Ce qui m’a fait m’éloigner…
Voilà déjà trois jours qu’elle ne répondait plus à mes messages. J’avais beau vérifié encore et encore, elle ne se connectait même plus. Elle m’avait dit faire une retraite spirituelle, c’était donc assez logique. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de m’inquiéter. Il s’agissait quand même de ma meilleure amie ! Et même si je ne le croyais pas une seconde, les paroles de Gaëtan ne quittaient plus mes pensées : « laisse-moi deviner, elle t’a laissé en plan ? ». Et si c’était vrai au final ? Qu’elle était partie et qu’elle avait profité de moi jusqu’au bout en me laissant l’emmener loin très loin ? C’était son passé ou moi qu’elle fuyait ? Est-ce que tout ça n’était qu’un prétexte ? J’ai bien vu Robin, j’ai vu la haine dans son regard, il n’y a pas de choses qui ne donnent plus envie de fuir que la haine.
Je me repassais le film de notre amitié en boucle. Nous nous étions toujours connus et nous étions tous l’une pour l’autre.
Elle avait toujours eu une vie stable jusque-là et n’était pas du genre à se risquer de tout changer au point de tout perdre sur un coup de tête. Mais, je sentais au fond d’elle une force invisible, une voix qui l’implorait de partir constamment.
Peut-être avait-elle finit par l’écouter et se soumettre à son ardent appel et à son impulsion inaltérable ?
Narratrice, n’interviens pas comme ça au milieu de mon récit s’il te plaît !
Je ne faisais qu’essayer d’exprimer en de vrais termes ce que tu t’affairais à conceptualiser en un chapelet de mots inutiles.
Ce n’est pas nécessaire et tu ralentis l’histoire, là !
Très bien, je te laisse finir tranquille mais ne viens pas me demander de raconter la suite si jamais tu bloques.
Oh non, ça n’arrivera pas car tout ceci est mon histoire aussi. Ce qu’elle a vécu je l’ai ressenti intérieurement et j’ai assisté à plusieurs de ses péripéties !
Je m’inquiétais donc !
Ça tu l’as déjà dit…
Je vais faire comme si je n’avais rien lu. Nous étions déjà le 7 janvier. Il était aux alentours de seize heures lorsque je reçus un coup de fil plutôt inquiétant (oui je le redis).
C’est lourd à lire, les mots pèsent sur ma rétine.
Rien ne t’oblige à lire ce que j’écris.
Si seulement…
Cet appel…
Inquiétant…
Me fit…
M’inquiéter ?
Je ne sais plus où j’en suis, tu es contente ? Je reprends depuis le début ! Voilà trois jours déjà que…
Non, je m’incline, ton récit tautologique m’exaspère. Je m’en vais ! Fis-je en claquant la porte.
Il n’y a pas de porte…
Les lecteurs eux n’en savent rien ! C’est la magie de l’imagination ! Adieu. Fit-elle en sautant par la fenêtre et s’écrasant misérablement au sol. C’est assez poétique ça pour toi ? Narratrice ? Tu es vexée ? Elle est partie je crois. Reprenons.
Pour éviter que ça ne traîne encore trop en longueur voici le dialogue de l’appel en question :
« Miraz, bonjour, c’est Milan. Tu vas bien ?
_Oui, très bien ! Pourquoi tu appelles sur le fixe ? Tu sais que Raphaëlle n’est pas là ?
_Maintenant oui…
_Comment ça maintenant ?
_ça fait deux jours qu’on ne l’a pas vu au travail…
_Quoi ?! Elle ne t’a pas parlé de sa retraite à Antananarivo en Inde ?
_Je… Euh… Ne sais pas ce qui m’étonne le plus, qu’elle soit partie sans prévenir ou que tu croies qu’Antananarivo soit en Inde…
_Elle m’avait dit qu’elle partait en Inde mais finalement elle est à Antananarivo…
_Elle t’a menti aussi alors… Elle va bien ?
_Je sais que le 4 janvier elle allait bien…
_Comment ça ?! S’écria-t-il,
_Elle ne s’est pas reconnecté depuis le 4 au soir … J’ai compris qu’elle était allé voir quelqu’un là-bas mais je n’ai aucune idée de qui ça peut être… Et pourquoi elle voulait absolument voir cette personne. J’ai un très mauvais pressentiment…
_Sans vouloir t’affoler… J’ai assisté à une conversation très étrange entre elle et sa petite protégée Fara... Et je soupçonne qu’il y ait un lien entre les deux. Fara voulait trouver un moyen de ramener son frère ici et Raphaëlle a commencé à divaguer complètement en disant plus ou moins qu’elle était tout à fait d’accord avec le principe de mariage blanc…
_Tu ne crois pas que…
_Ce n’est qu’une supposition mais… C’est effrayant… Oh non…
_Quoi ?!
_Ce n’est pas possible…
_Que se passe-t-il ?!
_ça ne peut pas être ça… Ce serait une histoire de fou.
_Mais quoi à la fin ?!
_Fara…
_Oui, quoi Fara ?
_Elle est de Madagascar… Son frère… Est là-bas…
_Tu crois qu’elles auraient monté un plan toutes les deux ? Je ne sais pas si c’est dingue ou prodigieux… C’est un tour de force exceptionnel pour quelqu’un comme Raphaëlle !
_Il faut en avoir le cœur net, je vais aller voir Fara !
_Attends, j’insiste pour venir avec toi ! Je passe te prendre au travail. C’est ma meilleure amie quand même ! A tout de suite ! ».
