Braconnière et voleuse
Je me suis retrouvée sans mon père. Il n'avait aucune chance contre ces bandits, je ne le reverrais certainement plus jamais. Je le sais.
Je reste à l'affut d'une proie dans les bois, il me faut me nourrir ce soir et maintenant je suis seule. Je dois me débrouiller. Je dois survivre. Il n'est plus là pour me prodiger ses conseils, je me suis toujours demandée comment pourrais-je me débrouiller sans lui, sans ses conseils ?Maintenant, je sais... je fais avec.
Les années passent, je grandis et fort heureusement je suis toujours en vie. Plus forte et plus douée qu'avant, âgée de 17 ans. J'ai affronté des bandits, des violeurs, des voleurs, des assassins... toute la racaille en ce bas-monde, au détour des faubourgs ou dans de sombre forets. Bravé les hivers glaçants et les été brûlant, je profite désormais de la douceur printanière en faisant le compte de mes larçins en ville cette après-midi.
- Seulement quelques sous... ce n'est pas avec ça que j'pourrais faire bonne pitance, fais-je mécontente de mon butin.
Me méprisant pour cette déception, je me lève et attrape mon arc rudimentaire, une simple branche courbée avec une fragile corde que je me suis procurée dans un village voisin. Je pars à la chasse en espérant pouvoir avoir quelques prises, de quoi me nourir et de quoi revendre au marché.
Après deux heures, je m'en retourne à mon campement avec deux lapins et d'autres petits animaux facile à transporter. Inutile de préciser que je serais incapable de transporter un sanglier. Un bref coup d'oeil sur mon camp me permet de faire l'inventaire de ce que je garde et de ce que je vends, les peaux pourraient me rapporter quelques sous.
Avant de partir, je prends un bref instant pour manger quelques baies ceuillies. Je me lève ensuite et me met en route, je ne suis pas très loin de la ville... en effet, au bout d'une demi-heure de marche sans problème, je vois enfin les murailles de Narbonne se dresser fièrement dans le paysage. Je passe les portes sans que les gardes ne me dise quoi que ce soit, ils sont plus occupés à regarder les jeunes et jolies filles qui passe, surtout celles qui sont présentables. Ils ne risquent pas de porter attention à une braconnière débraillée et sale, qui empeste parce que son dernier bain remonte à plus d'une semaine.
Mes cheveux longs et noirs sont chaotique, absolument pas coiffés. Mon visage est certainement terreux, certainement avec des cernes très prononcées ne fermant que très peu les yeux la nuit. Pour autant, je suis petite et plutôt fine, ce qui fait que je suis plutôt agile. Mais aussi à peine assez musclée pour réussir à porter une épée légère. Mes mains sont en piteux état, marquées par l'exercice de l'arc à cause de la corde notamment.
Une fois sur la place du marché, je me dirige vers le tanneur afin de lui vendre mes peaux qu'il me reprend pour une bouchée de pain. Je fais la moue mais c'est mieux que rien. Je marche ensuite quelques instants dans la rue boueuse alors que quelques citadins discutent et braillent en jugeant la qualité de la viande alors que je me trouve devant une boucherie. Les morceaux de viande empestent, les mouches ne se font pas prier. Sur le côté, en pleine rue, je vois le boucher égorger un porc en demandant aux clients d'attendre quelques secondes.
Le voir à son affaire ne me fait rien, je suis habituée à mettre à mort des animaux pour me nourrir. Au bout de quelques minutes, après avoir servit les autres clients, le voilà à s'occuper de moi.
- Que veux-tu, la gueuse ? me lance t'il de dédain.
- Je vends mes prises de chasse... fais-je en montrant mes deux lapins en les tenant par les oreiles dans la main droite.
Le boucher les observes quelques instants avant de reprendre.
- Une chasseuse qui vient vendre chez moi... Je t'en donne quelques pièces et pas une de plus.
- Si peu ?! je m'emporte alors face à la somme ridicule qu'il m'offre. Voleur !
- Répète un peu ça, ribaude ! le boucher s'avance, son couteau à la main. Je recule en même temps.
