La brune qui pissait
Je me demande qui me lira à cet instant. Ce ne sont que des pensées, des tirades mal-affirmées que je laisse couler sur une page vierge tel le violeur lors son premier acte. J'avance d'un pas incertain, mais déterminé vers le destin que je me suis écrit dans un passé pas si lointain. Quel est le sens réel de ce testament ? Je n'en sais trop rien. Peut-être que c'est l'alcool qui me fait expliciter ces mots. Peut-être est-ce la volonté d'attirer votre regard de voyeur insatisfait qui m'excite et agite ma plume comme ma queue dans votre fourreau.
Vous n'êtes que des ordures qui n'assument nullement cette envie tapis au fond de vous. Celle-là même qui vous pousse à lire encore et toujours mes histoires. La même qui vous fait gicler une goutte de pisse lorsque vous lisez une atrocité. Vous n'êtes qu'une vermine avide de téléréalités et faits divers sordides, toujours frustrés et déçus de ne pas avoir plus de détails.
Alors vous buvez mes paroles tels des sangsues. Vous espérez que j'aille plus loin dans mes descriptions que ces journalistes de pacotilles, qui n'ont jamais vu un corps démembré, un cadavre en putréfaction ou je ne sais quelle monstruosité. Vous attendez de moi que j'offre mon vécu, mes envies et ma réalité sur un plateau d'argent comme fût offerte la tête de Jean le Baptiste à Hérodiade.
Je voudrais vous offrir ces mots pour vous faire comprendre que ces choses de la vie, que sont le meurtre, la violence gratuite et les tueries, ne sont pas belles à lire et à voir, mais je sais que vous en redemanderez. Votre soif est secrète mais insatiable. Laissez-moi combler ce manque le temps d'une lecture. Nous verrons bien qui aura l'envie d'en savoir plus.
Les cendres de ma clope s'envolent au loin. Emportées par le vent, elles virevoltent et disparaissent vers des contrées qui me sont inconnues. Je ferme les yeux un instant, un instant seulement, écoutant le bruit martelant de mon sang qui bouillonne. Mes veines tapent lourdement sur mon corps comme un bruit déchirant m'empêchant de sombrer dans un sommeil réparateur.
J'écrase mon mégot sur le sol froid et humide de cette ville où je vis. Aujourd'hui est un grand jour, un jour comme les autres. Cela fait des semaines que je patiente vainement, pensant qu'on me chopperait. Pourtant personne… Personne n’est venue, à six heures du matin, frapper à ma porte, marteleurs du dimanche. Il est neuf heure dix du soir sur ma montre et la température ne doit dépasser les trois degrés. Je tremble de tout mon être, mais je ne suis pas certain que cela soit causé par le temps, la peur, l'excitation ou ce que je viens de fumer.
Elle marche devant moi, ivre de vie et de martini ; titubant tel un cadeau de Noël ambulant. Je la suis sans réflexions particulières. Je sais ce que je veux et j'ai ce qu'il faut pour l'amener à vouloir de même.
Cela doit faire dix minutes que je suis cette brune bourrée. Rue après rue, trottoir après trottoir, je l'admire roulant inconsciemment de son cul comme un appel ouvert au meurtre. Ce n'est pas sexuel, ce n'est pas vengeur ou revendicateur, c'est simplement animal et passionnel : une envie pure et sincère de destruction de vie.
Elle fait le code de son immeuble pour la troisième fois et réussi enfin à passer ce portail de fer et d'acier. Je me faufile derrière elle à la dernière minute. Je deviens ce voleur de pacotille, attendant la moindre occasion pour être intrusif dans le monde des hommes, volant âmes et biens au détriment de leurs possesseurs. Elle vit au troisième étage du cinq, rue du mérite. C'est un nom étrange mais que je respecte, car aujourd'hui je lui volerai tout mérite. Elle cherche sa clef. La bonne clef qui saura lui offrir paix et tranquillité dans son royaume loué mille quatre cents euros par mois dans un quartier très aisé.
Tout va très vite. Je suis dans son dos et lui mets mon couteau sous la gorge en me collant à elle. J'appuis fermement sur sa peau. Elle se raidit comme un chien de chasse flairant quelque chose.
_ Si tu fais quoi que ce soit de louche, je te la tranche ! T'as intérêt à être docile, je ne veux que ton argent. Si tu acceptes, fais un signe de la tête.
Si je lui disais que je voulais la buter, elle risquerait d'être moins coopérante. J'aime l'idée qu'elle puisse imaginer s'en sortir vivante. Il faut que cet espoir dure en elle, au moins, presque jusqu'à la fin. Elle acquiesce comme un bon chien et me laisse la guider à l'intérieur. Je ferme la porte du pied, après l'avoir poussée à l'intérieur en la gardant bien sous le contrôle de ma lame. Je lui passe des menottes, achetées à vingt euros sur internet, et fais de même à ses chevilles. Vous ne savez pas réellement pourquoi, mais le plus compliqué vient d'être passé. Une fois enchainée et face à la réalité, elles deviennent relativement dociles. Le reste n'est que modalité. Un sac plastique sur la tête et un bas en nylon pour faire office de corde, achetable à 8 euros sur cdiscount. On sert le tout d'un nœud simple mais bien ferme. Il me suffit ensuite de m'assoir sur son canapé et de l'admirer exécuter sa dernière danse. Je la pousse pour la faire tomber sur le sol et la regarde faire. Elle gesticule… C'est une battante, luttant contre mère Faucheuse elle-même. Son corps, très rapidement, est pris de spasmes et de convulsions, comme une gigue ultime avant de trépasser dans l'oubli.
Je suis spectateur et me repait de sa stupidité. Dans un dernier sursaut de vie, elle sautille de manière ridicule avant de sombrer.
Je suis comme possédé, je la fixe depuis le début et ne profite d'aucun entracte. Elle est morte, et son état la pousse à se pisser dessus. Vous vous attendiez à quoi ? Un spectacle de danse ? Peut-être bien à un sauvetage de dernière minute comme vos putains de films à l'eau de rose ? Ahah ! Je vois bien ce que vous imaginiez. Quelque chose de proche des livres et films que vous avalez comme des putains avides de bites ! Tout est censuré que vous le croyez ou non. Même ce que vous inhalez sur le deep web est si loin de ce que je peux ressentir lorsque je suis là à la contempler se chier littéralement dessus. C'est un peu comme sur la chaise électrique finalement, sans l'odeur de chair grillée en plus. Une fois morte, la chose se relâche totalement et pour peu qu'elle soit bien pleine, elle laisse la merde s'exprimer en son nom. Pourquoi croyez-vous que les condamnés à mort se font bourrer le cul de coton avant d'être grillé ?
J'ai envie de vous cracher au visage car vous ne pouvez comprendre ce que je ressens en cet instant. Je la domine ! Elle m'appartient, je suis Dieu...
Je suis Dieu et vous n'êtes rien.
J'ai ce droit que vous n'avez jamais osé prendre : le droit de vie et de mort sur une autre vie. Et croyez-moi, sa vie je vais la baiser si fort et pendant si longtemps, que les insectes nécrophages vont fuir son corps par la bouche.
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