Je sautai dans mes habits et ma voiture. Gaëtan râla de se voir abandonner à son triste sort avec les chats. Je lui proposai de venir mais il tourna les talons. Il m’agaçait vraiment. Raphaëlle était sur le point de commettre la plus grosse erreur de sa vie mais il s’en fichait complètement ! Il la détestait. Point. J’arrivai à toute vitesse devant l’association et entrai en trombe dans les locaux :
« Allons-y Milan, le temps joue contre nous ! ». Clamais-je sous les yeux incrédule de leur responsable qui nous laissa partir avec énormément de questionnement dans le regard. Milan lui avait expliqué rapidement qu’il s’agissait d’aider Raphaëlle sans lui expliquer les tenants et les aboutissants de toute cette histoire.
Il m’indiqua le chemin pour se rendre chez Fara. Arrivés en bas de chez elle je sonnai à Fitia. Elle mit un temps fou à répondre. Lorsqu’elle décrocha à l’interphone Milan pris le relai :
« Fara, c’est Milan de l’association… Je… Vous aviez oublié un papier important la dernière fois à l’agence, je suis passé vous redonner comme vous étiez sur mon chemin ! ».
La porte s’ouvrit, je le regardai entré, interloquée :
« Si elle est dans le coup, arriver en lui disant qu’on veut parler de Raphaëlle lui aurait fait peur et elle aurait refusée d’ouvrir. Soit parce qu’elle veut la couvrir, soit parce qu’elle se sert d’elle ! ». Je trouvai cela plutôt ingénieux et le suivit dans l’immeuble. Il chercha le numéro d’étage sur les boîtes aux lettres. Elle était au 4ème. Il monta à pied, déterminé. Je le rejoignis en ascenseur, fatiguée.
Dix-sept heures, nous étions sur le palier de Fara. Il n’y avait aucun nom sur les portes. Je proposai qu’on essaie de frapper sur chacune d’elle, nous n’avions plus rien à perdre. Je frappai à la première. Un homme grand et bedonnant m’ouvrit en caleçon. Je m’excusai timidement en lui disant qu’on s’était trompé. Je frappai à une deuxième porte. Pas de réponse. Une troisième, une vieille dame m’ouvrit pour me demander si j’étais une démarcheuse. Je lui répondis que je cherchais Madame Fara Fitia, elle m’indiqua la porte non sans ajouter une petite réplique légèrement raciste. J’essayai de ne pas pouffer de rire en l’écoutant. Je n’avais jamais compris pourquoi ce mépris existait et comment elle pouvait me dire ça alors que je n’avais pas moi-même l’allure de la française-type.
Nous frappâmes à la porte de Fara. Elle ouvrit timidement sans ôter l’entrebâilleur, nous n’apercevions que la moitié de son visage :
« Qui êtes-vous ?
_Bonjour Fara ! Dit Milan en s’approchant, c’est moi ! Milan !
_Que voulez-vous ?
_Vous apporter votre papier.
_Donnez-le moi.
_Pourriez-vous juste ouvrir votre porte qu’on discute ? ».
Elle claqua la porte. De longues secondes passèrent. J’étais hors de moi. Nous nous regardions, angoissés, avec Milan quand la porte se rouvrit doucement. Elle réapparu sur le seuil de la porte en peignoir et semblait regarder nos mains pour voir où était ce papier.
« Fara, voici Miraz… C’est… Une amie de Raphaëlle…
_C’est elle qui la remplace ?
_Non, pas du tout. Elles vivent ensemble.
_Quoi ?! Madame Raphaëlle aime les femmes ?
_Comment ?! Non, pas du tout, enfin j’espère… Finit-il en marmonnant,
_Pourquoi êtes-vous venus ?
_Fara, nous avons besoin de votre aide, repris-je, Raphaëlle a disparu et nous pensons que vous avez quelque chose à voir avec toute cette histoire…
_Je ne comprends pas.
_Ne faites pas l’innocente Fara ! M’énervais-je alors qu’elle me regardait avec de grands yeux,
_Non, Miraz, c’est ta phrase qu’elle n’a pas compris. Je reprends. Raphaëlle est partie à Madagascar, voir un homme sortir de nulle-part et avec cette histoire par rapport à votre frère. Fara, est-ce que Raphaëlle est allée chercher votre frère ? ».
Elle tenta de nous claquer la porte au nez. Je mis mon pied dans l’embrasure de la porte et sentit une décharge irradier toute ma jambe. Je geins tranquillement et inspirant un grand coup lui intimai de nous laisser entrer, que nous savions tout et que si elle refusait de nous aider nous pourrions lui causer de gros problèmes dans l’obtention de ses papiers français. Elle fut tout de suite beaucoup plus coopérative et nous laissa entrer.
Nous nous assîmes sur son canapé. Il y avait peu de choses chez elle. Une petite télévision, une table basse avec des traces de bols et de tasses et des tapis. Le papier peint se décollait ici et là et le sol était tâché. Son appartement était aussi triste que ses yeux. Elle fixait le sol, les mains jointes comme une enfant qui avait fait une bêtise.
« Fara, s’il vous plaît, expliquez nous ce qu’il s’est passé. Où est Raphaëlle ?
_Je ne sais pas…
_Comment ça vous ne savez pas ?! Fulminais-je,
_Calme-toi MIraz, on n’arrivera à rien en s’énervant ! Objecta Milan,
_Elle est chez votre frère ? Continuais-je plus doucement,
_Je ne sais pas. Ça fait un mois qu’il ne m’a pas parlé.
_Il a disparu aussi ?! C’est une blague ?
_Et que savez-vous exactement de cette histoire ? Raphaëlle et votre frère parlaient souvent ensemble ? Il vous a parlé d’elle ? Demanda Milan,
_Il me parlait souvent d’une femme qu’il aimait beaucoup. Une française. Il m’avait dit qu’elle s’appelait Noélie.
