Un Chap.
Le nid est vide et avec lui, l'espoir est perdu de trois vies en plumes.
L'espoir et l'amour aussi...
S'envole.
Elle a tourné quelques instants autour du vide de sa vie. Le chagrin l'a clouée. Comme une pierre elle s'est écrasée sur le sol : c'est là que je l'ai trouvée
Je l'ai prise dans le creux de ma main, la chaleur de son corps est passé dans le mien.
Je me suis assise à même la terre sans y penser. Mes yeux se sont fermés malgré moi...
*
Je me ris du vertige dans un ciel sans fin ; mes limites s'évadent.
Je sais, parce qu'Elle le savait, je sais où trouver l'énergie de voler. Elle se loge dans le ventre sous ce cœur qui palpite. Sous mon cœur comme le sien qu'elle me prête et que j'apprivoise.
Je pousse dehors l'énergie de voler, jusqu'au bout de mes ailes.
Elles se déploient et lors mon geste est plus sûre, plus solide : évident !
Mon corps de plumes épouse des volumes invisibles sur lesquels je m'appuie ; des masses comme un paysage arrondi de collines, des densités chaudes ou froides, mouvantes.
Je me glisse dans la faille d'une seconde sans fin.
De rêves en songes, je me laisse emporter et soudain je comprends le chant des zéphyrs, des souffles, des bourrasques, des brises et des rafales, les haleines de la bise ; les nuances dans les courants d'air.
Oh j'ignorais ce que fait le vent, quand il glisse sur un plumage !
...Ce qu'on sent en dessous, quand le soleil le réchauffe !
J'ignorais jusqu'au goût de la vie quand elle éphémère et qu'on doit lui donner une attention de chaque instant !
Oh j'ignorais la joie sauvage de voler !
Un effort dans les épaules, on appuie sur l'air… respire...
On laisse ses ailes s'arrondir et résister … souffle…
Comme si les plumes en mur se changeaient…respire
Le pennage trace d'invisibles ruisseaux… souffle
Et le ciel qui s'ouvre devant, câline partout ce corps qui le touche respire
...courants des airs, tracés à la plume, ...souffle...
qui circulent et caressent jusqu'au duvet sur mes os…respire…
S'appuyer sur l'air, et soudain, au bout de l'effort, à tire d'ailes… souffle…
briser la résistance et se laisser tomber… respire...
Le vent se cale alors contre les ailes de chaque côté… souffle…
Attendre... retenir son souffle
Attendre encore le poids de la gravité, et quand elle tire… respire….
À nouveau appuyer.
De poussées en chutes, trouant l'espace et défiant le temps, j'épouse de toutes mes forces les derniers souvenirs d'un oiseau mourant.
*
Son petit corps était froid dans ma main qui se crispait.
Elle avait eu besoin de rêver encore un peu avant de partir.
Il n'y a pas, jamais, de morts anodines.
Et sûrement pas celle de cet oiseau qui m'appris à voler.
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