- La boursemolle s'énerve, mais elle n'est rien de moins qu'un couard.
Le visage en colère, le boucher au ventre bien potant se jetta sur moi. D'un trait, je prends la fuite. Comme il ne pouvait pas quitter son établit sans surveillance, il ne se lanca pas à ma poursuite. Fière de l'avoir provoquée, je n'avais pourtant pas tiré grand chose de l'affaire. Je suis aussi piètre voleuse que marchande et diplomate.
Me préparant pour repartir à mon camp, en ayant terminé ici, une personne me tire alors par l'épaule. Surprise, je me retourne pour faire face à un garçon d'à peu près mon âge aussi défroqué que moi : sans doute un garçon des rues. Je fais attention à mes affaires, une voleuse sait reconnaître un voleur.
Il finit par sourire au bout de quelques secondes avant de prendre la parole.
- Je t'ai entendue te plaindre du boucher. Ce mec est une merdaille.
- Ah oui ! Cet escroc ne m'a donné presque rien, pour deux si beaux lapins.
- Ecoute, si tu veux de plus belles prises il t'y faut aller sur les terres seigneuriales !
- Quoi ? Chasse illégalement sur les terres de Pedro Manrique de Lara ?
- Mais oui, ses terres sont plus vastes, tu y trouveras plus de prises ! Et pis, fait juste attention de ne pas trouver les soldats. Mais y a pas de brigands.
Je réfléchis quelques instants à l'idée. Il n'a pas tord, les soldats du seigneurs ne peuvent pas contrôler toutes ses terres et il y a certainement une faune plus abondante qu'ici. Je le remercie pour le conseil, et quitte la ville en direction des terres environnante. Les paysans peuvent y travailleur la terre par endroits, moyennant finance bien sûr. Mais une partie est laissée boisée pour la chasse personnelle du vicomte.
Je fais en sorte de me rendre au plus loin de la ville, à la frontière de ses terres. Il y a moins de chance de tomber sur les possibles vigiles ici. Parfois certains des soldats peuvent surveiller les braconniers comme moi, mais aussi la possibilité d'une intrusion ennemie.
Je sors mon arc d'autour de ma taille et commence à me mettre à l'affut. Au bout d'une heure ou deux, je me retrouve avec plus de prise que je n'en avais en une journée ! Et de belles prises qui plus est ! Alors que je suis satisfaite, j'entends soudain des voix dans mon dos. Des chuchotements... mon ouïe aguisée me fait pourtant les repérer sans pouvoir comprendre ce qu'il est dit.
Je me retourne alors. Se sachant découverts, mes observateurs se démasquent. Deux soldats de la garde narbonnaise. L'un d'eux s'avance alors, arme à la main.
- Eh bien Hermance , on dirait que nous avons là une belle donzelle perdue, l'autre houlier en ville a donc dit vrai. Alors on chasse sur les terres seigneuriales ?
"L'autre houlier en ville", il veulent parler de ce garçon ? C'était donc un piège, il m'a dénoncée en sachant que je viendrais. Sans doute pour une récompense.
- Peste, messieurs, vous vous lobez ! fais-je alors désemparée.
- Nous lober ? Tu as un arc dans la main, et tes prises dans l'autre ribaude ! Tu vas venir avec nous, et après tu iras te balader au bout d'une corde !
- Non. Je vous en prie, laissez moi partir et je ferais ce que vous voulez !
- On peut déjà te faire ce que l'on veut, allons pas d'histoire.
Ne pouvant me sortir de cette situation, je me laisse emporter à mon triste sort alors que les soldats me prennent par les bras. Ils me confisquent alors mes armes et mes objets. Je ferme les yeux, ce traîte m'a dénoncée aux soldats du Seigneur. Ils ont certainemet dut me suivre quand je suis sortie de la ville et ils ont attendu que je termine ma chasse pour avoir des preuves supplémentaire, même si ma simple présence là-bas suffisait.
Voilà bien longtemps que la ville n'avait pas eu d'exécution publique à voir. Et je suis certainement la prochaine.
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