_Noélie… chuchotais-je,
_Tu vois de quoi elle parle ? Demanda Milan,
_Oui, c’est le surnom de Raphaëlle… Mais… Ce n’est pas le meilleur côté de sa personnalité.
_Je ne suis pas sûr de te suivre…
_Peu importe, vous ne saviez pas qu’il s’agissait de Raphaëlle ?
_Non, je ne savais pas…
_Mais attendez, comment votre frère aurait pu entrer en contact avec elle ? C’est une drôle de coïncidence quand même ! Je dois avouer que j’ai du mal à vous croire Fara !
_Je veux qu’il vienne ici. J’ai trouvé le profil de Madame Raphaëlle sur internet. Je l’ai envoyé à mon frère pour qu’il la contacte. Elle est gentille et m’a toujours aidé. Je voulais qu’elle l’aide lui aussi… Elle aurait tout fait pour…
_Comme partir à l’autre bout du monde le chercher. Fis-je,
_Il m’a dit qu’elle n’avait jamais répondu.
_Donc, vous n’êtes au courant de rien ? Vous ne savez pas qu’elle s’est rendu à Antananarivo ?
_Elle est partie là-bas… S’exclama-t-elle en écarquillant les yeux.
_Fara, donnez-nous l’adresse et les moyens de contacter votre frère. Il faut qu’on lui parle ! » lui commanda Milan.
Elle hésita. Je lui pris les mains et la regardai dans les yeux :
« Vous n’avez rien fait de mal Fara, je vous crois quand vous dites que vous n’êtiez au courant de rien mais Raphaëlle est malade. Et elle ne peut pas voyager comme cela toute seule, on a perdu déjà bien assez de temps. S’il vous plaît, faites ça pour elle. »
Elle se leva, sortit du salon un instant. J’inspirai longuement en regardant Milan. Elle revint avec un papier à la main : « Voilà, je vous ai noté son adresse et son profil. ». Je lui sautai au cou et la remerciai gracieusement. Elle en perdit presque l’équilibre. Milan parut vraiment soulager.
Et une petite rivière de traverser pour toi Raphaëlle ! Il reste un océan entier et un continent. Mais, on sait déjà où te trouver. On arrive !
Nous sortîmes de l’immeuble rassérénés d’avoir de savoir où la chercher. J’étais presque assez confiante pour me convaincre qu’on allait la retrouver saine et sauve.
« Tu as fait fort avec cette histoire de maladie !
_Cette histoire ?
_Oui, elle y a vraiment cru ! Attends… Raphaëlle est vraiment malade ? Elle est en danger ? Ne me dis pas qu’elle a fait ça parce qu’elle savait qu’elle allait mourir ! Si, c’est ça, peut-être vaut-il mieux la laisser tranquille…
_Euh, comment te dire que…
_La vie n’est que souffrance de toute façon… Elle a peut-être fait ça pour tout oublier ? Elle s’est enfuie pour que plus rien ne l’atteigne jamais.
_Attends, tu ne vas pas te mettre à me sortir des couplets philosophiques quand même.
_Elle est si courageuse… Jamais, même sur mon lit de mort, je n’aurais tenté de renouveler ma vie à ce point.
_Apparemment si…
_C’est vraiment fort ce qu’elle vient de faire… J’hésiterais presque à aller la chercher… Mais on ne peut pas la laisser seule là-bas en sachant tout cela !
_Tout ça pour finalement revenir au point de départ, t’es sérieux !
_Désolée, je suis empreint des multiples tergiversions de Raphaëlle, à force de se voir tous les jours…
_On devient identique ? Ça me rappelle un proverbe berbère qui dit que lorsqu’on côtoie un groupe quarante jours, on devient semblables à ses membres.
_Entre elle et moi, ça se compte en années !
_C’est marrant…
_Quoi donc ?
_Ta façon de parler d’elle comme si c’était ta petite amie.
_Ouais… Je la taquinais toujours en disant qu’elle était ma femme du travail, haha.
_Elle en disait quoi ?
_Que j’étais comme un oncle gênant pour elle… Pourtant je n’ai que deux ans de plus qu’elle…
_Je la reconnais bien là…
_Elle te parlait de moi ?
_Pourquoi cette question ?
_Je ne sais pas. Je pose ça comme ça.
_Tu l’aimes bien dans le fond on dirait ?
_Oui, mais vraiment dans le fond parce qu’elle est insupportable.
_C’est comme ça que les grandes histoires d’amour commence toujours !
_Tu crois qu’elle est amoureuse du frère de Fara ?
_Dieu seul le sait… J’espère que non…
_Je ne sais pas si je préfère penser qu’elle se joue de lui ou qu’il se joue d’elle.
_On pourrait tout aussi bien se rendre compte qu’ils s’aiment comme des fous et les laisser vivre leur vie finalement.
_Elle se joue de lui. C’est une fille intelligente qui comprend très bien les gens.
_Tu es mordu.
_Et sa maladie ?
_Je lui laisserais le choix de t’en parler d’elle-même ». Je disais cela en remontant dans la voiture. Milan fit de même. Je le raccompagnai. Sur le chemin, nous décidâmes de réserver chacun notre billet pour partir le plus vite possible. Il appela sa responsable sur le trajet pour lui expliquer que Raphaëlle avait de gros problèmes et qu’il devrait s’absenter pendant plusieurs jours sans pouvoir lui donner de durée exacte. Elle paraissait très exaspérée au téléphone. Je l’entendais presque soupirer de lassitude de là où je l’entendais.
