Villeth
"01010010 11000011 10101001 01110110 01100101 01101001 01101100 01101100 01100101 00101101 01110100 01101111 01101001 00101100 00100000 01110000 01100101 01110100 01101001 01110100 00100000 11000011 10101010 01110100 01110010 01100101 00101110 00100000 01010100 01101111 01101110 00100000 01100100 01100101 01110011 01110100 01101001 01101110 00100000 01110100 00100111 01100001 01110100 01110100 01100101 01101110 01100100 00101110"
C'est au son familier des 0 et des 1 que Villeth reprit conscience. D'autres successions de chiffres lui parvenaient, mais surtout des stimulus extrêmement désagréables. Sa tête envoyait les stimulus les plus cinglants, mais le reste de son corps, notamment les jambes et les bras, transmettaient des messages perturbants. Ces stimulus négatifs s'accumulaient dans une jauge jusqu'à créer un mal être très important, un état de quasi panique qui le motivait à tout faire pour que cela cesse. Seulement, c'était impossible. Villeth connaissait bien ces stimulus : c'était la douleur.
Il commença par vérifier son environnement, à la recherche de quoi que ce soit qui puisse atténuer sa souffrance. Il était dans l'obscurité la plus totale, mais ses yeux percevaient les formes de quatre murs et d'une porte. En évaluant sommairement la température et la pression atmosphérique qu'il ressentait sur sa peau, il devina sans peine qu'il devait être dans une cave.
"01010000 01110010 01101001 01110011 01101111 01101110 ?"
Villeth saisit sa tête entre ses mains. Ses pensées qui survenaient à l'improviste lui donnaient la migraine. Se faisant il se rappela que la texture de sa peau avait été emportée par la pluie acide, mais en posant ses doigts sur son front, il ne pouvait pas sentir l'étoile gravée à cet endroit dans le métal. Il en conclut que quelqu'un avait rétabli son visage pendant qu'il était inconscient.
"01000001 01101101 01101001 01100011 01100001 01101100 00100000 01101111 01110101 00100000 01101001 01101110 01110100 11000011 10101001 01110010 01100101 01110011 01110011 11000011 10101001 ?"
Il se redressa sur ses jambes flageolantes. Il était à priori entier et toujours habillé, mais il devinait sans problème qu'on l'avait roué de coups pour l'affaiblir. Il paraissait évident qu'on l'avait traîné ici pour un but particulier, sinon il aurait déjà été démonté. Une intense frayeur le traversa quand il se demanda jusqu'où on irait si on voulait le briser. Il se projeta avec moult détails les façons les plus ignobles dont on pourrait le torturer physiquement. Sa projection était trop réaliste, sa panique lui faisant perdre le sens des mesures en ajoutant beaucoup trop de détails. En conséquence, sa projection cognitive lui valut une répercussion concrète. Il se demanda comment il réagirait si on l'affamait, et à ce moment précis il eut faim. Un grognement étouffé vibra dans sa gorge pour exprimer sa frustration. Il avait faim et ne pourrait pas satisfaire cette pulsion, d'une part. D'autre part, sachant cela, il augmenterait invariablement sa panique, résultant en plus de faim. Non seulement c'était un cercle vicieux, mais il en avait conscience, tout comme il avait conscience que le fait d'être conscient de ce cercle vicieux allait lui aussi participer à augmenter son stress et donc sa faim. La résultante finale, Villeth la connaissait d'autant mieux qu'elle se faisait déjà sentir: de la frustration, un sentiment d'impuissance, de l'automépris. Tout cela c'étaient des choses qu'il connaissait bien, c'étaient des fatalités, mais pour autant il ne pouvait rien faire pour diminuer la souffrance que ça provoquait. Il avait été conçu de telle sorte que toutes ces choses soient inéluctables. Impossible de déconnecter ses circuits de douleur, de disjoncter ses modulateurs de souffrance, de court-circuiter les processeurs de frustration ou même d'ignorer la faim qui le saisissait au moins toutes les vingt quatre heures, aléatoirement, alors même qu'il pouvait survivre des années sans aucun apport d'énergie. Non seulement il n'avait pas été conçu pour pouvoir faire cesser tous ces programmes désagréables, mais en plus ça n'était pas souhaitable, hélas. Pour son propre bien, il devait endurer.
Il tourna en rond dans la salle avec ardeur, cognant contre les murs comme si il espérait découvrir une source d'énergie cachée quelque part. De rage et de dépit, il frappa sa tête contre la porte, ce qu'il regretta amèrement. La douleur de son coup à la tête additionnée de celle de ce choc, il avait atteint un seuil où il aurait presque dû à nouveau perdre connaissance. Désespéré, il décida de crier aussi fort qu'il le pouvait:
"Au secours ! À l'aide ! S'il vous plaît ! Au secours !"
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