[Suite à la demande de @arcensky, voici une lettre qui sort un peu du lot... J'espère qu'elle ne vous semblera pas trop niaise.]

   Mon petit papa, 

Je t'écris cette lettre de l'autre bout du monde, sous une pluie battante. Moi qui croyais partir sous le soleil dans des îles paradisiaques, me voilà trempé et gelé. J'ai dû sortir en vitesse acheter sept petits manteaux imperméables pour éviter que les enfants prennent froid. Qu'est-ce qu'ils semblent fragiles ! J'ai peur de les casser si je les serre trop fort...

Mais je ne t'écris pas pour cela. Je ne fais que baratiner en inscrivant des banalités afin d'éviter la vérité : je t'ai ignoré pendant dix longues années. 

Je n'aurais pas dû. C'était une dispute inutile, et je crois que je m'en veux encore plus terriblement car tu as raté l'enfance des petites. 

Je suis papa, maintenant. Je suis père comme toi, et mes six petites fillettes sont devenues adolescentes. 

Hier, mon petit dernier, un petit garçon, est né. J'ai assisté à sa naissance et c'est en sentant ses petits doigts boudinés serrer ma main que j'ai compris. Mon petit Camille, après avoir vécu seulement quinze minutes, m'a fait comprendre.

Oh, je me rends compte à quel point je me suis trompé seulement maintenant, mon petit papa. 

D'ailleurs, quelques jours après que tu aies reçu ma lettre, je serai là, près de toi, comme autrefois. Afin de réparer les pots cassés, si tu veux encore de moi.

Hier, ma chère Maurine (la seule que tu aies vu enfant) a claqué la porte de sa chambre en nous voyant, Béatrice et moi, partir à l'hôpital. Elle hurlait que nous ne la comprenions plus, qu'elle n'avait aucune liberté. 

Elle m'a fait penser à moi adolescent, petit roi empli de prétentions, de rêves et de préjugés. Et une phrase de Charles Wadsworth a empli mon esprit et pris tout son sens : 

"Le temps qu'un homme comprenne que son père avait sans doute raison, il a généralement un fils qui pense qu'il a tort.".

Cette phrase pourrait décrire ma vie. J'aimerais avoir compris plus vite, ne pas avoir fait autant d'erreurs. 

Mais l'essentiel c'est qu'aujourd'hui je suis là, du haut de mes quarante ans, prêt à recommencer et à rattraper mes erreurs passées. 

Cette lettre est une lettre d'excuses. Je veux m'excuser pour ce que j'ai dit. Je voudrais être pardonné dès maintenant mais je sais que la route sera longue encore. 

Nous t'embrassons, Béatrice, Maurine, Ariane, Bénédicte, Aliénor, Garance, LLuvia, Camille et moi,

Ton Gabriel.