Une fois rentré à la maison, je me connectai sur l’ordinateur pour acheter ce fameux billet. Je dois dire qu’il coûtait tout ce que j’avais économisé en une année. J’avais de pauvres moyens, c’est vrai. J’inspirai un bon coup et sortis ma carte bleue. Ce fut difficile mais bref.
J’eus la curiosité d’aller voir le profil du frère du frère de Fara. Il s’était appelé sobrement Fa Fy. Il y avait deux Fa Fy, l’un appartenait à Fara et l’autre appartenait à … Une vieille peinture d’un homme avec une longue perruque blanche et bouclée. Je me souvenais alors avoir vu beaucoup de commentaires de ce Fa Fy justement sur le mur de Raphaëlle et me sentis stupide de ne pas avoir fait le rapprochement plus tôt.
Il n’y avait rien d’intéressant sur son profil. Je me décidai à le contacter :
« Bonjour Fa Fy,
C’est Miraz, la meilleure amie de Raphaëlle. Je sais que tu es avec elle, contacte-moi le plus vite possible, elle est en danger. »
Laisse-moi t’aider… Pensais-je.
Avec l’histoire de Robin, j’espérais que ce message affolerait assez Raphaëlle pour la voir réagir rapidement. Ce n’était pas très glorieux de me servir ainsi de ses anciens souvenirs qui la tourmentaient mais je n’avais pas le choix.
Je n’en dormis pas de la nuit. Je n’arrêtai pas de me tourner et de me retourner dans le lit. Gaëtan, las, alla dormir sur le canapé. Il refusait de dormir dans le lit de Raphaëlle. Je le trouvais vraiment de plus en plus stupide. Pourquoi, je n’avais pas moi aussi un homme près à faire presque 10000 kilomètres pour me sauver d’un autre ? Raphaëlle avait bien de la chance d’avoir Milan. Pourquoi elle s’intéressait si peu à lui ? Pourquoi aller chercher un homme qu’elle ne connaissait pas dans un lieu où elle n’avait jamais mis les pieds ? Et pourquoi ne rien me dire de tout ça ? Elle n’avait vraiment aucune confiance en moi ? Est-ce que nous étions si horribles Milan et moi pour qu’elle ne veuille rien nous dire ? J’estimais que nous méritions au moins d’être prévenus. Nous étions quand même prêts à aller la chercher alors qu’elle vivait peut-être son rêve là-bas. Mais nous n’étions sûrs de rien puisqu’elle n’avait rien dit. Elle avait quelque chose à cacher. Cette histoire n’était qu’un symptôme. Un symptôme de Noélie ? C’est elle qui l’avait entraîné dans cette galère ? J’ai toujours cru, au contraire, qu’elle la paralysait sans cesse…
Raphaëlle était tellement secrète qu’il m’aurait fallu plus d’une nuit pour comprendre tout ce qui la poussait à agir et pour comprendre ses mécanismes émotionnels. Je n’ai jamais vraiment su ce que renfermait son cœur. Elle semblait parler beaucoup de ses émotions mais jamais de ce qu’elle ressentait. Comme si le tourment de ses émotions était tel qu’il éclipsait le reste. Elle était très discrète en matière de sentiments et se dévoiler que par touche. Il était compliqué de faire des liens entre toutes ces petites touches disséminées au fil des années. A cinq heures quarante-huit du matin je me ravisai et conclus que je ne l’a comprendrais jamais vraiment. Même elle ne se comprenait pas. Je me levai péniblement et allai déjeuner.
Gaëtan dormait, lui, on ne peut mieux. Amélie dormait à ses pieds et Noé était lové contre sa tête.
Il les a adoptés finalement ! Pensais-je.
J’essayais de ne pas faire trop de bruit afin de ne pas le réveiller. J’avais réussi à avoir un vol pour cet après-midi comme par miracle. J’avais l’impression que Dieu était avec moi, vraiment. Je mangeai en vitesse, me lavai, m’habillai et attendis que Milan arrive.
Gaëtan eu la gentillesse de nous déposer à l’aéroport en grommelant comme à son habitude. Le trajet était silencieux. Aucun de nous ne parlait en effet. Nous étions beaucoup trop inquiets pour Raphaëlle et Gaëtan brisa ce silence :
« Je ne comprends pas pourquoi vous faites tout ça pour elle … Elle vous a complètement lâché…
_Elle ne m’a jamais lâché. Objectais-je,
_Elle n’était pas là quand Robin t’a agressé, elle n’était pas là quand tu es rentrée en pleurs à la maison samedi. Par contre, qui est partie sans rien dire ? Qui t’a laissé deux chats sur les bras sans ton consentement ? Qui ne répond plus à tes appels alors que tu as peur ?
_Qui est Robin ? Demanda Milan,
_Oh lui, il fait partie de ses choses que je laisserais le soin à Raphaëlle de t’expliquer… Dis-je mollement sans prêter attention aux remarques de Gaëtan.
_Elle a une vie beaucoup plus complexe que je ne l’imaginais…
_Tu l’imaginais comment ?
_Eh bien tranquille. Je pensais que c’était le genre de personne à trop travailler, qui ne vivait que pour se sentir utile à quelque chose. Qui s’amusait très peu, légèrement austère. Mais… gentille. Elle a un bon fond, ça se voit dans ses yeux. Elle est très sensible aussi, ça la rend attachante.
