C’est plus facile de faire attention à ce qu’on dit que de faire attention à ce que disent les autres.
Dans la voiture, je me suis assise à l’arrière pour l’humain miniature me raconte le début de ses vacances. En moins d’une semaine, il a eu le temps de monter un poney, voir un match de hockey et visiter le planétarium ; forcément. Sorti de sa phase super-héros l’année dernière, il aspire à devenir astronaute depuis quelques mois, d’où le télescope.
— Un jour, j’irai dans l’espace, jure-t-il. Et j’aurais ma maison la lune où je pourrais faire tout ce que je veux !
— Ah ? Comme quoi ?
— Mmh… Je pourrais manger de la pizza au petit-déjeuner, regarder des films d’horreur et sauter sur le canapé.
Je trouve ses ambitions adorables…
— Et j’aurais un chien, aussi.
… la plupart du temps. Je lui embrasse le front à défaut d’avoir mieux à offrir. Le sujet est sensible pour des raisons que j’ai encore du mal à évoquer avec l’humain miniature.
— Moi, quand j’étais p’tit, je voulais avoir un rhinocéros, commente David. J’en demandais un au Père Noël tous les ans. Pour être honnête, j’espère encore en trouver un sous le sapin un de ces jours.
— Mais tonton, il existe pas, le Père Noël. Si tu veux un cadeau, il faut le demander gentiment ou économiser pour l’acheter. Mais de toute façon, les rhinocéros sont pas des animaux domestiques. Et ils peuvent pas vivre dans le froid alors tu pourrais même pas l’emmener là où tu vis si t’en avais un.
David éclate d’un rire franc, qui trouve écho mon sourire. Mais mon fils à l’âge où ce qu’il ne comprend le trouble et où ce qui le trouble le contrarie.
— Bah quoi ? bougonne-t-il.
— Ton oncle ne se moque pas de toi, bonhomme. Il rit de sa propre bêtise parce qu’il vient de se rendre compte que t’as huit ans, pas quatre. Ou parce qu’il vient de se rendre compte que t’es plus malin à huit ans qu’il l’était à seize.
— Ta mère a pas tort. J’ai cru au Père Noël jusqu’au lycée.
— Pour de vrai ? Tu devais pas être très malin.
— Milo, gronde Reiner. Soit poli avec ton oncle.
— J’ai pas dis de gros mot, argue-t-il.
— Il a pas dis de gros mot, confirmé-je.
— Ne l’encourage pas.
— Je l’encourage si je veux.
— Maman a l’esprit de contradiction, explique mon fils à son oncle. Ça veut dire qu’elle dit le contraire de ce que disent les autres pour les embêter.
— Je suis au courant. L’esprit de contradiction, c’est une sorte de maladie que développent fréquemment les jumeaux.
— Les jumeaux ? Je croyais que t’étais plus grand que maman.
— Oui, mais je parle de mon autre petite sœur, la jumelle de maman.
— Maman a une sœur jumelle ?
Reiner arrête la voiture ; d’abord parce qu’on est presque arrivé, ensuite parce qu’il est au moins aussi choqué que Milo. Il me fixe. Son regard est un profond reproche.
— Tu ne lui a jamais parlé de ta sœur ?
— À moins que tu l’aies aussi invité à passer Noël ici, j’ai pas l’intention d’aborder ce sujet.
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