Mon pauvre Romain, 

J'ose encore t'envoyer une lettre. Tu dois te demander pourquoi la petite faible qui te sert de femme n'est pas rentrée...

Es-tu en rage ? Oh, comme j'aurais voulu voir ton expression d'incrédulité en découvrant la cuisine à l'heure du repas... 

Mais si j'étais restée, cela n'aurait pas été très drôle, pas vrai ? Quelques coups auraient stoppé net mon rire, et je me serais remise à la cuisine immédiatement. 

Maintenant que je me suis libérée de ton emprise, j'ai l'impression de goûter de nouveau à la vie. Comme si ces quinze dernières années s'étaient effacées en un clignement d'œil. 

J'imagine que les cicatrices apparaîtront plus tard, ou du moins je les verrais plus tard. Pour l'instant je dirige mon regard vers mon lumineux et prometteur avenir. 

Car je me sens forte. Assez forte pour m'enfuir, donc assez forte pour reconstruire ma vie. 

Je vais demander le divorce, et gagner ma vie. Je vais acheter un appartement. Je vais refaire ma réputation. Je vais vivre...

Je me demande pourquoi j'avais besoin de te raconter tout cela. Peut-être pour savourer ma victoire. Ou pour me prouver que j'en suis capable. Je l'ignore.

Diablement cordiale, 

Ta plus-si-douce Bénédicte.