_C’est vrai, elle est toujours un peu écorchée vive… Et son travail c’était toute sa vie ! Je ne pourrais pas les compter sur les doigts de ma main le nombre de fois où elle est rentrée à la maison heureuse d’avoir réussi à aider des gens. Elle a vraiment de belles qualités. Moi aussi je pensais qu’elle était prévisible…
_J’ai toujours su qu’elle cachait quelque chose… Intervint Gaëtan, ce n’est pas faute d’avoir prévenu. »
Je le considérai avec sévérité. Il n’avait pas tort sur ce point. Ce que je croyais prendre pour de la haine n’était peut-être que de la clairvoyance finalement.
« Elle cachait son mal-être… La défendais-je quand même,
_Son mal-être ? Ça fait partie des choses qu’elle devra me raconter d’elle-même mais dont elle ne me parlera sans doute jamais ? Ça a un lien avec sa maladie ? Demanda Milan intrigué,
_Elle est malade maintenant ? Dit Gaëtan sur un ton caustique,
_Je lui ai promis de n’en parler à personne…
_Tu en as déjà trop dit. » Reprit ce dernier.
Je gardai le silence durant le reste du trajet. Nous arrivâmes à l’aéroport, nous enregistrâmes nos bagages et nous nous rendîmes à la porte d’embarquement puis nous entrâmes enfin dans l’avion. Nous n’avions malheureusement pas eu de places voisines et nous parlementâmes longuement avec nos voisins respectifs pour échanger nos places. Le mien cédant le premier, j’hélai Milan pour qu’il me rejoigne.
L’avion décolla en douceur. Nous avions vingt heures d’avion devant nous dont une escale d’une heure. Nous aurions le temps de réfléchir à tout ce que nous aurions à lui dire.
« Tu sais, je crois que j’aurais dû lui dire que je l’appréciais plus que comme une collègue, dit soudainement Milan alors que je commençais à être gagné par la fatigue.
_Tu veux vraiment parler de ça maintenant ?
_Je vais la voir dans quelques heures seulement si tout va bien… Au fait, Fa Fy ne t’a jamais répondu ? On a complètement oublié de demander son nom complet à Fara.
_On sait qu’il s’appelle Monsieur Fitia et on a l’adresse, c’est suffisant.
_Et si Fara l’avait prévenu qu’on venait et qu’ils s’étaient sauvés tous les deux ou qu’il l’avait enlevée ? Je préférerais qu’il l’ait enlevée… Dit-il songeur,
_Tu préférerais qu’elle soit retenue par un psychopathe ? Lui demandais-je étonnée en me relevant,
_Eh bien, je préférerais qu’elle ne l’aime pas…
_Mais attends, elle communique avec un homme qu’elle ne connaît pas et dont elle n’avait peut-être jamais vu le visage avant aujourd’hui et tu voudrais qu’elle en soit tombée amoureuse comme par magie en le voyant ?
_Et s’il était incroyablement beau et séduisant ?
_A mon avis, s’il n’a pas mis de photo de lui, il ne faut pas espérer qu’il soit irrésistible. Et tu sais, ça fait plusieurs années que vous travaillez ensemble, même si elle ne le dit pas forcément, je sais qu’elle t’apprécie et qu’elle tient à toi quand même. Au pire, je sais que tu auras toujours son amitié. Enfin, si on la retrouve vivante.
_Je ne veux plus de son amitié…
_Pourquoi ce revirement ?
_Ce n’est pas pour mon amitié qu’elle a fait tout ce voyage.
_Ce n’est peut-être pas pour lui non plus dans le fond, elle m’a dit qu’elle faisait une retraite. Je pense qu’elle avait besoin de savoir où elle en était et elle s’est perdue en route. A nous, ses amis, de la retrouver sur le sentier de la vie.
_Tu deviens philosophe maintenant !
_C’est le manque de sommeil. Non franchement, Milan, tu es un homme en or, tu as toujours supporté l’insupportable pour elle, tu as toujours cherché à maintenir une saine amitié entre vous, tu l’as toujours aidé, tu vas même jusqu’à Madagascar pour elle. Toutes les femmes rêveraient qu’on fasse ça pour elle… D’autant plus Raphaëlle. Tu sais, dans le fond, elle est totalement romanesque. Elle ne vit bien la vie qu’à travers de belles histoires et celle qui tu es en train d’échafauder pour elle est magnifique. » Je m’étonnais moi-même de cette métaphore qu’aurait pu sortir Raphaëlle elle-même. Elle me manquait terriblement.
Milan resta silencieux le reste du trajet, pendant que je dormais.
Le reste du voyage ne se passa pas vraiment comme prévu. Le deuxième vol que nous devions prendre pour enfin rejoindre Antananarivo avait été annulé, il n’y avait pas de vols avec une dizaine d’heures. Milan réserva donc une nuit d’hôtel pour qu’on soit tranquille et qu’il puisse dormir un peu. Il était resté éveillé durant tout le voyage.
Je descendis à la réception pour utiliser le wifi. Que ne fut pas mon agréable surprise quand je vis un message venant du profil de Raphaëlle. Je l’ouvris en toute vitesse pour voir si mon message avait eu l’effet escompté. A première vue, je me disais que non : Je vais très bien. Merci. S’était-elle contentée de répondre. « Je vais très bien. Merci. » ? Ce ne pouvait être elle qui m’avait répondu cela. La voyant connectée j'essayai de l’appeler. Aucune réponse. Je lui répondis alors : Demain, nous serons à Antananarivo. Il faut qu’on te voie.
Et un continent presque entier de traversé pour toi ma grande, plus qu’un océan et on te sauvera. Tiens bon.
