Comment…

Comment faire…

Comment je commence…

Comment commencer une histoire…

Ces mots filaient, tournaient, volaient dans ma tête sans cesser, faisant le tour et bien pire encore, si bien que Fogg lui-même en serait jaloux de cette vitesse,

Comment…

Ainsi je regardais la feuille, lui demandant de mes yeux pitoyables et apitoyés si elle pouvait les comprendre, les écrire, les transcrire…

Comment faire…

Ainsi je fis passer cette lame exquise, véritable aiguille d’acuponcture des mots, chargeant ce vide d’idées de ce vaccin noir de lettres, consumant par son appétit vorace et cruel ces lignes vides et fades en quelques gouttes d’obscurité

Comment je commence…

Essayais-je de le comprendre, réfléchissant, pensant, sondant toutes ces bribes d’idées puériles et inutiles qui ne veulent même pas sortir entre mes lèvres, véritables exilées du partage

Comment commencer une histoire…

Me le répétais-je, fixant ma main dansant sur ces grains blancs, se faisant dévorer par l’ombre de cette pointe d’acier, alliage de ténèbres liquides et de Mal aiguisé

Comment…

Essayais-je de me concentrer, voulant traduire cette valse, cette symphonie que seuls mes doigts comprenaient la fatalité

Comment faire…

Respirais-je, tentant en vain de transcrire mes idées vers mes mains, nomades d’écriture, décidant de leur chemin dans ce brouillard, si dense que même la lame dirigeant cet orchestre de lettres, Maestro de cette musique si sombre que les abysses seraient lumineuses, soleil même à côté de la profondeur de ce sang de mots, ne pourrait le couper

Comment je commence…

M’adonnais-je aux violons des fines lignes, au rythme de ces cymbales griffant le papier, laissant ces accords décider de mes doigts sur ce papier d’une couleur d’un beau cru, donnant la mesure de ces pages tournées, comprenant si facilement

Comment finir une histoire…

En rangeant cette plume, à côté du flacon d’encre, empli, comme toujours, de ces ténèbres liquides

Comment…

L’apportais-je à mes yeux, comme pour en témoigner de cet illogisme, le faisant glisser hors de mes mains

Si rouges…

Avant de le voir refermer ce récit, ne me laissant, comme indice, que cette encre peignant ma main d’une couleur de vin

Comment…