22.
Cher fils,
J'ai longtemps hésité, le stylo perdu quelques millimètres au-dessus de la feuille. Devais-je t'appeler par ton prénom?
Peu importe. Comme d'habitude, je n'ai pas osé. Ma lachêté ne fait que se développer ces temps-ci...
Bref. Ce matin, j'étais au café et...
Je vois déjà tes yeux se lever au ciel, ton coeur être déçu une nouvelle fois. Mais ce n'est pas ce que tu crois. Laisse moi finir.
J'étais au café donc, en train d'acheter des croissants pour ta mère et moi, et c'est là que j'ai aperçu cette carte postale.
Posée en équilibre sur le comptoir sale, elle soutenait une pile entière d'autres cartes, du genre sexistes et faussement drôles.
Mais c'est celle-là qui a attiré mon regard. On y voyait un père tenir son enfant. Son étreinte semblait le sécuriser et sa tête était tournée vers le nourisson. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à mon rôle de père...
Je me suis surpris à pleurer, au fond d'un café moisi, la main à demi tendue vers mon porte monnaie. Je crois bien que le patron m'a pris pour un vieux fou... Il m'a lancé des regards perçants, et le fait que j'ai lâché mes croissants sur son sol poussiéreux n'a pas dû améliorer mon cas...
Je sais que cela n'effacera rien, mais... J'ai arrêté de boire. Et je pense à toi... J'ai longtemps pensé à te contacter sans oser le faire. Tu me connais, moi et ma lachêté...
Peut-être que... Que je pourrais essayer de me rattraper auprès de toi. Essayer de devenir comme ce magnifique père de la carte postale. Si tu en as envie, bien sûr. Si tu as la bonté de me donner une deuxième chance.
Affectueusement,
Ton père, ou du moins ce qui s'en approche le plus.
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