Ne sachant pas comment Raphaëlle a bien pu réagir à cela, je laisserais la narratrice continuer…
A moins qu’elle ait décidé de disparaître elle aussi…
Bon, alors l’histoire s’arrête donc là ? C’est incroyable d’être aussi susceptible… Non, vraiment… C’est…
Le ciel était sombre, l’heure avancée. Leurs corps lovés l’un contre l’autre dans le luxueux hôtel qu’avait réservé Raphaëlle. Mue par la curiosité de savoir ce qu’il pouvait bien se passer dans son ancien univers, Raphaëlle se leva et descendit à la réception pour se connecter au wifi et prendre un café. Elle lisait les actualités tout en sirotant son café, assise sur un canapé. Aucune notification, aucun appel. Ainsi, son monde n’en avait que faire qu’elle ait disparu ? Celui de Fanantenana était bouleversé de l’avoir trouvé enfin. Elle avait décidément bien fait de s’en aller.
Fanantenana la rejoignit dans la matinée. Ils avaient passé trois jours délicieux à profiter de l’hôtel et de leurs retrouvailles. Enfin retrouvailles est un bien grand mot lorsqu’il s’agit de deux personnes qui ne se sont jamais vus. Il passa les bras autour de son cou pour l’embrasser. Elle se laissa docilement faire avec délice. Il s’assit près d’elle et la voyant ainsi plongée dans son téléphone, il fit de même. Se connecta au wifi de l’hôtel. Son téléphone sonna, il avait reçu un message :
« Tu connais une certaine Miraz, mon amour ? Demanda-t-il perplexe,
_C’est ma colocataire, pourquoi ? » Fit-elle en s’approchant de lui pour voir de quoi il s’agissait. Son cœur se serra en lisant le message de Miraz. Ainsi, elle l’avait retrouvée. Ainsi, elle savait pour qui elle était là. Ainsi, elle savait toute l’histoire et ainsi, elle savait qu’elle lui avait effrontément mentie sur toute la ligne.
« Ne lui réponds pas.
_Pourquoi elle dit que tu es en danger ? Tu lui as dit quoi sur moi ? Je croyais que tu avais parlé de moi à personne, comment m’a-t-elle trouvé ?
_Je n’en ai aucune idée…
_Tu devrais peut-être lui répondre. Et lui dire que je ne te fais et ne te ferais jamais de mal.
_Je lui enverrais un message tout à l’heure…
_Je comprends de moins en moins pourquoi tu refuses de leur parler de moi. Je te fais honte ?
_Non, bien sûr que non, je te l’ai dit, mes proches peuvent avoir des réactions excessives face à ce qu’ils ne comprennent pas et en voici la preuve. Ils ne peuvent pas comprendre pourquoi et combien je t’aime ! S’exclama-t-elle en l’embrassant amoureusement.
_Je vais faire semblant de te croire… Comme toujours… » Répondit-il maussade.
Il n’insista pas, encore une fois. Et elle comprit, à ce moment-là, que ce n’était plus par patience qu’il lui laissait le temps de s’exprimer mais par lassitude. Elle sentait qu’il s’en fallait de peu pour qu’elle perde la partie.
Le soir-même, Raphaëlle prit la peine de répondre à son amie d’un lapidaire et agacé : « Je vais très bien. Merci ». Elle ne voulait pas que Fanantenana découvre le jeu auquel elle jouait depuis le début et qu’il découvre tous les mensonges qu’elles avaient tissés au cours de son voyage pour le rejoindre. Il ne comprendrait pas. Personne ne comprenait, puisque c’était complètement absurde.
Miraz lui répondit à l’instant même : « Je suis là, il faut qu’on te voie. J’ai trouvé un double de la réservation de ton voyage. Je dois dire que ton côté anxieux à toujours prévoir les choses en double m’a bien servi au lieu de me rendre folle pour une fois. On arrive ». Elle voulut lui répondre mais encore une fois, les plombs sautèrent.
Comment ça, on arrive ? Se demanda-t-elle,
_Peut-être que Robin l’a prise en otage pour t’appâter ? Chuchota une voix derrière elle. Elle se retourna mais ne vit personne à part une employée de l’hôtel qui la regarda étrangement.
J’ai dû rêver… Se ressaisit-elle. Elle alla se chercher quelque chose à manger en attendant que l’électricité ne revienne.
Ils sont là… Murmura à nouveau la voix. Raphaëlle regarda tout autour d’elle. Elle ne voyait rien de plus qu’une obscurité épaisse.
« Qui est là ?! Demanda-t-elle avec véhémence,
_Rien de plus que les ténèbres, répondirent une dizaine de voix en cœur,
_Qui êtes-vous ?! Que me voulez-vous ?! ordonna-t-elle,
_Raphaëlle ?! C’est toi ? S’exclama une voix masculine qu’elle semblait reconnaître.
_Milan ?! C’est bien toi ?
_Oui, où es-tu ? » Il demandait cela tout en s’approchant du son de la voix de Raphaëlle quand la lumière se ralluma. Miraz se tenait derrière lui et sauta au cou de son amie qui était complètement dubitative. Elle n’y croyait pas. Ils étaient venus tous les deux la chercher. La situation était-elle si grave que cela ?
« Mais que faites-vous ici ? Tout va bien ! S’étonna-t-elle,
_Raphaëlle, tu nous as menti ! Alors excuse-nous de nous être inquiéter effectivement ! Je n’étais même pas sûre de l’endroit où tu pouvais bien te trouver, tu ne m’as pas dit que tu allais venir ici pour rencontrer quelqu’un que tu n’avais jamais vu et tu as un malade aux trousses qui refuse de te laisser tranquille ! Je crois que c’est suffisamment alarmant pour venir te chercher ! Rétorqua Miraz,
_Un malade aux trousses ? Intervint Milan ébaubi,
_ça aussi, ça fait partie des choses que Raphaëlle devra t’expliquer d’elle-même.
