Vous êtes habillée en vert avec des lunettes fumées aussi épaisses que vos dessous de verre. Comme les autres, en fait. Seule distinction honorifique, votre nom tricoté sur le cœur : EVA BALTASAR. Vous avez à charge tous les êtres vivants figés dans le sol. De la petite mandragore aux larges arbres de la connaissance. Ha.. Ha….

 Dans ce jardin, le soleil est bien haut à l’horizon, et il tape bien fort. On dirait la souffrance. Sous ce bouclier, vous êtes protégée de la chaleur, du vent et du sable. Et pourtant vous suez, il fait lourd, il fait lent, il fait humide, il fait mal aux oreilles avec les enceintes qui crachent à intervalle régulier du chant classique de chez classique parce que cela lui fait du bien au jardin. Vos muscles bandés, eux, ils aèrent l’argile améliorée pour les plants affamés.

 Encore 5 minutes. Dans les tranchées, vous vous activez comme vos collègues en casquette verte. Ce ne sera pas la pause. Il faudra se frayer un chemin à travers les boyaux sans se faire attraper par les racines voraces. Il faudra se mettre à l’abri. Ils vont bientôt faire pleuvoir l’engrais et l’eau dure. Une sorte de mélange haute pression qui perce les crânes et déchire les muscles. Dans cette cage. You can only sleep at night. C’est ça un jardin autonome.

 Eva massa ses muscles endoloris. Essayant de faire fi des remugles de l’humus, elle appliqua de la pommade bon marché sur sa chair creusée par l’acide libérée par les tiges du nouveau modèle d’OGM commandé en grande quantité par Dassault : la Grenadine Shrapnell. Mûrs à point ces 800 pieds seront cueillis et expédiés chez Le Plessis-Robinson où MBDA France se chargera d’y ajouter leur French Touch.

 En somme, c’est un jour comme le précédent qui s’annonce dans la serre secrète n°606 Bec-Hellouin du désert Normand.