III - Chapitre 5
Enfermé dans sa chambre, Théandre entendait une rumeur grandissante prendre forme dans le grand hall du château. Le bal d’accueil avait commencé et les jeunes nobles invitées par sa mère commençaient à descendre de leurs chambres. Le prince avait été tenté de descendre à son tour pour les observer, mais Ludwill l’avait largement devancé dans cette tache. Cela était moins risqué : une des invitées aurait pu le reconnaître, et il aurait du faire face à un raz de marée de filles ambitieuses qui se seraient précipitées de rentrer dans ses bonnes grâces.
Pour lui éviter une situation aussi embarrassante, la Reine avait prévu une organisation précise pour le bal et le repas. Théandre n’apparaîtrait que pour danser tour à tour avec les prétendantes et dînerait dans une salle en hauteur en compagnie de ses proches, tandis que les invitées profiteraient d’un buffet. Les quatre jours suivants, un entretien privé avec chacune des jeunes filles serait organisé. L’idée de passer des journées entières à tenir des conversations gênantes et fausses lui donnait la nausée.
Malgré tout, Théandre fit de son mieux pour se rendre agréable en cette soirée exceptionnelle : il enfila ses beaux habits neufs, se poudra légèrement le visage et noua un précieux foulard de satin bleu autour de son cou. L’usage aurait voulu qu’il couvre également sa tête d’une perruque, mais ses cheveux étaient devenus trop longs pour être convenablement couverts. Il se contenta de les peigner soigneusement et de les nouer en queue de cheval avec un ruban. Il n’eut pas besoin de se regarder trop longtemps dans le miroir pour décider qu’il était prêt. Lorsqu’il se comparait à la gravure qu’on avait faite de lui, le jeune homme se doutait bien qu’il décevrait nombre de ces filles nobles, peu importait donc le temps passé à se rendre présentable.
Derrière lui, Ludwill entrait et fermait brusquement la porte. Il poussa un soupir d’aise, un sourire ravi sur son beau visage. Théandre sut aussitôt qu’il avait apprécié le spectacle.
- Alors ? demanda le Prince, de meilleure humeur. Quel est ton verdict ?
Le valet prit quelques secondes pour s’affaler sur le lit avant de répondre. Il posa les deux mains sur son cœur, l’air rêveur.
- Elles sont tellement belles, tellement jeunes… et certaines ont l’air totalement idiotes et naïves. Ça va être un jeu d’enfant !
Ludwill avait crié cette dernière phrase en levant les bras en l’air. Théandre s’inquiéta.
- Moins fort, je t’en prie… Je te rappelle que je suis sensé m’enthousiasmer de tout ça.
Le valet se redressa, tachant de son mieux de prendre un air serieux.
- Et, est ce que c’est le cas ? demanda t-il.
Le prince hésita un instant.
- Qui sait ? Je pourrai avoir de bonnes surprises, répondit-il sans trop y croire. Ça sera difficile de le savoir si tu as déjà fait ta… sélection .
A ces mots, Ludwill pouffa de rire.
- Quelle sélection ? Tu croyais vraiment que je n’allais pas te demander ton avis avant de faire mon choix ?
Agréablement surpris par la prévenance de son ami, Théandre eut un léger sourire. Il avait toujours pensé que Ludwill était un séducteur sans scrupules, qui aurait fait passer ses conquêtes avant tout le reste. Il semblait que ce n’était pas toujours le cas.
- Par contre, poursuivit Ludwill, si tu peux me dire d’emblée lesquelles ne t’intéressent pas je t’avoue que ça me faciliterait la tâche. J’ai un plan à mettre en place, et il ne me reste plus beaucoup de temps.
Sa curiosité piquée une fois de plus, Théandre demanda : « De quel plan parles-tu ? »
Un sourire narquois aux lèvres, Ludwill se rapprocha de la perruque posée sur la coiffeuse.
- Tu comptes mettre ça, ce soir ? demanda t-il en pointant l’objet du doigt.
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