_Alors tu n’es au courant de rien Milan ?
_Je sais juste que tu es venu rejoindre le frère de Fara apparemment…
_Le frère de Fara ?
_Comment ça « le frère de Fara ? » ? Questionna Miraz,
_Je n’étais pas certaine que ce soit vrai. La Fa que j’ai vu me donner l’adresse de Fanantenana n’était pas Fara du tout. Je ne sais pas qui c’est, mais leur plan était élaboré.
_Apparemment, elle ne savait pas au début qu’il s’agissait de toi. Mais elle nous a aidés à te retrouver. Nous étions même prêts à aller te chercher chez son frère.
_Arrivés chez lui, un homme nous a dit que vous étiez à l’hôtel. Heureusement, Miraz a pensé à fouiller ta chambre pour récupérer le double de ta réservation.
_Elle nous a dit que c’était par son intermédiaire que son frère t’avait trouvé mais qu’il lui avait toujours assuré que tu n’avais jamais répondu.
_Je suis pourtant certaine que c’est elle qui m’a dit que Fanantenana était en danger et qu’il était au bord du suicide !
_Peut-être qu’il a fini par tout lui lâcher. On pourrait peut-être allé le voir et lui demander sa version de l’histoire ? Il ne pourra pas mentir plus longtemps. Je veux savoir ce qu’il a dans le ventre ! Argua Milan,
_Que se passe-t-il ?! S’exclama Fanantenana qui arrivait à leur hauteur en marchant péniblement,
_Ah te voilà toi ! S’emporta Milan en s’avançant vers lui menaçant. Je te conseille de nous donner des explications. Pourquoi as-tu enlevé Raphaëlle ?!
_Calmez-vous, elle est venue ici d’elle-même !
_Tu as menti pour qu’elle vienne ici, tu l’as manipulé ! Jamais elle n’aurait fait ça d’elle-même. Je la connais trop bien. C’est une de mes meilleures amies… fit Milan atterré,
_Je ne vous suis pas… Je n’ai jamais menti, je l’aime, elle m’aime ! C’est tout ! »
Sous le coup de la colère, Milan le poussa et Fanantenana tomba à la renverse. Raphaëlle se précipita sur lui :
« Milan, tu es complètement fou ! Aboya-t-elle, il peut à peine marcher ! Elle le prit dans ses bras comme un enfant que l’on cherche à réconforter,
_Tu es sous sa coupe Raphaëlle, regarde-toi, tu n’es plus que l’ombre de celle que tu étais… Intervint Miraz,
_J’ai toujours joué un rôle… Avec Fanantenana je suis moi-même. Vous n’auriez jamais dû venir me chercher car je ne vous suivrais pas. Je suis heureuse ici.
_C’est de la folie furieuse, insista Miraz, Tu t’entends parler ?! Qu’est-ce qu’il t’a fait pour que ne puisses plus te passer de lui ?
_Il m’a aimé…
_Moi aussi je t’ai aimé et je t’aime toujours ! Objecta Milan, pourquoi le mien d’amour ne t’a pas suffi ? Pourquoi tu m’as toujours rejeté ? Pourquoi tu as préféré partir à l’autre bout du monde chercher ce que tu avais près de toi depuis toujours ? Je ne comprends pas… S’indigna Milan,
_Vous ne pouvez pas comprendre parce que vous ne savez pas aimer à en mourir. Toi Miraz, tu t’es enfermé dans une relation monotone et triste parce que c’est tout ce que tu sais faire, toi Milan, tu ne m’as jamais avoué ça clairement. Tu t’es toujours caché derrière ton humour.
_Si je te l’avais dit directement, tu m’aurais laissé ma chance ? Tu semblais si sûre de ne rien vouloir de plus. Tu m’as barré la route tant de fois lorsque je tentais de t’approcher. Pourquoi tu as fait tout ça ?
_Raphaëlle, tu l’as aimé ? S’offensa Fanantenana,
_Quoi ? Non… Mais je ne sais pas ce que le temps m’aurait révélé. Enfin, ça n’a plus d’importance maintenant… Plus rien ne compte maintenant…
_Je veux que tu avoues t’être servi de Raphaëlle ! Fulmina Milan et prenant Fanantenana par le col, n’essaie pas de mentir encore une fois, je vois clair dans ton jeu. Des comme toi, j’en ai vu à la pelle dans toute ma carrière ! Et le fait que tu sois handicapé ne m’empêchera pas de te frapper ! Pour l’amour de Raphaëlle…
_Lâche-le ! S’emporta Raphaëlle, il ne t’a rien fait !
_Il a failli briser l’amie la plus importante que j’avais !
_Au début, je voulais seulement qu’elle m’aide… Mais, quelque chose dans ses yeux m’intriguait et j’ai cherché à savoir ce que c’était et j’en ai oublié pourquoi je la contactais. Elle a une si belle personnalité.
_Tu ne lui as jamais demandé de venir ici ? De te ramener en France ? S’enquit Miraz interloquée,
_Non… A aucun moment. Je ne pouvais pas lui demander ça, je l’aime trop. Je ne veux pas lui faire de mal.
_Pourtant, c’est toi qui as tout fait pour qu’elle vienne ici ! répliqua Milan,
_Je n’en pouvais plus de la voir entrer et sortir de ma vie. Je voulais qu’elle se décide une fois pour toute. Je me suis dit qu’en provoquant notre rencontre, j’aurais une réponse claire… »
Il disait cela avec tellement de fluidité que ça semblait vrai. Raphaëlle fut envahie par le doute. Elle n’était plus certaine de savoir qui était Milan et ce qu’il représentait pour elle. Fanantenana avait joué sur ses sentiments pour la faire venir, Milan s’était servi des siens pour la retrouver.
