Chapitre XI
J'ignore alors ce que la suite me réserverait. J'entends d'abord un bruit très discret et intermittent, que je n'identifie pas tout de suite. Et puis, je l'entends se répéter, tout aussi faiblement, mais irrégulièrement et à fréquence variable.
Cela me surprend sur le coup, puis je comprends : ce sont les ressorts du sommier qui grincent.
_ Mon Dieu, Madeline est en train de faire l'amour, me dis-je.
Mais contrairement aux films érotiques, les bruits de sommier ne s'accélèrent pas. Sa sexualité semble paisible, de l'ordre du " slow sex ". Je perçois également quelques halètements très faibles, mais mélangés, impossibles à différencier. Quelques minutes plus tard, un long gémissement féminin se fait entendre :
_ HHOONNNN... !!!!!!!!!!!!!!!!
suivi de son pendant masculin, ultra-rauque :
_ AHAHHHH... !!!!!!!!!!!!!!!!
Que tout cela est excitant ! Cette mélodie du bonheur poignarde mon coeur jusqu'au plus profond de l'âme. Je devrais m'en aller, puisque je les ai entendus jouir ; mais c'est plus fort que moi, je veux les entendre encore et encore. Les vocalises de l'orgasme s'étendent sur une si vaste gamme que je veux n'en rater aucune miette.
Telle est la récompense, mais aussi la punition, du voyeur. Parce qu'il a vu et entendu beaucoup, il veut voir et entendre davantage, sans limite. Même si c'est improbable à une heure aussi tardive, quelqu'un pourrait arriver dans la cage d'escalier, et me découvrir agenouillé devant la porte de Madeline.
Comment pourrais-je me justifier alors ? Ce serait bien inutile d'ailleurs : pour tous les habitants de l'immeuble, je serais celui qui écoute aux portes, et tout le monde se méfierait de moi, l'étudiante y compris. Je ne pourrais alors plus sortir de chez moi sans être montré du doigt, ou regardé de travers.
Mais la pulsion est plus forte que moi, et je reste à écouter. Les gémissements de Madeline se succèdent, discontinus :
_ HMMMMM... !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Les grincements du sommier se poursuivent, accompagnant les halètements mêlés s'amplifiant, créant la sublime mélodie corporelle. J'entends le garçon jouir à son tour :
_ AAAHHHHH... !!!!!!!!!!!!!!!!!!
Les ressorts couinent de plus en plus, et je sens ma propre respiration s'accélérer. Il y a le feu dans cet appartement, et j'enrage de ne pas voir ce qu'il s'y passe dedans. Derrière cette porte, deux perdent contrôle et j'en imagine l'agonie. C'est jouissif, mais ça reste frustrant...
Elle : OOOHHHH... !!!!!!!!!!!!!!!
Lui : AAAHHHHH... !!!!!!!!!!!!!!!
De longs bruits de baisers mouillés, léchés, ventousés... Un bonheur absolu pour le garçon, que j'envie. Et les grincements de sommier repartent de plus belle, comme les essoufflements. Je les perçois si fort que je me demande même s'ils ne copulent pas juste derrière l'entrée.
La montée en température s'accélère, le lit grince de plus en plus fort, cris et sanglots se précipitent dans un torrent de sons... Dans quelques instants, le feu d'artifice va prendre fin, sans que j'en devine la forme. J'aime ce moment du voyeurisme, qu'est d'assister au grand final ; à la fois angoissant par crainte de le rater, et excitant par l'attente : celui de la redécouverte de l'orgasme féminin. Un moment dont on ne se lasse jamais.
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