Ma petite maman, 

Quelle absurdité la distance, vraiment ! 

J'aimerais quitter mon travail. Ou rapprocher les continents. Ou faire disparaître cet océan Atlantique qui me nargue depuis mes fenêtres. 

Mais je n'y arrive pas, alors je me contente de t'écrire comme à mon habitude. Quelques mots jetés sur le papier pour me rapprocher de toi. Mais attention ! Quelques mots en français, pour t'exercer un peu...

J'aimerais pouvoir te voir tous les jours, Maman. Ton visage souriant me manque.

Il me semble que la pluie n'a fait que s'abattre sur moi depuis que je ne te vois plus, mais peut-être est-ce seulement dû au fait que j'ai été muté en Bretagne. 

Les marées s'enchaînent mais le temps n'est que pluie et orages. Il paraît que je suis arrivée à la mauvaise saison...

Mais j'ai également de nombreuses choses à te raconter. Mon travail m'occupe pleinement depuis le début de l'enquête, et j'arrive enfin à nouer des liens avec mes collègues. 

Mike, en particulier, est le flic le moins respectueux des règles que je connaisse. Toujours enjoué, il passe la plupart de son temps à rire ou à préparer de nouvelles farces. 

Présenté ainsi, on croirait que c'est encore un gamin, mais c'est tout le contraire. Parfois, nous parlons tout en buvant un café, et il m'écoute avec une grande attention, totalement sérieux. Je sens qu'il ne fait pas que m'entendre, qu'il m'entend et me comprend. Ces discussions me font un bien fou, même si en règle générale il ne répond pas beaucoup. 

Je m'avance peut-être un peu sur son caractère, car je ne suis pas sûr de le connaître si bien que ça. Je sais simplement qu'il vit en Bretagne depuis toujours, et qu'il compte voyager dès que son salaire de flic le lui permettra. Il rêve de Japon, d'Australie, ou encore d'Inde. 

Au fond, je crois que c'est un grand rêveur pas très bavard. Je crois que c'est la meilleure façon de le décrire. 

Maintenant, je pense qu'une description physique s'impose pour que tu puisses mieux l'imaginer. Il a un ou deux ans de plus que moi, mais a bien dix centimètres de moins. Quand nous nous tenons face à face, il arrive à mon menton, ce qui me fait rire. Cependant, j'évite de le faire devant lui pour ne pas le vexer. 

Quand il est vexé, il a tendance à froncer ses sourcils, et à étirer ses traits fins en une pitoyable grimace. Mais il ne tient pas plus de quelques secondes, et bientôt ses lèvres roses s'étirent pour former un adorable sourire...

Il a de longs cheveux châtains, légèrement bouclés et toujours en train de retomber sur ses yeux bleus. Il a un regard océan, qui lui permet d'être à la fois transperçant et doux...

En tous cas, je pense que vous vous entendriez à merveille tous les deux. 

Je compte également te présenter sa mère, Clémentine, que je n'ai rencontré qu'une seule fois mais qui semble te ressembler sur beaucoup de plans. Je l'ai tout de suite adorée. C'est avec elle et son fils que j'ai appris le plus de français. 

Avec Clémentine, j'ai retravaillé toute ma grammaire, comprenant enfin le passé simple et ce subjonctif qui me semblait si indomptable... Avec Mike, je ne fais que peaufiner mes gros mots et mon accent... Il m'a même appris à parler en "verlan" ! 

En fait, c'est plutôt simple, il suffit d'inverser les syllabes d'un mot. Mais il paraît que ce langage est déjà vieillot... 

Ce soir, je vais dîner chez Mike et Clémentine. Je sens que je vais pouvoir me détendre un peu après toutes ces semaines de travail...

With love,

Ian. 

PS : En relisant ma lettre, je me rends compte que je ne parle que de Mike... Je m'excuse si tous ces paragraphes t'ont ennuyée, mais il me semblait important de te confier ma relation avec Mike... Parce que maman, je crois que je suis amoureux.