Tu as encore tout faux… Chuchota à nouveau la voix.
_Je ne sais pas qui vous êtes mais laissez-moi tranquille !
_Alors, on ne reconnaît plus sa chère Noélie ?
_Je croyais t’avoir tué !
_Tu ne pourras jamais m’échapper, garde bien cela en mémoire. Tu ne peux que fermer pour quelques temps tes oreilles à mes rappels. Mais je reviens encore et encore.
_Je ne te laisserais pas choisir pour moi. J’aime Fanantenana et je resterais avec lui quoi qu’il arrive !
_Très bien.
_Très bien ?
_Je suis d’accord, fais comme tu le sens.
_Non, tu devrais me dire que je suis folle ! Que j’ai toutes les raisons du monde de choisir Milan !
_Pourquoi ? Ta raison te commande d’abandonner Fanantenana ?
_Non, toi, tu me commandes toujours de céder à la facilité et de ne jamais plus chercher à t’affronter.
_Je te laisse faire ton choix. C’est ce que tu veux il me semble…Oh, sans mes objections, tu ne sais plus vers qui te tourner ? Peu importe le choix que tu fais… Je te contrôle dans un sens ou dans l’autre…
Elle regardait Milan en réfléchissant à tout ça. Tout se brouillait dans sa tête. Elle ne savait plus que penser. Qui disait vrai dans toute cette histoire ? Sa vision se brouilla également et elle se sentit comme quitter son être et vit son corps tomber à la renverse. Milan et Miraz se précipitèrent pour la rattraper. Ils la montèrent dans sa chambre, se disputèrent encore une fois avec Fanantenana, lui intimèrent de s’en aller et de ne jamais revenir.
Miraz avoua tout ce que Raphaëlle refusait de dire depuis tout jour ce qui blessa définitivement l’égo de sa meilleure amie. Elle ne l’entendit pas mais elle l’a vit prononcer ces paroles :
« Raphaëlle est malade ! Ses réactions ne sont pas celles d’une personne normale ! Elle est dépressive… S’il te plaît, disparaît de sa vie maintenant, pendant qu’il est encore temps de la sauver d’elle-même… »
Fanantenana, ne semblait pas tout comprendre sur le moment et s’en alla anéanti avec le collier de Raphaëlle dans la main.
Milan veilla Raphaëlle, affaiblie, toute la nuit. Il ne lui reprocha jamais rien, ne se permit pas non plus de se laisser éprouver une rancœur silencieuse à son égard. Dans la nuit, Raphaëlle leva les yeux vers lui :
« Merci d’être venu me chercher Milan, formula-t-elle difficilement,
_C’est normal, tu es ma collègue préférée, plaisanta-t-il,
_Je ne mérite même pas ton amitié. Je t’ai toujours mis de côté et toi tu viens jusqu’ici pour me retrouver.
_Je ne supporte pas de te savoir loin de moi je crois ! » Répondit-il mollement en l’embrassant.
Raphaëlle ne le repoussa pas mais ne lui rendit pas non plus son baiser.
« Tu l’aimes vraiment ? L’interrogea-t-il tristement,
_Je crois que je n’ai jamais aimé quelqu’un comme ça.
_Je me disais la même chose te concernant, c’est étrange non ? Comme le destin peut refuser de se faire rencontrer nos amours…
_Je ne crois pas au destin.
_Pourtant tu es venue jusqu’ici sur une intuition.
_C’est Noélie, elle m’a fait perdre la raison.
_Qui est Noélie ?
_C’est ma maladie…
_C’est un peu bizarre de la personnifier comme ça, je ne suis pas sûr que ce soit très sain… Mais admettons…
_J’ai toujours cherché à éviter de tomber amoureuse car le peu de fois où je l’ai été ça a été désastreux !
_ça l’est encore je crois !
_J’ai cru être amoureuse de Robin, il m’a détruit en me faisant tout le mal qu’il était déraisonnable de me faire. J’ai été amoureuse d’un garçon qui ne me voulait que pour lui. J’ai toujours eu le chic pour me perdre presque dans les relations que j’ai entretenues jusqu’à maintenant et là je rencontre enfin quelqu’un qui ne m’ordonne pas d’être une autre que moi…
_J’aime la Raphaëlle que tu montres comme celle que tu es… Tu sais quel est ton problème ? Tu aimes trop Raphaëlle, et tu as peur qu’on se serve de ça contre toi. Tu te tournes toujours vers des personnes qui, affolé de voir le pouvoir qu’elles ont sur toi, t’enferment, te menottent, de peur de te voir disparaître. Parce que tu aimerais réussir à rester dans le fond. Je me trompe ?
_ça ne peut pas marcher comme ça…
_Disons que ce n’est pas très sain comme relation mais ça se soigne. »
Elle avait très mal pris la dernière phrase. « Ça se soigne » ? On ne soigne pas quelqu’un qui se croit aller bien et se persuade qu’il gère parfaitement la situation. Mais le fait est qu’elle était complètement perdue ! Et au fond, elle le savait très bien ! Noélie l’empêchait de réfléchir correctement et elle la poussait à rester dans l’écume maladive de ses sentiments intenses qu’elle induisait. Et la résistance à la raison que Raphaëlle s’était construite désormais en réponse n’était pas la meilleure solution. Quitte à être malmenée par ses émotions, elle allait s’y abandonner totalement et se laisser porter.
Respecter ses sentiments et ses émotions… Voulait-il dire qu’elle devait leur laisser le champ libre ? C’est ce qu’elle avait essayé de faire mais ce n’est pas ce qui l’avait sauvé.
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