Gabriel
— Vous avez déjà des enfants ?
— Oui, deux garçons !
L'échographiste ballade la sonde sur mon ventre en souriant. Je ne suis pas sereine, mais j'essaie de le cacher. Cette fois, Florent m'a accompagnée. Il espère de toutes ses forces que ce sera une fille, enfin. Secrètement, je prie encore une fois pour un garçon. J'ai tellement envie d'avoir ma tribu. Elle sourit de plus belle. Je comprends avant lui.
— Et bien comme ça, vous aurez l'habitude !
Le visage de Florent se crispe. Il est déçu. Nous sortons du cabinet avec des photographies en noir et blanc du nouveau petit être qui habite mon ventre. Tout va bien, je rayonne de bonheur. Mais l'amertume qui a envahi le visage de Florent ne passe pas.
— Un garçon, c'est bien aussi !
— J'aurais quand même aimé savoir ce que ça fait d'avoir une fille !
— La prochaine fois ?
— Ah non, cette fois, c'est la dernière ! Déjà qu'on a été obligés de changer la voiture !
Ce bébé qui devait être un enchantement devient soudain un poids. J'ai de plus en plus de mal à supporter ces revirements, soudains et massifs. Je ne dis rien. Le bonheur, c'est entre mon bébé et moi. Et il est indescriptible.
— Bonjour madame, vous venez pour les cours de préparation à l'accouchement ?
J'hoche la tête timidement. Trois autres couples sont déjà présents. Le rendez-vous était à quatorze quinze, et je suis un peu en retard. J'ai dû déposer les garçons à l'école avant de venir, et je n'ai pas pu avoir un bus tout de suite.
— Votre compagnon nous rejoindra ?
Je me mords les lèvres.
— Non, il n'a pas pu venir.
La sage-femme affiche immédiatement un visage ennuyé. Elle croit sans doute avoir gaffé.
— Mais je lui raconterai !
Elle sourit. Rassurée de voir qu'elle ne vient pas de faire une bévue avec une maman célibataire. Mais visiblement désolée pour moi.
Je fais les exercices avec elle. Elle montre aux papas comment soulager leurs épouses, en les berçant sur les ballons ou en leur massant le bas du dos avec une balle de tennis. Je lui assure que je transmettrai tous ces précieux conseils à mon époux. Mais je sais bien entendu qu'il n'en est rien.
Florent se désintéresse totalement de ma grossesse. Je vais à tous les rendez-vous seul, sauf pour les échographies. Il ne se soucie pas de savoir si je suis fatiguée ou si je suis anxieuse. Il ne se soucie de rien, en vérité. Quelle différence avec ma première grossesse, où je lui offrais enfin un héritier !
Aujourd'hui, des héritiers, il va en avoir trois. Ça ne l'intéresse plus.
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