Proposition

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Jim laissa son regard courir sur l’infirmier. Phil le dépassait de deux têtes. Il l’impressionnait. Vraiment.

  • Je ne peux pas le dire… Mais ils me suivront certainement ce soir après les cours, affirma-t-il en soupirant de sa petite voix.
  • C’est arrivé d’autres fois ?

Là encore, le silence était pesant pour le jeune homme. Phil avait une patiente limitée et il se redressa, enlevant sa blouse et retournant à son bureau. Il nota les soins apportés dans son carnet de suivi.

  • C’est ton choix. Tu peux te taire, subir et venir pleurer ici ou en parler, déclara l’infirmier qui lui jeta un coup d’œil encourageant.
  • C’est facile à dire pour vous, vous êtes musclé, tatoué, imposant, vous n’êtes pas comme moi !
  • Effectivement. Et c’est comme ça que tu me vois ? Un super bel homme musclé ?

Jim, interloqué, écarquilla les yeux quelques secondes avant de pouffer, mais il hocha la tête. Phil comprit sa réaction et ne s’en formalisa pas. Il n’avait jamais dû avoir dans sa scolarité un médecin qui lui avait parlé de la sorte. Phil voulait lui faire comprendre qu’il ne devait pas se sentir plus comme une victime venant se faire soigner, mais comme un jeune homme trouvant une aide providentielle et canon qui plus est.

  • Je pourrais rajouter vraiment séduisant, mais ça serait déplacé, répliqua-t-il avec un sourire éphémère que Phil ne manqua pas d’observer.
  • Je n’ai plus ma blouse et tu es libre de me trouver canon. Après tout, je le suis.

Et il fit le V de victoire avec ses doigts ayant, après quinze ans, réussi à se forger le corps dont il avait toujours rêvé. Celui dans lequel il se sentait vivant, puissant : lui-même. S’installant de nouveau sur le tabouret à roulette, il plongea son regard dans celui de Jim qui maintenant, le soutenait avec timidité.

  • Je suis content que tu me voies comme ça. Regarde.

Sortant une photo de son portefeuille, il la présenta à Jim. Dessus, une jeune adolescente, cheveux blonds et courts, piercing à l’arcade, chemise à carreaux de style bucheron et débardeur kaki, croisait les bras en détournant le regard et baissant la tête. L’étudiant observa l’image avant de questionner Phil.

  • C’est qui ?
  • Moi.
  • Hein ? Mais…
  • J’étais stylé déjà à l’époque, pas vrai ?
  • Heu… oui… sûrement… Je ne suis pas vraiment attiré par les filles, répondit Jim, mal assuré.

Dans son regard, Phil pouvait presque voir les rouages de son esprit qui faisait le lien entre lui et la photo. Il se mit à rire.

  • T’inquiètes. J’avais 17 ans sur la photo. Mes parents m’ont foutu à la porte, j’ai fait mes études en squattant avec des potes. Je me médicamente tous les jours et je m’entretiens tout autant. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui, du haut de mes 29 ans, je suis devenu le mec le plus canon de cette école. Et tu ne peux pas dire le contraire !

Jim eut un sourire en coin en essuyant ses yeux.

  • Comment vous faites ?
  • Je vais à la salle de sport tous les jours et je défonce ceux qui le méritent, répliqua Phil en croisant les bras.
  • Hein ? Vous vous battez ? demanda Jim avec stupéfaction.

Phil secoua la tête.

  • Je me ferais renvoyer. Non, je leur explique la vie tout simplement et, étrangement, quand j’enlève mon sweat, ils prennent peur.
  • En même temps vu les muscles, rétorqua Jim en observant Phil, fasciné.
  • Du coup, je suis tranquille, affirma Phil, un sourire s’étirant sur tout son visage.
  • Je ne le serai jamais… Je n’ai pas ces muscles, je n’aime pas trop le sport, répondit Jim, dépité.

Prenant dans son tiroir quelques fascicules, il les donna un par un au jeune homme désespéré.

  • Je ne peux pas aller là-bas… Si j’y vais, mes parents vont le savoir, ils vont me retirer de l’école, s’empressa-t-il de répondre, une pointe de désespoir dans sa voix.
  • Hey, hey, hey du calme ! Si tu vas là-bas, ce sera ton refuge. Et personne ne t’obligera à le dire. En revanche, tu vas y rencontrer d’autres jeunes qui sont dans la même situation que toi, lui assura Phil en le regardant avec bienveillance.
  • Vous y êtes déjà allé ? interrogea Jim d’une voix incertaine.
  • Quand j’en ai eu besoin, au début, oui. Et de temps en temps encore, pour parler de mon histoire lors de réunions organisées pour accueillir les nouveaux ou rassurer les anciens, jeunes comme moins jeunes.

Jim redevint silencieux, son regard perdu balaya la salle. Tout cela devait lui sembler bien trop beau pour être vrai. Un refuge où il ne serait pas stigmatisé, où il ne serait pas différent… Phil sentait le garçon indécis, comme il l’avait été à l’époque.

  • Si tu veux, je t’y accompagnerai en fin de journée. Disons la semaine prochaine, le jour qui t’arrangera, affirma Phil, compréhensif.

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