deux : la double faux qui cheminaient dans le cadavre du chasseur et le poignard que tenait Maleïka. Avant que la jeune femme ne lise son regard troublé où surprise et horreur se mêleraient, elle n’en doutait pas, elle enfonça le poignard sous la clavicule de Freya. La guerrière se cambra et sous l’impact. Incrédule, elle n’eut pas le réflexe de ramper pour sauver sa vie.
—Tu m’as tout pris, cracha Maleïka.
La Reine hésitait toujours : cachot ou mort ?
—Ma fierté.
Le couteau se ficha dans la chair de sa cuisse. La pointe effleura un corps dur. L’os.
—Mon courage.
L’arme glissa le long de sa jambe. Une trainée de sang coula sur la terre. Le tissu noir de son pantalon dissimulait les taches.
—Père.
—Freya !
C’était Cilanna qui hurlait mais n’osait intervenir.
—Père t’a toujours préféré à moi, se justifia Maleïka.
—C’est faux, hoqueta la Reine à terre.
Son entrainement avait raison d’elle. Son corps supportait la douleur. Alors, Maleïka s’en donna à cœur joie.
—Chaque jour, il me parlait de sa petit Freya qui grandissait loin de lui. « Elle me manque tant ma petite fille. Récite-moi le nom des royaumes de l’Andürin, Maleïka ». Voilà ce à quoi j’avais droit. Lorsque tu rentrais, deux semaines avant je n’entendais plus que ton nom dans sa bouche. Freya ici, Freya là-bas. Range les cartes, Maleïka.
Sa sœur tenta de le repousser d’un coup de pied. La Reine le sait à deux mains et d’une vive torsion, désaxa tibia et péroné du genou. Son hurlement arracha un sourire à la jeune femme. Sa sœur l’appela, elle ne l’entendit pas et ses gardes comprenaient qui gagneraient la partie.
—Où en étais-je ? Mon droit de régence.
Sa jambe rencontra le sol et la victime gémit sous la secousse.
—Si tu es encore en vie, c’est que je n’ai perforé aucun organe. Ce n’est pas plus mal, je te veux en vie. Que n’ai-je encore touché ? Ton bras. Il te permet de ramper.
Maleïka empoigna son coude mais la guerrière gifla son visage dans un mouvement désespéré.
—Ne m’interrompt pas, s’il-te-plait. Tu m’as fait douter.
La jeune femme lui fit sauter une dent d’un coup de pied dans la mâchoire.
Freya s’arc-bouta pour cracher un filet de sang.
—Tu voulais ma place et tu m’as rabaissée.
Maleïka perdait le contrôle de son corps. Ses ongles s’enfoncèrent dans la chair de son avant-bras.
—Tu m’as humiliée.
Ses dents se plantèrent dans sa peau. Si elle n’avait été qu’une simple humaine, Freya n’aurait gardé que des cicatrices mais son ire la possédait entière. Ses incisives, ses canines goutèrent au sang de sa sœur tandis que son bras se tortillait entre ses mains. Maleïka renversa vivement la tête en arrière et emporta un bout de chair, coincé dans sa bouche. Elle le recracha. Ce n’était qu’un petit morceau, constata-t-elle, déçue.
—Tu as pris mon autorité.
Freya ferma les paupières, refusant de voir celle qui avait partagé son enfance. Enfin, deux larmes jumelles naquirent aux coins de ses yeux.
—Regarde-moi. Regarde-moi !
Démente, Maleïka frappa sa sœur.
—Tu pleures ? C’est bien. Je n’en espérai pas tant mais j’aime ce que je vois. Je suis généreuse. Tu m’as dépouillé de mon identité mais tu es encore en vie. Et tu vivras, Freya, crois-moi sur ce point. J’hésitais entre l’exil, les cahots, t’envoyer en mission et pourquoi pas la mort ? Mais j’ai trouvé une bien meilleure idée ! Te rendre ce que tu m’as fait. Tu m’as salie, ma sœur et je compte bien faire de même.
Maleïka ne prêtait plus attention à Cilanna. L’écoutait-elle ? Possible. S’était-elle enfuie ? Assurément.
—La torture, oui. C’est une idée géniale. Au moins, tu n’as pas dérobé ma créativité. C’est une consolation. Je t’en suis reconnaissante. Pour ce que tu m’as laissé, je vais te faire un présent ; un excellent repas te sera apporté chaque soir. Le même que le mien. Poisson, viande, fruits exotiques…
Avec une aussi bonne nourriture, impossible qu’elle perde des forces. Ils la nourriront s’il elle refusait d’avaler, malgré quelques dents en moins. Avec un tube, enfoncé profondément dans la gorge, elle ne pourrait recracher les aliments.
—J’aimerai te raconter une petite histoire, si tu le permets.
Maleïka s’accroupit près du visage de sa sœur. Sa respiration était rapide, moins forte. Non, le poumon étant intact.
—Il était une fois un royaume nommée Reigaa, gouvernée par trois Reines. Une de ces femmes était mauvaise et volait la personnalité de sa sœur. C’était un parasite mais elle ne s’en rendait pas compte. Sa victime est devenue une coquille vide. Est-ce que tu me suis ?
Le bourreau suivit du bout de l’index la courbe de l’oreille de Freya.
—Ces tresses sont laides. Je vais devoir les couper.
Elle n’en fit rien.
—Puisque que j’avais été dépouillée de ma personnalité, j’ai dû m’en inventer une nouvelle. Froide pour mon peuple, indécise pour vous. En secret, je manipulais et jouais. Seule, je n’arrivais à rien. Il me fallait un allié. Mince ! Tu ne peux le voir, j’avais oublié. Il s’agissait de Shagal. L’incompris, le détestable, le cupide. Nous avions un point commun : te supprimer. Moi, pour toutes les raisons que je t’ai citées, lui pour les terres et la guerre.
