St Valentin - L'olive Nucléaire ou "le coup de foudre"
— Magne ton cul, ou c'est l'nôtre qui va prendre cher !
Sa voix avait l'accent tranchant et irrésistible de la ciguë. Ma main serrée dans la sienne m'entraînait malgré moi dans un tourbillon de feuilles. Je riais aux éclats alors que le gardien du centre commercial nous poursuivait lourdement sur le bitume. En vain : le vent soufflait si fort qu'il emportait nos éclats et les vociférations. Notre course folle ne prit fin que lorsque le vent étouffa tout, jusqu'à sécher nos larmes de plaisir. Nous nous enfuyâmes dans la nuit noire et sans lune.
Olive me regardait avec des yeux plus lumineux que les rares lampadaires sur la route désolée de la rue Jacques Lafeuille. Son sourire étirait son visage scintillant de sueur. Un véritable revolver chargé sur pattes, plus dégingandée qu'un dandy manchot. Une magnifique fumisterie dont je ne pouvais pas me détacher. Je revins vers ses yeux : bien plus qu'une simple voracité l'habitait. Et moi de même, elle le sentait : surprise de considérer que j'irais encore plus loin, elle me caqueta :
— Cap ou pas cap ?
La haute tour de contrôle, à quelques mètres dans le champ, bipant et clignotant dans la pénombre de la nuit noire et sans lune. Difficile d'accès quand on avait pas la clé. Émoustillé par mes émotions qui tenaient les rênes, je pouffais et m'inclinait devant Olive de façon plus maladroite que théâtrale.
Je m'élançais avec la célérité de la bourrasque et aggripait solidement chaque barreau. La fermeté enroulée de mes mains cherchaient les belles prises, se calaient entre les replis et les boulons, chassaient la peur qui aurait pu, aurait dû m'habiter. Puis je regardais en bas, pensant que je verrais Olive. Mais non ; elle aussi prenait l'ascension pour une simple rigolade, et se trouvait devant moi ! Moi, l'intrépide qui sacrifiait monts et veaux pour elle, celui qui rompait les règles de l'index et du pouce. Olive m'épatait : sa grâce dérangée mêlée à son dialecte provocateur me poussait vers des sommets que je n'aurais jamais atteint par ma simple démence.
—Dis donc, on se dégonfle ? Y a que du gras sous ces bras ?
Mon effort s'accompagna d'un grognement de reproche. Je me hissais… et entendit Olivia hurler à la nuit noire et sans lune. Je levais les yeux, et un bref éclair illumina le ciel : l'endiablée dansait sur les échafauds métalliques en se moquant de la mort. L'orage gronda. Pourtant je continuais, insatiable de découvertes. Allais-je m'embraser si fort sous son regard ferreux au point même que la foudre s'évaporerait à mon contact ? Je délirais, sueur au front. Fièvre ou fatigue, je n'en en cure : c'était mon te deum pour la Olivia.
Je finis par la rejoindre sur l'estrade grillagée de l'apex d'acier. La foudre tomba dans le champ d'à-côté, et je vis l'ardente conviction dans son regard, la vie qui pulsait de sa gorge sous ses caquètements, de sa poitrine sous ses respirations. Elle me tira vers elle pour que je l'embrasse, que j'avale sa bouche tel un ogre à jeun. Jeunes nous étions, jeunes nous fûmes alors et jeunes resterons à jamais. Je m'écartais pour reprendre mon souffle de cette plongée sous marine, mon nez effleurant le sien. Je ris doucement, elle ricana. Rien chez elle n'était charmant. Tout chez elle m'enivrait.
— Je t'aime, haletai-je.
La foudre frappa le champ dans lequel nous nous trouvions, m'aveuglant momentanément. Quand je rouvris les yeux, et ce malgré la pénombre, je la vis la bouche ouverte, étonnée. Moi pas. Elle avait perdu !
Puis le tonnerre gronda pour couvrir nos rires.
La sans lune et noire nuit couvrirent nos ébats.
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