Chère tatie, 

  Je t'écris depuis chez mon père, comme tu le sais. Il est sorti de la maison pour acheter du pain. Il m'a laissé par terre à côté du radiateur, sans ajouter un mot. 

  J'ai rampé jusqu'à la cachette sous le plancher, et je me suis mis à écrire. Je tremble trop, et j'écris mal. Je m'en excuse. 

  C'est qu'il faut que je te parle sincèrement. Je n'ai plus que toi à qui me confier. 

  Les autres élèves de mon école ne m'adressent plus la parole. Ils ont bien compris que je ne suis pas comme eux. Ils m'ont mis à l'écart au bout de quelques semaines sans même se concerter. Sans toi, je suis aussi seul qu'il est possible. 

  Et voilà que mes doigts tremblent tant que le sang tombe sur le papier. Mon crâne me brûle puis me glace soudainement depuis le coup que j'ai reçu contre le radiateur. Ma gorge est nouée d'avoir trop évité de pleurer. 

  Tu dois comprendre que je n'aurais pas fait appel à toi si la situation n'était pas aussi désespérée. Je n'ai que quinze ans, et il m'est impossible de quitter la maison sans me faire rattraper par mon père. 

  Aussi je te supplie de faire quelque chose. Quoi que ce soit. Je risque beaucoup en t'envoyant cette lettre en secret. Si mon père le découvre, il me tuera par les coups. Il me tuera, ou pire... 

  La clé glisse dans la serrure tandis que la peur glisse dans mon estomac. Je dois arrêter là ma lettre.

  Je t'embrasse, 

Ronan.