Malgré les courbatures, la Reine se força à continuer.
—Un plan, long et machiavélique s’est formé dans ma tête. Il me fallait une occasion comme celle-ci pour t’approcher, pour détourner ton attention, te mettre les nerfs à vifs. Regarde ton état, tu es lamentable. J’en déduis que mon plan a bien fonctionné.
Les doigts de Freya pianotant sur la terre agaçaient Maleïka. Elle tordit l’auriculaire sous le cri étouffé de sa sœur.
—Les assauts de Shagal se sont faits plus insistants. Tant et plus que tu as dû partir. Nous avions prévu de t’offrir deux hommes qui n’étaient pas des guerriers. Ils se sont faits passés pour des gens de ton armée même si leur rôle était de devenir des prisonniers. J’ignore ce qui leur est passé à la tête, ou ce qui s’est passé dans celle de Shagal. Ils voulu t’empoisonner, c’est vrai. Enfin bref, revenons à nos moutons. Shagal devait les réclamer mais toi, ton rôle était simple : jouer à celle qui ne comprenait rien. Au lieu de suivre mes plans, tu t’es emporté et la mort de l’un des hommes n’a fait que précipiter ta chute. Nous avions une occasion pour nous déclarer la guerre. Cesse donc de brailler ! Tu me fatigues. Je te pensais guerrière et tu pleurniches comme un gamin au sein. Pour la peine, tes vagissements te couteront un majeur.
Le craquement sec de l’os qui se rompt résonna dans l’arène.
—Reprenons, si tu le veux bien. Ce duel n’était qu’une mise en scène, pour t’amener ici mais je savais que l’occasion était trop belle pour Shagal pour ne pas s’emparer d’une partie de nos terres. Je n’ai aucune confiance en lui. La suite, tu la connais. Trouver un champion, l’entraîner, toutes ces broutilles… Je n’avais pas prévu qu’Oron découvrirait notre secret. Il a été le premier imprévu de mon plan mais maîtrisé très facilement. J’ai ensuite saisi l’opportunité de rétablir un règne avec la mort de ce duc. Respect et crainte, ce seront les piliers, les mots qui définiront ma régence.
Pour peu, couverte de régence et de sang, sa soeur lui inspirait la pitié. Son don ridicule n’en n’était pas un. Sans arme, elle était venue à bout de Freya la guerrière. La Déesse n’avait pas jugé bon de lui donner la compétence de la guerre mais l’avait doté d’un cerveau.
—Puis nous sommes venues ici et Shagal m’a fait miroiter la régence seule. Je devais donc me débarrasser de Cilanna. Shagal se proposait de l’épouser. C’était tentant, très tentant. J’ai accepté. Shagal est mort, mon royaume a doublé de superficie. Tu vas croupir dans mes cachots et je vais vendre notre jumelle à un autre roi. Je ne te l’accorde, mon plan ne s’est pas déroulé comme je l’espérais mais en mieux. Ce matin, je voulais te voir crever mais finalement j’aime beaucoup écouter une berceuse le soir. Tes cris m’aideront à trouver le sommeil. Tu serais mon somnifère.
Des applaudissements retentirent dans son dos. C’était Cilanna, accompagnée de la sorcière et du triple de ses gardes. Ainsi, elle avait disparu.
—Saisissez-là, ordonna sa sœur.
—Cilanna, chérie. Les gardes n’obéissent qu’à moi.
—Ton discours les a convaincus de changer de camp.
Cilanna levé un poing germé et les soldats se regroupèrent autour des deux femmes. Le sourire de Maleïka s’évanouit lorsqu’ils saisirent ses bras sans ménagement pour la redresser.
—Lâchez-moi, ban sang. Je suis votre Reine unique.
—Maleïka… Je suis… sincèrement… désolée… du mal que… que je t’ai fait.
—La ferme.
Un poing rencontra sa mandibule et la douleur la lança un instant. Chrysentia se précipita vers Freya et palpa son corps. Quelques minutes d’angoisse plus tard, la sorcière déclara qu’elle survivrait.
—Aidez-moi à la transporter.
—Non, pas tout de suite.
—Comme c’est émouvant, ricana Maleïka. Tu deviens Reine, petite sœur.
—Tu voulais me vendre comme un perroquet ? Comme un animal qu’on enferme dans une cage ?
—Plutôt comme une vache mais l’idée reste la même.
—Tu devrais subir le même sort mais tu risques de monter la tête à ton mari.
—Tu oserais aller contre la parole de la Déesse en me mariant ?
Cilanna croisa les bras sur sa poitrine.
—C’est toi qui salis la Déesse en te plaçant sous sa protection pour éviter le contact des hommes. J’ai bien peur que la honte ne te fasse plus rien.
—Non, en effet. Que comptes-tu faire de moi, alors ?
—Tu as toujours beaucoup aimé les bûchers.
Elle lui désigna un monticule de bois.
—Voici ta dernière demeure, ma sœur. Et j’ai respecté ta dernière volonté. Tu seras seule sur le bûcher. Attachez-la.
Les gardes la poussèrent sur le tas de bois. A huit, ils parèrent facilement ses coups et ligotèrent chevilles et poignets au bûcher. Les cordes, fermement serrées brûlèrent sa peau à la moindre gesticulation.
—Allumez-moi ça.
La jeune femme suivit avec des yeux horrifiés la flamme qui gagnait ses jambes.
—Adieu, Maleïka.
Cilanna se détourna pour ne pas assister à ce triste spectacle. Le règne de Maleïka, Reine Reiguienne s’acheva en neuf cent quatre-vingt-trois dans les cris et la souffrance.
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