Quand quelqu'un vient me dire qu'il n'y a personne

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Un jour, il faudra qu'on m'explique pourquoi le téléphone sonne quand on est au bain. C'est cliché mais c'est vrai. Et il faudra aussi me dire pourquoi je reçois toujours la visite d'êtres abstraits et surnaturels quand je viens de me poser avec une tasse de thé.

Je suis donc allée ouvrir la porte, presque soulagée qu'on m'arrache à ma page blanche. Comme prévu, un personnage plus que singulier se tenait sur le seuil.

C'était une fille. Grande et longiligne, avec des lunettes rondes et un teint grisâtre. Avec ses yeux pleins de désillusion au milieu de son visage de jeune femme, elle était à l'exact opposé de la Paix et son regard sage et joyeux. Elle arborait une mèche d'un rose fané, des iris couleur de nuit, et portait un sweat dont le lilas grisâtre et délavé aurait pu me faire détester toutes les nuances de violet.

Un instant, je crus me trouver dans le siège passager d'une voiture, de nuit, avec de la musique dans les oreilles et dans la tête. C'était la même sensation, mélancolique et entêtante. Avant que je puisse lui poser la moindre question, elle me répondit.

— Je suis la Solitude, et je suis venue te tenir compagnie.

Jamais je n'aurais pensé qu'un ton aussi monocorde aurait quoi que ce soit de mélodieux. Mais j'étais déjà seule avant son arrivée, et je ne l'étais plus tant.

— Mais j'étais déjà seule avant que vous ne toquiez ! objectai-je.

— J'étais déjà là, c'est juste que tu ne m'avais pas remarquée...

je n'aimais pas la manière dont elle me parlait, le regard fixé sur ses ballerines noires et ses jambières ternes.

— Et maintenant, je ne le suis plus, et je le regrette.

— Bien sûr que si, tu es seule, puisque seule la solitude te tient compagnie.

— C'est bien là le drame, je voulais être seule, et la solitude elle-même s'est incarnée pour me déranger. Si je t'aime bien, c'est justement parce que tu ne me déranges pas !

Elle a balbutié quelque chose et ébourriffé sa frange.

— Et bien maintenant je suis là, et tu ne me chasseras pas !

Je lui ai claqué la porte au nez.

Dedans, le téléphone sonnait. C'était un démarcheur. J'ai décroché, tout sourire, et pris ma voix la plus aiguë.

— Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur de Blanche-Neige ! Laissez un message et les sept nains vous répondront !

Il a raccroché et j'ai composé le numéro de l'un de mes amis. Les premiers bips se sont vite faits entendre.

J'ai regardé par la fenêtre, pour voir la solitude s'éloigner à grands pas et s'évaporer au bout de la rue en fine poussière.

On n'est seul que quand on décide de l'être.

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