Déménagement, bis repetita
— Je vais postuler pour un job à Nice.
Je le regarde, indécise.
— Nice ? On va se rapprocher de ta famille, alors ?
— Et de la tienne.
Un genre de double peine, quoi.
— OK.
Nos conversations sont succinctes, presque inexistantes. Il affirme, j'acquiesce. De toute façon, soit il a raison, soit j'ai tort. Je n'ai même plus la force de me battre. Depuis que je lui ai parlé de séparation, il me traite avec encore plus de mépris qu'auparavant. Régulièrement, il me liste les postes de surveillantes ou de caissières qu'il a pu apercevoir en ville. Mes exploits littéraires lui sont totalement inconnus. Il ignore le nombre de livres que j'ai illustré, ou même leurs titres. Je découvre peu à peu que tout ce qui ne le concerne pas lui est étranger. Je découvre peu à peu l'homme avec qui je partage ma vie depuis plus de vingt ans. Un comble.
— C'est quoi ce carton ?
Je lui souris, pleine d'espoir.
— Mon dernier livre.
Il attrape un des exemplaires et en tourne les pages rapidement, sans ménagement. Il observe plus qu'il ne lit, mais cela me fait presque plaisir. Pendant quelques secondes, j'existe.
— C'est où les dédicaces ?
— Sur la première page.
Je connais la mienne par cœur : « Aux quatre amours de ma vie ». Il la lit, puis me dévisage.
— Et moi, pourquoi je n'y suis pas ?
Je ne sais pas quoi répondre.
Avec nonchalance, il balance le livre à terre, à côté du carton.
— De toute façon on s'en branle. Et sinon, on mange quoi ce soir ?
Je n'ai plus faim.
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